Le problème algérien de l’Europe – Par Fouad Gandoul

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À deux pas de l’Europe, une crise couve, menaçant non seulement la stabilité de l’Afrique du Nord, mais aussi directement la sécurité et la stabilité politique en Europe

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L’Europe n’entretient pas les mêmes relations avec l’Algérie qu’avec son voisin marocain. En restant hostile à toute forme d’ouverture, le régime algérien ne se montre pas propice à la coopération. L’Europe peut donc agir diplomatiquement. Une chronique de Fouad Gandoul, politologue et chroniqueur 21News site de la Belgique francophone.

À deux pas de l’Europe, une crise couve, menaçant non seulement la stabilité de l’Afrique du Nord, mais aussi directement la sécurité et la stabilité politique en Europe. L’Algérie, un pays prisonnier de son passé, entraîne toute une région dans une spirale de conflits géopolitiques et de difficultés économiques. En somme, l’Europe a un problème algérien.

Au cœur de cette problématique se trouvent le rôle dominant de l’appareil militaire algérien et les dysfonctionnements politiques profondément enracinés, figé dans des schémas de conflit obsolètes. Pour briser cette spirale négative, des réformes politiques profondes, une diversification économique accélérée et un pacte de paix économico-géopolitique durable avec le Maroc sont nécessaires. Ce pacte pourrait inclure la réouverture des frontières, des projets d’infrastructures communs et des accords commerciaux. La confiance mutuelle et un dialogue constructif sur les différends historiques sont essentiels, mais des dynamiques géopolitiques complexes représentent des obstacles considérables.

La présence d’un ennemi extérieur

Dans son ouvrage Der Begriff des Politischen, Carl Schmitt, un penseur politique allemand controversé mais influent, souligne la nécessité d’un ennemi extérieur pour la survie des régimes politiques. Selon lui, la politique repose essentiellement sur la distinction fondamentale entre « ami » et « ennemi », qui constitue le fondement de l’unité politique et de la souveraineté. Cette philosophie est au cœur de la logique politique algérienne. Les médias d’État algériens amplifient la rhétorique anti-marocaine, tandis que des manœuvres militaires téméraires à la frontière attisent les tensions. Les voix critiques sont réduites au silence en les accusant de complicité avec des ennemis étrangers. Ainsi, l’Algérie demeure piégée dans un cycle de répression et d’hostilité.

Sur le plan intérieur, l’Algérie fait face à des défis considérables. Son économie repose largement sur l’exportation de combustibles fossiles, la rendant particulièrement vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux du pétrole et du gaz. Bien que des prix élevés apportent un soulagement à court terme, ils n’ont pas permis une diversification économique structurelle ni une croissance significative de l’emploi. Tandis que les Émirats prospèrent grâce à la diversification, l’Algérie reste enfermée dans sa dépendance aux énergies fossiles. Avec un taux de chômage des jeunes dépassant 30 %, l’un des plus élevés de la région, le mécontentement grandit. De nombreux jeunes sans perspective migrent vers l’Europe ou rejoignent des mouvements de protestation réclamant un changement de système. En réponse, le régime renforce son emprise par la répression, la surveillance et l’emprisonnement ainsi que la torture des militants et des journalistes.

Boualem Sansal, symbole de la lutte contre le régime

Cette répression ne touche pas seulement les jeunes, mais aussi des critiques de premier plan comme Boualem Sansal, écrivain franco-algérien de 75 ans, qui, malgré son âge, n’a pas peur de dire la vérité. Son arrestation récente à Alger illustre comment un régime qui gouverne par la peur emprisonne non seulement des écrivains, mais aussi l’espoir. Sansal, connu pour sa critique du régime algérien et son opposition à l’extrémisme islamiste, a été accusé d’« atteinte à l’unité nationale ». Cette inculpation, passible de la réclusion à perpétuité en Algérie, fait suite à des déclarations controversées sur les frontières historiques entre l’Algérie et le Maroc. Il a affirmé que certaines parties du Maroc avaient été annexées à l’Algérie par la France durant la période coloniale. Les autorités algériennes ont perçu ces propos comme une provocation, surtout dans le contexte des relations tendues entre les deux pays.

L’affaire Sansal illustre comment un régime qui s’alimente de la peur sabote également la coopération régionale. Les frontières fermées entravent le commerce régional et le développement économique, tandis que d’importantes ressources sont gaspillées dans une course aux armements. Alors que le Maroc se positionne comme un partenaire fiable et stable de l’Occident, l’Algérie maintient ses frontières closes, alimente des antagonismes et compromet des opportunités de coopération. Pourtant, la coopération entre l’Algérie, le Maroc et la Tunisie est la clé de la stabilité et de la prospérité. Une zone de libre-échange dans cette région améliorerait considérablement le niveau de vie, réduirait drastiquement l’immigration clandestine vers l’Europe et contribuerait à la stabilité de l’Afrique du Nord.

L’Europe doit intervenir avec diplomatie

Enfin, l’Algérie, en tant que fournisseur énergétique stratégique, joue un rôle clé pour l’Europe, notamment alors que celle-ci cherche à réduire sa dépendance au gaz russe. Toutefois, cette dépendance envers l’Algérie est risquée en raison de l’imprévisibilité des généraux algériens, redevables à Moscou. Cela pourrait perturber les flux énergétiques européens et provoquer une volatilité sur les marchés. L’Europe a donc tout intérêt à empêcher la junte algérienne de provoquer une déstabilisation accrue.

Le choix est clair : soit nous restons spectateurs pendant que l’Algérie continue de déstabiliser une région cruciale, soit nous intervenons avec diplomatie et vision. La stabilité et la croissance économique en Afrique du Nord signifient sécurité et prospérité pour l’Europe. Le moment d’agir, c’est maintenant.

Fouad Gandoul, Politologue et chroniqueur 21News 

(titre et intertitres sont de la rédaction de 21News)

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