Le Sénégal retrouve sa sagesse démocratique et s’ouvre à une présidentielle au résultat incertain

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La ministre sénégalaise de la Justice, Aissata Tall Sall (4e à droite), s'entretient avec des membres de l'Assemblée nationale avant l'examen de la proposition de loi d'amnistie, à Dakar, le 6 mars 2024. (Photo JOHN WESSELS / AFP)

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Les Sénégalais savent à présent que, sauf nouveau rebondissement, ils éliront leur cinquième président le 24 mars et entrevoient une sortie de la crise profonde provoquée par le report de dernière minute de l'élection.

Un ultime doute a été levé jeudi quand le Conseil constitutionnel s'est aligné sur cette date du 24 après en avoir retenu une différente de celle fixée par la présidence.

Après un mois d'un flottement qui a alarmé l'opinion nationale et une partie de la communauté internationale, les Sénégalais s'engagent à nouveau sur la voie de la présidentielle peut-être la plus ouverte de leur histoire contemporaine.

Avec quelques développements potentiellement lourds de conséquences, comme l'adoption entretemps d'une loi d'amnistie dont pourrait grandement profiter le candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye.

Le président Macky Sall et le Conseil constitutionnel, dans une brutale accélération des évènements, ont partiellement tiré mercredi soir les électeurs du brouillard dans lequel ils étaient plongés depuis que le chef de l'Etat avait décrété le 3 février l'ajournement, inédit depuis des décennies, de la présidentielle prévue le 25 février.

Ils n'ont pas entièrement dissipé la nébulosité, la présidence annonçant le premier tour pour le 24 mars, le Conseil constitutionnel le fixant au 31 mars.

Babacar Gueye, un des leaders du collectif Aar Sunu Election ("Préservons notre élection") qui a vu le jour contre le report de la présidentielle, a déclaré s'attendre à ce que le Conseil "s'aligne" sur la présidence, même si, théoriquement, la décision des "Sages" devrait prévaloir.

"Victoire du peuple" 

Il a noté que le 31 mars coïncidait avec la fête de Pâques. Le Sénégal compte une communauté chrétienne significative. Ce mois de mars coïncide aussi avec le mois de jeûne musulman.

M. Gueye a balayé l'objection d'une campagne qui ne respecterait pas la durée légale de 21 jours. "Tout ça, c'est dans une situation normale, or nous sommes ici dans une situation exceptionnelle", a-t-il dit.

Cet horizon qui se dégage, "c'est la victoire de tout le peuple qui voulait aller à une élection dont il était privé", s'est-il réjoui.

Des points de crispation primordiaux semblent traités: le Conseil, confirmant une position antérieure, a refusé que l'élection se tienne après l'expiration du mandat du président Sall le 2 avril. Il a rejeté la date du 2 juin préconisée par un "dialogue national" convoqué par le chef de l'Etat pour sortir de la crise, et largement acquis à sa cause.

Le Conseil a aussi fait barrage à un réexamen de la liste des 19 candidats qu'il avait validée dès janvier, à un désistement près survenu depuis.

Le président Sall a justifié le report par la crainte de nouveaux troubles, après ceux connus en 2021 et 2023, en cas d'élection contestée.

Un large front de l'opposition, d'une grande partie des candidats qualifiés et de la société civile s'est formé contre ce qui a été présenté comme un "coup d'Etat constitutionnel". Le président a été accusé de chercher à s'accrocher au pouvoir et à conjurer la défaite à venir du Premier ministre Amadou Ba, désigné candidat à sa succession. M. Sall s'en défend.

Wade, Sonko hors-jeu 

Des manifestations ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel, depuis février, s'est opposé frontalement au président.

Karim Wade est désormais hors course, pour lequel vraisemblablement penchait le cœur de Paris et qui se présentait pour Macky Sall comme un candidat ‘’modéré’’ par défaut. C'est le cas aussi d'Ousmane Sonko, chef de file de l'opposition antisytème et acteur principal d'un bras de fer avec le pouvoir qui a tourné depuis 2021 à une confrontation meurtrière dans laquelle des dizaines de personnes ont perdu la vie et des centaines d'autres ont été arrêtées. M. Sonko est détenu depuis 2023. Donné comme l'un des favoris de la présidentielle, il en a été disqualifié par le Conseil constitutionnel en janvier 2024.

Son second et suppléant désigné, Bassirou Diomaye Faye, bien qu'emprisonné lui aussi, se retrouve, lui, confirmé dans la course. Il paraît éligible à une libération après l'adoption par l'Assemblée d'une loi amnistiant les actes commis en lien avec les manifestations politiques depuis 2021.

Les députés du Pastef, le parti dissous de MM. Sonko et Faye, ont voté contre la loi d'amnistie. Mais le Pastef réclame que M. Faye, ainsi que tous ses membres, sortent de prison pour faire campagne. Rien ne permet de dire si et quand M. Faye, voire M. Sonko, pourraient être relâchés, ni quand la loi serait promulguée.

Les députés de l’Assemblée nationale du Sénégal l’ont adopté mercredi soir.Ce projet de loi adopté mardi par la commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains de l’Assemblée nationale et en Conseil des ministres mercredi dernier, a été défendu par la garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, au nom du gouvernement.

95 députés ont voté pour l’adoption du projet d’amnistie générale, 49 ont voté contre et 2 députés se sont abstenus.

MM. Sonko et Faye "parcourront ensemble le pays pour assurer une victoire dès le premier tour, inchallah", écrit sur les réseaux sociaux un des porte-parole du Pastef, El Malick Ndiaye.

La date d'un deuxième tour, probable en l'état actuel des candidatures, n'a pas été communiquée. (Quid avec AFP et MAP)