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Les pieges de Charlie Hebdo
E. Macron a cependant, dans son sublime hommage, commis à la Sorbonne un impair. Sa petite phrase « nous ne renoncerons pas à la caricature et au dessin » porte aux nues le soutien à Charlie en l’adossant à la liberté d’expression.
Avec son expression la plus barbare, le terrorisme low cost, rudimentaire et primitif vient de frapper encore une fois. En l’espace de quinze jours, il a doublement touché l’âme de la France. Comme non rassasié par les meurtrissures infligées à l’école, ce sanctuaire de la République, il a foulé des pieds, cette fois-ci, une église, un lieu sacré pour y semer l’effroi et y commettre, dans une débauche de sang, le sacrilège suprême.
Outre l’intolérable sidération, la profonde et légitime émotion et les indignations désormais puériles, il y a lieu de s’interroger sur la dimension prise par l’affaire Charlie. Quatre observations.
1 Les trois deniers attentas ne semblent rien avoir avec les fractures sociales françaises ni avec la culture des quartiers. Ils sont étrangement le fait de trois individus, récemment venus en France, du Pakistan, de Russie ou, pour ce qui est du dernier, de Tunisie. Celui-ci n’est arrivé clandestinement en France que depuis le 9 octobre 2020. Si ces trois énergumènes n’ont aucun lien avec les ratés de l’intégration, ils ont en commun d’avoir à chaque fois proférer un « Allah ou Akbar » pour justifier leurs ignominieux forfaits. Sans compter qu’Allah se passerait volontiers de dévots de cet acabit.
2 Entre la statue de pierre d’un Victor Hugo contemplatif et d’un Louis Pasteur au regard méditatif, Macron a rendu, le 21 octobre, un sublime hommage à Samuel Paty, le prof décapité. Son discours, lu avec maestria, fut ponctué par le puissant souffle de la lettre adressé par Jean-Jaurès aux instituteurs et celle d’Albert Camus envoyé à l’enseignant de son enfance. Ce discours inaudible pour les égorgeurs fut destiné au personnel d’une école endeuillé. Il a cependant commis un impair. Sa petite phrase « nous ne renoncerons pas à la caricature et au dessin » porte aux nues le soutien à Charlie en l’adossant à la liberté d’expression. Ainsi, il a soutiré le dossier d’un débat, déjà en soi houleux dans la société, civile soit-elle ou intellectuelle, pour l’introduire dans le cercle de l’Etat. Ce faisant, il a prêté le flanc aux islamistes, notamment dans l’Asie du sud, qui ont trouvé là une occasion pour sataniser la France. Tayyip Erdogan, qui se veut nécessairement le chef de file de quelque chose, a saisi la balle au bond. Ce qui le contrarie, en réalité, ce n’est pas le discours de la Sorbonne mais celui sur le séparatisme prononcé aux Mureaux, le 2 octobre 2020. Erdogan redoute notamment la mise en cause des ELCO et surtout le renvoi de ses trois cents imams qui encadrent la communauté turque en France. Car tous les imams opérants, en Europe, dans les mosquées ottomanes, dépendent de Diyanet, qui dit bien son nom. Ils sont des fonctionnaires de l'État turc et à ce titre sont de loyaux agents d’Ankara.
3 Autant la liberté d’expression est une valeur à portée universelle, autant l’humour et le rire définissent la singularité de chaque aire culturelle. Une blague papoue peut ne rien dire à des Aborigènes d’Australie et encore moins les faire rire. L’humour français, surtout quand il est grivois, ne saurait être universel. Si le 7 janvier 2015, la défense de la liberté d’expression fut une impérieuse exigence face au massacre de toute une rédaction, amoureuse du fusain et de l’outrance, persévérer, cinq ans après, à ériger, mordicus et obsessionnellement, Charlie comme l’emblème de la liberté d’expression participe de l’entêtement. On n’est plus dans la défense des valeurs. On est dans la posture stérile. On est surtout dans un dialogue avec des soudards qui ne connaissent ni Camus, ni Jaurès ni Victor Hugo ni le sens de la laïcité. Eux magnifient le nom du prophète des musulmans. Il ne faut surtout pas oublier que c’est peut-être le prénom qui, chaque jour, est évoqué, dans la planète, des milliards de fois, en plus de ponctuer les cinq prières par jour.
Enfin, faut-il oublier que le couffin de naissance de Charlie Hebdo fut une interdiction. Faut-il oublier que Raymond Marcellin, ministre de l’intérieur était à l’origine de cette interdiction. Faut-il oublier que c’est cette Une « bal tragique à Colombey, 1 mort » pour évoquer la mort du General de Gaulle, qui avait provoqué cette interdiction. Il est vrai que c’était une autre époque, une autre France qui s’accommodait avec les politiques musclés. Une France de jadis sans immigrés visibles, sans mosquées, sans CFCM, sans voile, avec des musulmans peu nombreux et discrets. De Gaulle, dont aujourd’hui sont orphelins tous les identitaires, avec comme chef de file Éric Zemmour, et qui rêvent d’un homme providentiel pour bouter les Musulmans hors de France, ce De Gaulle là, serait-il plus sacré que le prophète des musulmans ?