Référendum en Algérie : une nouvelle Constitution pour enterrer le ''Hirak''

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Un homme prend la température d'un Algérien venu voter pour le référendum sur la révision constitutionnelle, à Alger le 1er novembre 2020

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Par Abdellah CHEBALLAH, avec Philippe AGRET à Tunis (AFP et Quid)

Les Algériens se sont prononcés dimanche sur une révision constitutionnelle censée fonder une "Algérie nouvelle" et tourner la page du soulèvement populaire du "Hirak", à l'occasion d'un référendum qui se tient en l'absence de son initiateur, le président Abdelmadjid Tebboune, hospitalisé à l'étranger. A midi, le taux de participation était de 13, 03%, même quel que soit ce taux, le projet sera adopté à la majorité des participants et il est inconcevable pour le pouvoir de renoncer à sa « nouvelle Algérie ».

Les 61.000 bureaux de vote ont fermé 19H00 (18H00 GMT), et le vote se serait déroulé dans le calme, sauf à Tizi Ouzou, Bouira et Bejaia. Les autorités algériennes ont d’ailleurs décidé l'annulation du vote par référendum sur le projet d’amendement de la Constitution dans la majorité des communes de Tizi Ouzou (100 km à l’est d’Alger) et l’acheminement des urnes vers le siège de la wilaya qui est sous très haute surveillance.

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Le Premier ministre algérien Abdelmadjid Djerad, le 1er novembre 2020 à alger

Sur les 67 communes où est organisée l’opération de vote sur l’amendement de la Constitution dans la wilaya de Tizi-Ouzou, seulement quatre communes ont ouvert leurs bureaux de vote, selon l’autorité nationale indépendante des élections (ANIE).

Les raisons de la fermeture dans les autres communes sont d’ordre sécuritaire, a précisé, dans un point de presse, le délégué de wilaya de l’ANIE, Gabi Youcef en faisant allusion à l’opposition des 67 communes à l’opération de vote.

En totalité, 42 centres de vote ont ouvert, sur les 697 que compte la wilaya, a ajouté le représentant de l’ANIE.

Dans certaines communes, les urnes ont été saccagées, et dans d’autres, elles n’ont même pas été acheminées vers les centres de vote, relèvent pour leur part les médias algériens.

Dans la nuit du 31 octobre au 1e novembre, des émeutes ont éclaté dans plusieurs communes de la wilaya et "au moins 7 personnes ont été arrêtées et sont toujours en détention".

La victoire du "oui" ne fait donc de doute tant la campagne électorale, qui a laissé la population largement indifférente, a été à sens unique.

Les opposants n'ont pas été autorisés à tenir de meetings publics. Les partisans du "Hirak", mouvement antirégime inédit et pacifique, ont prôné le boycott tandis que les islamistes ont appelé à voter "non".

Le seul enjeu est le taux de participation, qui semble d'ores et déjà très faible.

Lors de l'élection présidentielle de décembre 2019, il s'est établi à 39,93?%, soit le taux le plus faible de toutes les élections présidentielles pluralistes de l'histoire de l'Algérie, faisant de M. Tebboune un président mal élu et donc en quête de légitimité. 

A Alger, où l'on vote généralement à la mi-journée, les électeurs se sont fait rares, selon des journalistes de l'AFP.

"Aujourd'hui j'ai voté, j'ai voté pour l'Algérie nouvelle, j'ai voté pour que les pratiques anciennes soient révolues à jamais", a déclaré à l'AFP Mahrez Lamari.

En raison de la pandémie, l'accès dans les bureaux est limité à deux ou trois personnes à la fois et il est obligatoire de porter un masque.

Tebboune absent 

"Le peuple algérien sera, une fois encore, au rendez-vous avec l'histoire pour opérer le changement escompté, dimanche 1er novembre, en vue d'instituer une nouvelle ère à même de réaliser les aspirations de notre peuple à un Etat fort, moderne et démocratique", a assuré M. Tebboune dans un message relayé samedi soir par l'agence officielle APS.

La date du référendum n'a pas été choisie par hasard: le 1er novembre marque l'anniversaire du début de la Guerre d'indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).

M. Tebboune, 74 ans, a été transféré mercredi en Allemagne pour des "examens médicaux approfondis" après l'annonce de cas suspects de coronavirus dans son entourage. Son état est "stable et non préoccupant", selon la présidence. 

Son épouse a voté pour lui par procuration dans une école d'Alger.

Les réseaux sociaux ont fait état d'incidents --marches nocturnes, urnes et bulletins détruits-- en Kabylie. De nombreux bureaux de vote n'ont pas ouvert dans cette région traditionnellement frondeuse, selon des médias locaux.

"Changement de façade" 

M. Tebboune a fait de la révision de la Constitution, la énième depuis l'accession à l'indépendance en 1962, son projet phare.

Mais les "hirakistes" ont rejeté "sur le fond et la forme" une initiative perçue comme un "changement de façade", incitant au boycott du référendum. 

Ils réclament depuis février 2019 un profond changement du "système" en place depuis l'indépendance. En vain jusqu'à présent, même si le mouvement a poussé Abdelaziz Bouteflika à la démission en avril 2019 après vingt ans de règne.

De fait, la nouvelle Constitution met en avant une série de droits et de libertés mais n'offre pas de changement politique majeur : elle maintient l'essentiel d'un régime "ultra présidentialiste" et élargit même les prérogatives de l'armée.

"C'est pour la démocratie qu'on s'est levés, pas pour un énième régime présidentiel arabe", explique à l'AFP Ghalem, enseignant de 40 ans à Sidi Bel Abbès (nord-ouest).

Mais le scrutin constitue un défi pour un Hirak affaibli par une campagne de répression qualifiée d'"implacable" par Amnesty International, et par l'interruption forcée des manifestations en raison de la crise sanitaire du coronavirus.

Quelque 90 personnes (activistes, blogueurs, journalistes) sont derrière les barreaux, la plupart pour des publications sur Facebook, selon le Comité national pour la libération des détenus.

"La répression en cours vise aussi à empêcher que le scrutin ne subisse un nouveau boycott massif car cela décrédibiliserait les incantations sur +l'Algérie nouvelle+", analyse le journaliste algérien Akram Belkaïd sur son blog.