Répressive, sans complexe et sans tabou, la majorité présidentielle demande des sanctions contre les députés présents au Rassemblement Traoré

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Youssouf Traore (à droite), membre français du Comité Vérité et Justice pour Adama, avec les députés français de La France Insoumise (LFI) Eric Coquerel (à gauche) et Jérôme Legavre qui essayent de sauver ce qui reste de l’image de leur pays. Youssouf a été violenté et arrêté par la police, au milieu des manifestations, arbitrairement interdites, pour commémorer la mort, après son interpellation, de son frère Adama Traore en 2016. (Photo par Bertrand GUAY / AFP)

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La majorité présidentielle a appelé mardi la présidente de l'Assemblée nationale à sanctionner les députés de gauche ayant participé au rassemblement interdit en mémoire d'Adama Traoré, et les élus RN, une alliance qui n’offusque plus personne, ont demandé des poursuites judiciaires. Elle s’inscrit ainsi dans la dynamique intolérante et répressive d’Emanuel Macron qui a appelé pendant les affrontements entre manifestants et forces policières, à prendre des mesures ‘’sans tabou’’. 

Environ 2.000 personnes, dont une dizaine de députés LFI et EELV, ont marché samedi à Paris, malgré une interdiction arbitraire, en mémoire du jeune de 24 ans, le énième sur une longue liste, mort il y a sept ans peu après son interpellation par des gendarmes. Le rassemblement avait été interdit par la préfecture de police, qui a prétendu des craintes de troubles à l'ordre public après les récentes violences urbaines.

"L'article 70 alinéa 2 de notre règlement dispose pourtant que tout membre de l'Assemblée se livrant à des manifestations troublant l'ordre peut faire l'objet de peines disciplinaires", ont écrit mardi les trois présidents des groupes du camp présidentiel - Aurore Bergé (Renaissance), Jean-Paul Mattei (MoDem) et Laurent Marcangeli (Horizons) - dans une lettre à Yaël Braun-Pivet (Renaissance).

L'article dispose que tout membre de l'Assemblée nationale "peut faire l'objet de peines disciplinaires" en se livrant "à des manifestations troublant l'ordre" ou s'il "provoque une scène tumultueuse".

Il ne s'agit pas d'"un trouble à l'ordre public" mais d'"un trouble dans le bon fonctionnement des débats" à l'Assemblée nationale, a rétorqué en conférence de presse le député socialiste Arthur Delaporte.

Dans le cas contraire, "l'Assemblée se substituerait à la justice et là c'est extrêmement grave", a insisté l'élu du Calvados.

Les trois signataires de la lettre demandent une saisine du Bureau de l'institution pour décider d'éventuelles sanctions.

Ils dénoncent le fait que les "députés portaient à cette occasion leur écharpe tricolore et maintenaient leur présence à une manifestation au slogan de +tout le monde déteste la police+", en citant nommément des élus, à l'instar de la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, du président LFI de la commission des Finances Eric Coquerel ou encore de l'écologiste Sandrine Rousseau.

"C'est un slogan entonné depuis des années et personne n'a jamais été demanda des comptes aux députés qui étaient dans ces manifestations, c'est sidérant", a dénoncé auprès de l'AFP Eric Coquerel.

"Je vais demander dans ces cas-là des comptes à tous les députés qui applaudissaient les syndicats d'extrême droite qui expliquaient que la justice était un problème, devant l'Assemblée nationale", a-t-il poursuivi, en référence à une manifestation de syndicats de policiers en 2021 à laquelle avaient participé des élus.

"À force d'interdire tout ce qui vous dérange, vous étouffez la démocratie", a abondé l'écologiste Sophie Taillé-Polian, sur Twitter.

Le député d’extrême droite RN Aurélien Lopez-Liguori a soulevé à nouveau le sujet lors de la séance des questions au gouvernement, accusant "La France insoumise et les écologistes de souffler sur les braises de l'anarchie". "C'est aux Français de les sanctionner dans les urnes et à la justice d'agir", a-t-il estimé.

Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui a oublié sa toge d’avocat, lui a répondu qu'il trouvait "scandaleux" que les députés présents n'aient pas quitté la manifestation alors que la police était critiquée. "Participer à une manifestation interdite est une infraction", a-t-il souligné, suggérant à M. Lopez-Liguori de faire un signalement.

En novembre, trente-six députés de la majorité avaient appelé à des "sanctions" de l'Assemblée nationale contre les députés participant à des manifestations interdites, en visant notamment des écologistes présents à Sainte-Soline contre un projet de retenue d'eau.