International
Sénégal : le camp présidentiel à la quête d'un successeur à M. Sall, l'opposition se lance divisée
Le président sortant Macky Sall et le trublion Ousmane Sonko
Par Abdelkrim Kninah (MAP)
Dakar - La décision inattendue du président Sénégalais, Macky Sall, de ne pas se présenter, pour un 3-ème mandat, à la prochaine élection présidentielle fixée au 25 février 2024, a surpris tout le monde y compris le camp présidentiel et aussi des franges de l'opposition dans ce pays ouest-africain.
Même les analystes et les observateurs de la politique sénégalaise ainsi que des partenaires ont été pris de court par cette décision "longuement et mûrement réfléchie", comme l'a expliquée le chef de l'Etat sénégalais dans son adresse à la nation le 03 juillet.
Macky Sall a aussi dans un entretien accordé à "Jeune Afrique", révélé avoir pris "depuis longtemps" sa décision de ne pas se présenter pour un 3-ème mandat.
Des choix diffciles
"J’avais pris ma décision depuis longtemps déjà. Mais je ne voulais pas être l’otage de petits politiciens, qui ont fait de ce sujet leur fonds de commerce, ni être contraint par l’agenda qu’ils entendaient imposer", a-t-il souligné pour justifier son choix salué aux niveaux national et international.
"Nous avions du travail, un pays à gérer, de nombreuses urgences, et je voulais que nous restions tous concentrés sur nos missions. J’avais dit et écrit que ce serait mon dernier mandat, même si la Constitution m’autorise à poursuivre. Je ne vois pas pourquoi j’aurais dû céder à leurs oukases ou devoir me justifier", a-t-il dit.
Quoi qu’il en soit, son choix a le mérite de baisser la tension sociale et politique dans le pays, après les violences de début juin qui ont fait 16 morts et des dégâts matériels. Ce faisant, il rabat toutes les cartes.
Pour l'instant, le camp présidentiel n'a pas encore désigné son candidat pour la prochaine élection d’un successeur à Macky Sall.
L’opposition, non plus, ne sait pas qui seront les potentiels candidats à se lancer dans la course le 25 février prochain, bien que plusieurs membres dont ceux de la coalition Yewwi Askan Wi (Libérer le peuple en wolof) ou du Mouvement F24, ont déjà affiché leur intention de se présenter à ce scrutin, qui va désigner le 5-ème président de la République depuis l'indépendance en 1960 du pays de la teranga.
Tractations et combinaisons
Dans le camp de la coalition présidentielle, Benno Bokk Yaakaar (BBY) et de l’Alliance pour la République (APR), le parti politique de Macky Sall, certains avancent déjà les noms de l'actuel Premier ministre, Amadou Ba, de Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye et d’Amadou Mame Diop, parmi d'autres hauts cadres.
Les coulisses vont bon train au rythme des tractations et combinaisons se font et se défont. Si les noms d’Amadou Ba, d’Abdoulaye Daouda Diallo, d’Aly Ngouille Ndiaye et d’Amadou Mame Diop sont cités ça et là, d’autres cadres de l’APR peaufinent leur stratégie sans tambour ni trompette’’, a écrit mardi le journal "Sud Quotidien".
'’D’un large consensus à une implosion, signale le média, tout reste possible dans cette armée mexicaine", faisant ainsi référence à une alliance qui compterait plus de généraux que d’hommes de troupes.
La presse relève que "le président Macky Sall veut prévenir toute éventualité de frustration ou de bouderie dans ses rangs, après le choix du candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar’’.
Le journal "EnQuête" confirme cette appréhension et précise que "la perspective d’une implosion de Benno Bokk Yaakaar suscite la crainte chez ses dirigeants", ajoutant que Macky Sall et ses alliés tiennent une série de réunions en vue de la désignation d’un candidat.
Depuis sa déclaration de non-candidature, Macky Sall ne cesse de multiplier les rencontres au palais de la République, pour préparer sa succession et baliser la voie au futur locataire du palais de la république.
Mais déjà on dresse ici et là le profil du candidat potentiel, dans lequel, il est vrai, chacun pourrait se reconnaitre. Pour Abdoulaye Diouf Sarr, l’un des prétendants à la candidature de Benno, celle ou celui qui doit briguer le mandat présidentiel au nom du parti politique de Macky Sall. "Le meilleur candidat de l’APR doit être un capitaine d’équipe capable d’impulser et d’animer une dynamique gagnante", dit M. Sarr. Alors que le ministre, porte-parole de la présidence de la République, Yoro Dia, rassure en affirmant que ‘’le candidat de Benno est déjà sur scène’’, sans dévoiler toutefois un nom.
Dans un communiqué publié mardi au terme de la tenue lundi de la Conférence des leaders élargie de BBY, Macky Sall a attiré l’attention des leaders sur les tentatives de "déstabilisation" du pays et souligné la nécessité de faire face afin que l’ordre républicain soit sauvegardé.
Le candidat de Benno Bokk Yaakaar à la présidentielle sera d'ailleurs connu vendredi prochain. La Conférence des leaders de coalition, a donné carte blanche à sa tête de file, le chef de l’Alliance pour la République, pour désigner celui qui portera les couleurs de la majorité lors de la Présidentielle du 25 février 2024.
La semaine dernière, son parti, l’APR, à travers son Secrétariat exécutif national (SEN), lui avait témoigné cette même confiance. Macky Sall avait clamé sa préférence pour un candidat de consensus, écartant toute idée de primaires.
Sonko le trublion
Au sein des partis de l'opposition, toutes les portes sont ouvertes, même pour l’opposant, actuel maire de Dakar, Barthélémy Dias, l'ancien maire de Dakar, Khalifa Sall (Parti socialiste), et Karim Wade, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, qui vit au Qatar.
Écartés en 2019, Karim Wade et Khalifa Sall devraient être réhabilités pour le scrutin de 2024 si le projet de loi relatif au Code électoral, approuvé la semaine dernière en Conseil des ministres, est adopté par les députés de l'Assemblée nationale (parlement). Une forte probabilité qui pourrait bouleverser la conquête du pouvoir dans ce pays. Parmi les candidats déclarés du côté de l'opposition, figure aussi l'ex-Premier ministre Aminata Touré, une ancienne membre de la coalition présidentielle qui a rallié l'opposition et qui a fait de la lutte contre le troisième mandat son cheval de bataille.
On cite également le nom de Idrissa Seck président du parti Rewmi (le pays en wolof) qui a annoncé dernièrement sa candidature après avoir quitté son poste de président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Arrivé deuxième lors du dernier scrutin de 2019, l’ancien Premier ministre se présente pour la quatrième fois à la magistrature suprême (2007, 2012, 2019).
Quant à l'opposant Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor (sud), condamné à deux de prison ferme pour "corruption de la jeunesse", sa situation crispe encore les tensions dans le pays. Il est pour le moment inéligible, bien que son parti "Pastef" ait annoncé qu'il va l'investir le 15 juillet prochain "en sa présence" lors d'un meeting qui se tiendra dans un lieu non encore déterminé dans la capitale Dakar.
Dans une sortie la semaine dernière sur la chaine France 24, l'opposant Sonko a prévenu contre un "chaos indescriptible" dans le pays, si sa candidature est empêchée. "Il n'y aura pas d'élection dans ce pays, ou alors ce sera dans un chaos indescriptible si par des combines judiciaires le président Macky Sall voulait empêcher ma candidature", avait-il dit dans cette interview avec le média français.
Lui répliquant d'une manière indirecte, Macky Sall a affirmé que "rien ni personne ne pourra remettre en cause le processus électoral" devant aboutir à l’organisation de l'élection présidentielle du 25 février 2024.
"’En 2019 aussi, on disait que si certains candidats ne participaient pas à l’élection, ce serait le chaos. Pourtant, tout s’est bien passé. L’élection se tiendra et le peuple choisira son président. Rien ni personne ne pourra remettre en cause le processus électoral’’, a lancé M. Macky Sall dans une interview accordée au journal "Le Monde" .
D’ici là, l’ouverture de la collecte des parrainages à partir d'août, devrait pousser les candidats à se dévoiler dans les deux mois. Le dépôt des candidatures est prévu du 11 au 26 décembre et la liste définitive doit être validée par le Conseil constitutionnel auquel revient le dernier mot.