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Sénégal: le candidat antisystème mène campagne depuis sa prison, est-ce ‘’intelligent’’ de l’y maintenir ?
Un partisan de la coalition des candidats anti-système brandit un portrait devant une bannière du candidat présidentiel Bassirou Diomaye Faye lors d'un rassemblement de campagne à Dakar le 10 mars 2024. Et juste devant celle de la figure emblématique de l’opposition anti-système Ousmane Sonko La campagne pour l'élection présidentielle du 24 mars au Sénégal a commencé, après des semaines d'agitation causée par son report. (Photo by JOHN WESSELS / AFP)
Son nom est dans toutes les bouches, chanté, scandé, son visage sur les T-shirts, les casquettes. Et pourtant, au premier grand meeting de sa coalition dimanche à Dakar, le candidat d'opposition Bassirou Diomaye Faye n'occupe pas le devant de la scène: il est toujours derrière les barreaux. [Il est le candidat qui remplace Ousman Sonko, lui aussi en prison et déclaré inéligible par le conseil constitutionnel NDLR]
Qu'importe, une foule compacte de milliers de sympathisants remplit un terrain de football sablonneux du quartier "Parcelles assainies", dans le nord de la capitale sénégalaise. Quelques-uns ont trouvé un point de vue avantageux en grimpant sur la barre transversale des buts. D'autres suivent le meeting depuis les toits terrasse des immeubles alentours.
"Tout le monde est venu pour montrer notre force, montrer que nous sommes majoritaires dans le pays" explique posément Abdourahmane Sankhare, un professeur de sciences de 30 ans.
Bassirou Diomaye Faye, candidat de l'opposition antisystème, est en prison depuis presque un an pour "outrage à magistrat". Secrétaire général et membre fondateur du parti dissous Pastef, il est l'un des 19 candidats à la présidentielle désormais fixée au 24 mars après avoir été ajournée. [Il est
Les spéculations vont bon train sur une prochaine sortie de prison à la faveur d'une loi d'amnistie récemment votée ou d'une remise en liberté provisoire, mais la campagne a débuté sans lui.
Ses soutiens rencontrés dimanche le répètent à l'envi: l'important, c'est le projet et pas le candidat.
Le fait qu'il soit encore détenu, "ça nous motive encore plus", assure Ramatoulaye Diédhiou, une assistante de 28 ans. "De toute façon, s'il est élu, il ne va pas gouverner en prison!" D’où la question de savoir s’il est vraiment ‘’intelligent’’ et rentable pour le pouvoir de l’y maintenir plus longtemps.
"Notre rêve le plus fou, abonde Abdourahmane, c'est de le voir sortir de prison pour aller directement à la présidence."
Autre grand absent incontournable des rassemblements de la coalition: Ousmane Sonko, arrivé en troisième position à la présidentielle de 2019, également en prison, et dont la candidature a été invalidée. Il a appelé à voter pour son camarade de lutte Diomaye Faye, inspecteur des impôts et domaines comme lui.
Son visage figure sur pratiquement tous les supports de la coalition, en vis-à-vis de celui du candidat officiel, avec le slogan "Ousmane mooy Diomaye" ("Ousmane, c'est Diomaye" en ouolof).
"Quand Ousmane dit que tout ce qui appartient au peuple doit revenir au peuple, ça me parle. Qu'il y aura plus de justice, ça me parle aussi", explique Ramatoulaye.
"Pas assez de dix ans"
Samedi, les cadres de la coalition ont présenté leur programme à la presse, avec plusieurs mesures fortes: la disparition du poste de Premier ministre et la création d'un poste de vice-président, la création à terme d'une monnaie nationale en lieu et place du Franc CFA, et la renégociation des contrats sur les hydrocarbures dont la production doit débuter en 2024.
"Notre programme est long et riche. On n'aura pas assez de dix ans pour tout mettre en oeuvre", affirme Fary Yague, étudiante de 26 ans en cinquième année de transport logistique. "Il nous faudra 50 ans au pouvoir", dit-elle en souriant.
La plupart des supporters rencontrés se disent persuadés d'une victoire dès le premier tour. D'après les analystes politiques, l'élection s'annonce comme très indécise et personne n'est assuré d'être au second tour.
Le candidat du camp présidentiel Amadou Ba, qui revendique le bilan des 12 années au pouvoir du président Macky Sall, devait faire un déplacement en périphérie de Dakar dimanche, avant son "meeting d'ouverture de campagne" lundi à Mbacké, à 200 km à l'est de la capitale.
L'ancien maire de Dakar Khalifa Sall et l'ex-Premier ministre Idrissa Seck, également cités comme des prétendants, ont eux aussi commencé à aller à la rencontre des électeurs.
Dimanche soir, des clips de campagne des candidats ont commencé à être diffusés par la télévision publique. Sauf celui du camp Diomaye Faye, qui avait été enregistré par son directeur de campagne: le conseil de régulation des médias a justifié cette décision en arguant que ce temps d'antenne est réservé aux seuls candidats. (AFP)