Sénégal: le président Faye et Sonko se partagent les rôles

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Bassirou Diomaye Faye (à gauche) et Ousmane Sonko

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Le Sénégal se dirige vers un partage des tâches au sommet de l'Etat avec la nomination au poste de Premier ministre d'Ousmane Sonko, qui a juré sa "loyauté" au nouveau président Bassirou Diomaye Faye après avoir rendu possible son avènement.

Investi mardi cinquième et plus jeune président du Sénégal, M. Faye a logiquement choisi pour chef de gouvernement son mentor Ousmane Sonko, dans l'ombre duquel il a préparé pendant des années le camp antisystème à la prise du pouvoir et qu'il a suppléé à la présidentielle quand celui qui était le candidat incontournable de leur parti a été disqualifié.

M. Sonko, ovationné par les sympathisants et placé aux premiers rangs lors de l'investiture, a endossé dans la soirée le costume de Premier ministre et dit dans une brève déclaration en français et en wolof qu'il soumettrait "dans les prochaines heures" une proposition de gouvernement à M. Faye.

La place dévolue auprès de M. Faye à M. Sonko, qui a incarné pendant des années le projet de rupture avec le système au pouvoir avant de devoir laisser sa place à la présidentielle, faisait l'objet de conjectures depuis la victoire retentissante de son second à la tête de leur parti dès le premier tour de la présidentielle du 24 mars. Les deux hommes étaient encore en prison dix jours plus tôt.

M. Sonko, en première ligne d'un combat de trois ans contre le pouvoir avec M. Faye comme stratège et organisateur, s'est mis pendant leurs quelques jours de campagne commune au service de du "projet", prévalant sur les personnes.

Il a souligné mardi que ce programme "pour un Sénégal souverain, juste et prospère", visant à accomplir "la rupture, le progrès et le changement définitif", M. Faye et lui l'avaient "élaboré en commun" et l'avaient "défendu ensemble".

M. Sonko a défini les contours de sa propre action: son poste est "l'autorité publique qui est en charge de la coordination et la conduite de la politique de la nation conformément à la Constitution".

M. Faye a énoncé comme priorités la lutte contre la cherté de la vie et contre la corruption ainsi que la réconciliation nationale après une longue période d'agitation, avec à la clé des dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Il entend aussi s'attaquer à l'hypertrophie des pouvoirs impartis selon lui à la présidence.

Dedans ou dehors 

L'ancien président Macky Sall avait supprimé le poste de Premier ministre en 2019 pour, justifiait-il, accélérer la mise en œuvre de ses projets. Il l'avait rétabli en 2022.

Parlant de M. Faye, M. Sonko a dit qu'il ne "sera pas question de le laisser seul assumer cette lourde responsabilité".

Mais il a aussi donné la garantie de "notre loyauté et notre dévouement".

M. Sonko s'était "éclipsé ces jours derniers pour laisser introniser M. Faye", dit le politologue El Hadji Mamadou Mbaye, "mais avec son discours d'hier soir, il a montré que le capitaine du bateau, c'est lui".

"C'est lui qui a incarné le projet, c'est lui qui porte le projet et c'est lui qui va mettre en œuvre le projet et qui va choisir les hommes", dit-il.

Le Sénégal a connu des précédents de bicéphalisme conflictuel, entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia ou Abdoulaye Wade et Idrissa Seck. Mais M. Mbaye fait valoir la proximité entre MM. Faye et Sonko. Il note aussi que "celui qui porte le parti, c'est Sonko et si (M. Faye) s'engage dans un bras de fer, c'est fini pour lui".

Il envisage un partage des rôles équilibré entre affaires internationales pour M. Faye et intérieures pour M. Sonko.

M. Faye "aura l'image de président (démocratiquement élu) le plus jeune d'Afrique, l'image d'un Sénégal à la démocratie renouvelée, il aura plus de légitimité, même pour renégocier des contrats" avec des partenaires étrangers, comme son programme l'a annoncé, déclare-t-il. "Sonko sera là pour affronter les problèmes nationaux", lourds de risques pour lui tant la tâche est vaste, dit-il.

L'analyste Momar Diongue voit une "parfaite cohérence" dans la désignation de M. Sonko, dans le quotidien L'Observateur. Il ne croit pas non plus à une rivalité. "Sur le plan politique, Sonko, président du Pastef (leur parti) demeure le patron politique de Diomaye Faye (...) Ce qui aurait été dangereux pour ce tandem, c'est que Sonko soit en dehors du pouvoir". (Quid avec AFP)