Syrie : La guerre propre existe-t-elle ?

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La Syrie est de nouveau sous les bombes. Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont de nouveau attaqué le régime syrien « par réaction » à “l’attaque chimique” sur Douma.

Bachar El-Assad aurait encore une fois utilisé la terrible arme chimique contre son propre peuple. A croire que le dirigeant syrien n’y comprend décidément rien au pouvoir de la communication et le poids de l’opinion publique.

La guerre « propre »

L'armée syrienne a "repoussé l'agression tripartite américano-franco-britannique", voilà comment les médias pro-Assad ont proclamé leur victoire. Une proclamation un peu trop hâtive sans doute.

Le régime syrien a remis (de gré ou de force) son doigt dans l’engrenage. L’engrenage de la « guerre propre », la guerre contre « la haine », la guerre contre « le mal ».

Ce nouveau type de guerre, bien que se voulant noble dans le fond, se révèle pervers. Inauguré par la deuxième guerre d’Irak, ce renouveau de la croisade adopte une trame, un plan, que gouvernements occidentaux appliquent à chaque nouveau conflit.

La guerre est cynique et trouve à sa source des intérêts. Des intérêts politiques mais surtout économiques. Cependant à l’ère d’internet et de la communication totale, il est impossible de « marketer », de vendre une guerre sur ses motivations réelles. L’opinion publique, bien que bafouée régulièrement, doit être respectée et influencée pour une opération aussi coûteuse (humainement et financièrement) qu’une guerre.

C’est là qu’intervient le mécanisme qu’on pourrait presque qualifier de propagande tant il rappelle des méthodes du début du 20e siècle. Tout d’abord une diabolisation systématique et mécanique de l’adversaire. Assad, Khadafi et Sadam ont tous été tour à tour qualifié de nouveau « Hitler ». Bien qu’ils soient loin d’être des saints, la comparaison avec l’ex chancelier allemand, ayant exterminé des millions, semble un poil exagérée.

Ce qui frappe surtout dans la construction de cette narration, c’est la cohésion médiatique. Tout l’opinion se coagule autour d’une idée centrale et aucun média n’émet de contradictions sous peine d’être rudement punis. Et cela dans des sociétés occidentales, réputées pour leur liberté d’expression, leur sens critique et leur liberté de penser.

L’opposant étant effectivement diabolisé dans l’opinion publique, les gouvernements peuvent ainsi s’ériger en tant que défenseur des opprimés et des victimes. La guerre devient propre et le poids des (futurs) morts se retrouve allégé.

Les intérêts avant tout

Les guerres manichéennes ne se trouvent que dans les fictions. L’épicentre de tous les conflits depuis la chute du mur (et pas que) est la ressource. Gaz, minerais, pétrole sont littéralement le « nerf de la guerre ».

Le conflit syrien est avant tout une histoire de gaz. Il suffit d’observer les pipelines de gaz pour comprendre l’intérêt géostratégique de la Syrie. Deux canaux sont primordiaux, le pipeline desservant le gaz qatari ainsi que le pipeline desservant le gaz iranien, irakien et syrien. Ces deux canaux ont un point en commun, ils passent tous les deux par la Syrie.

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De plus le pays possède des gisement petro-gaziers gigantesques. Le gouvernement syrien se rapprochant politiquement de la sphère « sino-russe », les « occidentaux » ont donc essayé logiquement de renverser le gouvernement en place.

Cela a été confirmé par l’intervention russe. Vladimir Poutine est un pragmatique et revendique que leur ingérence n’est motivée que par une seule chose, leur intérêt économique. Les pipelines passant par la Syrie sont d’une importance capitale pour la Russie et d’ailleurs quelques jours après les bombardements, Merkel et Poutine se sont entretenus notamment sur la situation en Syrie mais surtout sur le pipeline « Nord-Stream 2 », un canal qui relie directement la Russie à l’Allemagne.

La guerre « noble » et « propre » aurait dû s’éroder au fur et à mesure des centaines de milliers de morts. Mais force est de constater que le système est toujours efficace. L’afflux massif et tragique des syriens n’a rien changé, l’opinion publique occidental ne comprend toujours pas que l’indignation n’est que l’idiot utile des intérêts, qui eux sont réalistes et froids, insensibles à la destruction d’une nation.