International
TikTok sur la sellette au Congrès américain dans une affaire qui semble déjà jugée
Le PDG de TikTok, Shou Zi Chew (C), arrive pour témoigner lors de l'audition de la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants sur "TikTok : Comment le Congrès peut protéger la confidentialité des données américaines et protéger les enfants des dangers en ligne", au Capitole, le 23 mars 2023, à Washington, DC. (Photo OLIVIER DOULIERY / AFP)
Shou Chew, le patron de TikTok, filiale du groupe chinois ByteDance, est auditionné jeudi par des élus américains qui l'accusent de mettre en danger la sécurité nationale et la santé de ses utilisateurs, et l'ont en partie condamnée d'avance.
Tiktok, soupçonné par de nombreux gouvernements de donner accès aux données des utilisateurs à Pékin, risque l'interdiction totale aux Etats-Unis.
"J'imagine que vous allez dire tout ce que vous pouvez aujourd'hui pour éviter ce résultat", a déclaré d'emblée Cathy McMorris Rodgers, la présidente de la puissante commission parlementaire de l'Energie et du Commerce.
"On ne vous croit pas", a-t-elle assené come pour signifier que l’affaire est jugée avant d’être entendue. "ByteDance est redevable au Parti communiste chinois et ByteDance et TikTok, c'est la même chose".
La pression politique contre le très populaire réseau social est montée en flèche ces derniers mois des deux côtés de l'Atlantique pour réduire à défaut d’éliminer un outil d’influence chinois et un concurrent sérieux aux réseaux sociaux occidentaux dominés par le firmes américaines.
La Maison Blanche, la Commission européenne et les gouvernements canadien et britannique ont interdit à leurs fonctionnaires de l'utiliser. Mardi, la BBC a conseillé à son personnel de supprimer TikTok des téléphones professionnels.
De nombreux régulateurs soupçonnent, sans pteuves, l'application de donner accès à Pékin aux données des utilisateurs, ce qu'elle a toujours nié.
"Le gouvernement chinois ne possède pas et ne contrôle pas ByteDance. C'est une entreprise privée", a indiqué Shou Chew lors de ses remarques préliminaires
Aux Etats-Unis, la destruction en février d'un ballon chinois supposé espion a suscité un regain de tensions avec la Chine.
Plusieurs projets de loi sont dans les tuyaux pour interdire TikTok, utilisée par 150 millions de personnes tous les mois dans le pays (1 milliard dans le monde).
Cession
La Maison Blanche a laissé entendre que si TikTok restait dans le giron de ByteDance, elle serait interdite.
Mais une cession, même si la maison-mère était d'accord, serait très compliquée. Le succès de la plateforme tient beaucoup à ses puissants algorithmes de recommandation, et "séparer l'algorithme entre TikTok et ByteDance relève de la chirurgie entre des jumeaux siamois", note l'analyste Dan Ives de Wedbush, pour l'AFP.
TikTok espère encore apaiser les autorités.
En gage de bonne foi, l'entreprise a déjà dépensé environ 1,5 milliard de dollars pour la mise en place du "Project Texas", qui consiste à n'héberger les données des utilisateurs américains qu'aux Etats-Unis, sur des serveurs du groupe texan Oracle.
"Plus tôt ce mois-ci, nous avons commencé à supprimer toutes les données américaines stockées sur des serveurs qui n'appartiennent pas à Oracle", a indiqué Shou Chew mercredi dans un document remis à la commission et publié sur son site.
Grâce à cette filiale ad hoc de TikTok, USDS, "il est impossible pour le gouvernement chinois d'y accéder ou de forcer (l'entreprise) à lui (en) donner l'accès".
"J'apprécie que M. Chew vienne répondre à des questions devant le Congrès, mais le manque de transparence de TikTok, les obstructions répétées et faits inexacts ont gravement sapé la crédibilité de toute déclaration par des employés de TikTok, y compris M. Chew", a déclaré le sénateur républicain Mark Warner dans un communiqué mercredi.
Censure
Le patron singapourien, ancien étudiant de Harvard, va aussi faire face à des questions sur les responsabilités de TikTok concernant la santé mentale et physique des enfants et adolescents.
Et des élus craignent aussi, comme à l’époque du maccarthysme à l’égard de certaines figures de Hollywood, que l'application ne serve de cheval de Troie au Parti communiste chinois pour manipuler l'opinion.
Elle participe au contraire au rayonnement culturel des Etats-Unis, assure TikTok. Selon l'entreprise, les utilisateurs américains représentent 10% de leur base mondiale, mais 25% des visionnages.
TikTok et plusieurs associations estiment qu'une interdiction complète - comme en Inde depuis 2020 - relèverait de la censure.
"Pourquoi autant d'hystérie autour de TikTok ?", a demandé mercredi soir le représentant démocrate Jamaal Bowman, lors d'une conférence de presse avec des créateurs de contenus venus défendre leur réseau préféré.
La plateforme présente les mêmes risques pour la confidentialité des données, l'addiction des utilisateurs ou la désinformation que "Facebook, Instagram, YouTube et Twitter", a fait valoir l'élu, appelant à une "conversation honnête sur tous les réseaux sociaux".
"Je déteste le dire, mais TikTok est la meilleure (plateforme)", a déclaré la créatrice de contenus @veronicaandthebabyboo sur la plateforme.
"Si vous interdisez TikTok, vous détruirez des petites entreprises, vous réduirez au silence des personnes des minorités et de la communauté LGBTQ, vous priverez des gens de leur principal soutien moral", a-t-elle écrit dans une vidéo montrant Veronica, un de ses deux chats qu'elle met en scène. (Quid avec AFP)