Ukraine : l'offensive russe s'intensifie malgré des pourparlers et une concession de Zelensky

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Le président Zelensky ouvre une porte de sortie en admettant que son pays n'adhèrerait pas à l'Otan.

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Quid avec AFP

L'offensive russe en Ukraine s'est intensifiée mardi, avec une série de frappes sur Kiev placée sous couvre-feu, malgré une reprise des pourparlers visant à arriver à un cessez-le-feu et une concession importante du président ukrainien, qui s'est dit prêt à renoncer à une adhésion à l'Otan.

Au moins quatre personnes ont été retirées mortes et une quarantaine d'autres dégagées vivantes d'un immeuble d'un quartier ouest de Kiev, Sviatochine, après une frappe russe qui y a provoqué un incendie, selon un bilan des autorités locales.

Un autre bâtiment a été touché dans le quartier nord-ouest de Podil, plus proche du centre-ville, faisant un blessé.

Kiev vit "un moment dangereux et difficile", a estimé mardi son maire, Vitali Klitschko, décrétant un couvre-feu de mardi 20H00 (18H00 GMT) à jeudi 07H00 (05H00 GMT).

Pour "renforcer la défense de Kiev", le président ukrainien Volodymyr Zelensky a nommé à la tête de la région militaire de la capitale Olexandre Pavliouk, qui commandait jusqu'ici les opérations militaires dans l'est de l'Ukraine.

Cette ville, que les forces russes tentent d'encercler, s'est vidée d'au moins la moitié de ses 3,5 millions d'habitants depuis le début du conflit le 24 février.

"Négociations en cours" 

La capitale désertée attend néanmoins la visite des Premiers ministres polonais Mateusz Morawiecki, tchèque Petr Fiala et slovène Janez Jansa, partis de Pologne mardi, en train, pour rencontrer le président Zelensky et le Premier ministre Denys Chmygal.

Ils entendent "réaffirmer le soutien sans équivoque de l'ensemble de l'Union européenne" à l'Ukraine et présenter "un vaste ensemble de mesures de soutien", selon Varsovie.

Ce déplacement intervient sur fond de reprise mardi après-midi des pourparlers russo-ukrainiens, après 24 heures de pause.

"Les négociations sont en cours", a déclaré sur Twitter Mykhaïlo Podoliak, le négociateur-en-chef côté ukrainien qui met sur la table des discussions "un cessez-le-feu et le retrait des troupes" russes du territoire ukrainien.

Ces négociations se déroulent par visioconférence, après trois sessions en présentiel au Bélarus voisin, puis une rencontre jeudi en Turquie des chefs des diplomaties russe et ukrainienne.

Le Kremlin a estimé mardi prématuré tout "pronostic", tandis qu'un conseiller de la présidence ukrainienne jugeait possible un accord de paix d'ici à "fin mai".

Le président Zelensky a néanmoins semblé faire une concession importante, en reconnaissant que son pays n'adhèrerait pas à l'Otan.

"Nous avons entendu pendant des années que les portes étaient ouvertes, mais nous avons aussi entendu que nous ne pourrions pas adhérer. C'est la vérité et il faut le reconnaître", a-t-il déclaré au cours d'une réunion avec des responsables occidentaux.

Il avait déjà récemment dit avoir "tempéré sa position" sur cette question.

Vladimir Poutine a justifié en partie l'invasion de l'Ukraine par la crainte de voir l'Ukraine, une ex-république soviétique, rejoindre l'alliance militaire occidentale, qu'il considère comme une menace existentielle pour la Russie.

Trois millions de réfugiés 

En attendant l'issue des discussions, la Russie élargit néanmoins son offensive à l'ensemble du territoire ukrainien, après avoir évoqué lundi "la possibilité de prendre sous contrôle total (les) grandes villes qui sont déjà encerclées".

L'offensive vise désormais aussi l'ouest de l'Ukraine. Après des frappes sur une base militaire proche de la Pologne dimanche, une frappe lundi contre une tour de télévision près de Rivne a fait 19 morts, à en croire le dernier bilan mardi des autorités locales.

Les combats se rapprochent aussi de la grande ville de Dnipro, stratégiquement située au centre du pays, sur le Dniepr. Son aéroport a été bombardé et largement détruit dans la nuit de lundi à mardi, a souligné son maire.

Dans le sud, les Russes tentent toujours de prendre Marioupol, une ville portuaire stratégique sur la mer d'Azov, assiégée depuis des jours, a fait savoir l'état-major ukrainien.

Quelque 2.000 véhicules ont pu la quitter mardi en direction de Zaporojie via un couloir humanitaire, selon la municipalité. Mais jusqu'à 300.000 personnes restent coincées.

Plus à l'ouest, Mykolaïv, le dernier verrou sur la route d'Odessa, sur la mer Noire, est aussi régulièrement bombardée.

En près de trois semaines de conflit, plus de trois millions de personnes ont fui l'Ukraine, majoritairement vers la Pologne, a annoncé mardi l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Dont 1,4 million d'enfants, soit "pratiquement un enfant par seconde", selon l'Unicef.

Irruption télévisée 

En Russie, dans un rare moment de protestation publique, une femme, Marina Ovsiannikova, a fait irruption lundi soir sur le plateau d'une grande chaîne de télévision russe pour laquelle elle travaillait avec une pancarte critiquant l'offensive en Ukraine.

"Non à la guerre. Ne croyez pas la propagande. On vous ment ici", pouvait-on y lire.

La vidéo de l'incident a inondé les réseaux sociaux, de nombreux internautes saluant un "courage extraordinaire".

La protestataire a été arrêtée, le Kremlin dénonçant un acte de "hooliganisme".

Devant un juge mardi, au cours d'une audience pas directement liée à son action à la télévision, mais à une vidéo qu'elle avait diffusée sur internet, elle a rejeté toute culpabilité.

"Je reste convaincue que la Russie commet un crime (...) et qu'elle est l'agresseur de l'Ukraine", a-t-elle calmement affirmé.

Elle a été condamnée à 30.000 roubles d'amende (environ 250 euros au taux actuel), puis libérée.

L'utilisation du mot "guerre" par des médias ou des particuliers pour décrire l'intervention russe en Ukraine est passible de poursuites et de lourdes peines. Les autorités russes parlent d'"opération militaire spéciale".

Sanctions et contre sanctions

Parallèlement, les Occidentaux continuent à durcir leurs sanctions contre la Russie.

Un quatrième train de mesures punitives de l'Union européenne devait entrer en vigueur mardi, portant sur l'accès aux marchés, les exportations de biens de luxe comme le champagne ou l'appartenance à des institutions financières internationales.

Londres a aussi annoncé de nouvelles sanctions, dont des droits de douane plus élevés sur la vodka et une interdiction d'exporter des produits de luxe vers la Russie.

Le Trésor américain a annoncé quant à lui de nouvelles sanctions visant le président bélarusse Alexandre Loukachenko et son épouse, ainsi que des personnes et une entité russes, pour corruption et atteinte aux droits humains.

La Russie a pour sa part adopté mardi pour la première fois des contre-sanctions, visant le président américain Joe Biden, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et plusieurs membres de leurs gouvernements.

Au total, 13 personnalités américaines sont visées, dont le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken et le chef du Pentagone Lloyd Austin, a fait savoir le ministère russe des Affaires étrangères qui a fait savoir qu'elles suivaient "le principe de la réciprocité".

La Russie a par ailleurs annoncé mardi avoir "notifié" son retrait du Conseil de l'Europe.