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5è journée au SIEL avec Driss Chraïbi, réflexion et innovations culturelles pour les autres

Modérée par l’universitaire Kacem Basfao, la rencontre a offert une lecture croisée de Les Boucs avec les interventions des auteurs Zineb Mekouar et Mustapha Kebir Ammi
Entre mémoire littéraire, gouvernance mondiale, transition numérique et engagement sociétal, la 30e édition du Salon international de l’édition et du livre de Rabat (SIEL) confirme sa vocation de carrefour intellectuel et citoyen. Hommages aux figures emblématiques, débats prospectifs et espaces créatifs dessinent les contours d’un Maroc qui pense, questionne et innove.
Le SIEL 2025 célèbre enfin l’héritage littéraire de Driss Chraïbi, pionnier de l’écriture postcoloniale
Rabat – Le Salon international de l’édition et du livre (SIEL) a rendu, mardi, un vibrant hommage à l’écrivain marocain Driss Chraïbi, à l’occasion du 70e anniversaire de la parution de son roman emblématique Les Boucs, premier texte marocain à explorer la condition des immigrés nord-africains en France. Enfin ! pourrions-nous hurler.
La rencontre s’est tenue au stand commun du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication et du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME). Elle s’inscrit également dans le cadre de la préparation du centenaire de la naissance de l’écrivain, prévu en 2026.
Modérée par l’universitaire Kacem Basfao, la rencontre a offert une lecture croisée de Les Boucs avec les interventions des auteurs Zineb Mekouar et Mustapha Kebir Ammi. M. Basfao a mis en lumière la portée visionnaire du roman publié en 1955, soulignant la force critique de Chraïbi face aux réalités postcoloniales, à la marginalisation et à l’exploitation des travailleurs maghrébins. Il y a vu une œuvre profondément humaniste et provocatrice, interrogeant l’altérité et la quête de dignité.
Zineb Mekouar a, quant à elle, rapproché l’écriture de Chraïbi de la composition musicale, notant que l’auteur, passionné de musique, insufflait à ses textes un rythme et une mélodie qui traduisent sa sensibilité artistique.
Mustapha Kebir Ammi est revenu sur sa découverte de Le Passé simple dans les années 1960, qu’il considère comme une révélation ayant bouleversé sa perception de la littérature marocaine francophone. Ce roman, dit-il, lui a ouvert la voie vers une écriture libre, audacieuse et poétique.
Né en 1926 à El Jadida, Driss Chraïbi a abandonné des études de chimie à Paris pour se consacrer à la littérature et au journalisme. Auteur prolifique, il a marqué la littérature maghrébine contemporaine jusqu’à sa mort en 2007, en France.
L’IRES dévoile son rapport stratégique sur la gouvernance mondiale au SIEL 2025
Dans un monde traversé par des crises multiples, l’Institut Royal des études stratégiques (IRES) a présenté au Salon international de l’édition et du livre de Rabat son rapport stratégique 2024-2025, une réflexion de fond sur les modèles de gouvernance à l’échelle nationale et planétaire.
Un outil hybride et innovant pour penser la gouvernance
Présenté par le directeur général de l’IRES, Mohammed Tawfik Mouline, le rapport intitulé "Quelle gouvernance dans un monde en mutation ?" s’inscrit dans la collection Panorama du Maroc dans le monde. Il adopte un format novateur alliant synthèse analytique et plateforme numérique interactive, intégrant 25 wikis, 18 encadrés thématiques, des infographies et plus de 400 références bibliographiques.
Diagnostiquer les fragilités, anticiper les ruptures
Le rapport s’articule en trois grandes parties. La première établit une distinction conceptuelle entre gouvernance et gouvernement, et identifie les principaux facteurs de mutation qui perturbent les modèles traditionnels : pressions sociétales, infobésité numérique et défis institutionnels.
La deuxième partie propose un cadre prospectif. Elle analyse le passage du monde VUCA (volatile, incertain, complexe, ambigu) au paradigme VUCA2 (vulnérable, incertain, critique, artificiel), en mettant l’accent sur les risques émergents, les tensions géopolitiques, le dérèglement climatique et la transformation numérique accélérée.
Vers un référentiel universel et anticipatif
La troisième section plaide pour une refondation de la gouvernance à partir de principes clairs et partagés. Elle propose la mise en place d’un leadership innovant, capable de gérer les enjeux de la planète, de la noosphère (espace des savoirs) et du numérique. Elle explore aussi les possibilités d’une gouvernance planétaire multiscalaire, allant du local au global.
Depuis sa création, l’IRES place la gouvernance parmi les piliers centraux de son analyse stratégique.
Le CSPJ expose les défis et promesses du numérique judiciaire au SIEL 2025
Intervenant lors de cet événement, Ahmed Ghazali, membre du CSPJ, a affirmé que l’usage du numérique vise à améliorer l’efficacité du système judiciaire, à renforcer sa transparence et à faciliter l’accès à la justice. Il a salué les plateformes déjà opérationnelles, telles que le portail des tribunaux, le système de gestion des dossiers et celui de la jurisprudence.
Pour Youssef Oustouh, chef du pôle modernisation, cette transition repose sur une stratégie inclusive intégrant le procès numérique et la mise en place du contentieux électronique.
L’IA comme levier de transformation
Tariq Boukhima, magistrat, a mis en avant les apports de l’intelligence artificielle dans l’accélération du traitement des affaires, la qualité des jugements et la production de statistiques judiciaires fiables. Abdelkarim Chafai, procureur général du Roi près la Cour d’appel de Kénitra, a insisté sur l’usage croissant de l’IA dans les enquêtes, face à la complexification des crimes.
Réflexion nécessaire sur les mutations numériques
Enfin, le professeur Abderrahmane Cherkaoui a souligné l'importance de distinguer entre numérisation, IA et intelligence générative, chacune soulevant des enjeux spécifiques qui appellent à une gouvernance judicieuse et adaptée.
Soumaya Naamane Guessous honorée pour son œuvre sociologique et féministe
Le Salon international de l’édition et du livre (SIEL) a rendu un hommage à la sociologue et écrivaine marocaine Soumaya Naamane Guessous, saluant une carrière marquée par l’engagement intellectuel et militant. Reconnue pour son ouvrage phare Au-delà de toute pudeur, elle a brisé de nombreux tabous sur la condition féminine au Maroc.
Très émue, Mme Guessous est revenue sur son parcours de sociologue engagée, soulignant l’importance de porter un regard double : sur la société, et sur la manière dont celle-ci renvoie son image. Elle a également rendu hommage aux femmes rurales qui ont marqué ses recherches par leur sincérité et leur accueil.
Plusieurs intervenantes ont salué son influence, dont l’universitaire Sabah Chraibi, qui a décrit une femme « au regard incisif et à l’humanité débordante », et Sana Benbelli, socio-anthropologue, qui a évoqué l’impact décisif de Mme Guessous sur sa trajectoire personnelle.
L’Institut Français du Maroc célèbre le vivant à travers lectures, ateliers et rencontres
Le pavillon de l’Institut Français du Maroc (IFM) s’affirme comme un espace vivant dédié à la lecture et à la réflexion, autour du thème central du "vivant". La directrice générale de l’IFM, Agnès Humruzian, a souligné que ce thème est exploré à travers des voix écologiques, scientifiques, littéraires et artistiques, accessibles à tous les publics.
Le pavillon propose un espace jeunesse avec des livres interactifs, en réalité augmentée, ainsi que plus de 70 ateliers créatifs, d’écriture, d’illustration et de bande dessinée. Pour les adultes, l’IFM s’est associé aux éditions Wildproject, spécialisées dans la pensée écologique, et offre des rencontres avec des auteurs comme Estelle Zhong Mengual.
Deux temps forts marquent la participation de l’IFM : la présentation du dernier ouvrage de Leïla Slimani, J’emporterai le feu, et la remise du Choix Goncourt du Maroc, en présence de Tahar Ben Jelloun. Projections, conférences et expositions enrichissent ce programme dense.