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Azoulay à Essaouira et ''Investor Day'' : des propos à propos ?
André Azoulay, conseiller du Roi et président fondateur de l’Association Essaouira-Mogador, à Essaouira Investor Day", dédiée à la promotion des investissements privés dans la région de Marrakech-Safi, à la Cité des Alizés, en présence d'un parterre d'éminents responsables gouvernementaux, ainsi que des acteurs clés des secteurs public et privé marocains et internationaux. 23072024-Essaouira
Essaouira, - Les travaux de la rencontre "Essaouira Investor Day", dédiée à la promotion des investissements privés dans la région de Marrakech-Safi, se sont ouverts, mardi à la Cité des Alizés, en présence de responsables gouvernementaux, ainsi que d’acteurs des secteurs public et privé marocains et internationaux.
Organisé par le Centre régional d’investissement (CRI) de la région de Marrakech-Safi et la Société financière internationale (IFC) cet événement intervient dans le cadre des efforts déployés par le Royaume pour promouvoir un développement socio-économique compétitif et durable dans les régions du pays.
Il vise également à mettra en lumière les opportunités d’investissement qu’offre la région et plus particulièrement la province d’Essaouira dans des secteurs à fort potentiel de croissance et de création d’emplois, en particulier l’agriculture durable, les infrastructures, l’écotourisme et les industries créatives et culturelles.
Essaouira, pas si enclavée que ça…
Dans son allocution d’ouverture, le conseiller du Roi et président fondateur de l’Association Essaouira-Mogador, André Azoulay, offensif, n’hésitant pas à interpeler les membres du gouvernement, pas toujours à raison, pour trouver une explication qui n’ont pas mené l’autoroute, ou encore la LGV Marrakech-Agadir à passer par Essaouira, s’interrogeant également sur l’état du port et l’aéroport de la ville.
Sans doute le conseiller royal a beaucoup fait pour sa ville natale qu’il a remise depuis quelques années déjà au goût du jour. Et bien sûr encore, M. Azoulay a beaucoup agi pour sa ville, une cité magique qui mérite ce qui lui arrive, permettant à M. Azoulay de dire aujourd’hui, qu’Essaouira traverse un moment historique et franchit un seuil déterminant à l’occasion de cet événement majeur, marqué notamment par la signature de plusieurs conventions pour des projets d’investissement.
Et il a tout à fait raison de souligner que "pour la première fois dans son histoire récente, la ville d’Essaouira parle en milliards, avec des investissements de 6 à 7 milliards de dirhams déjà signés et confirmés. Elle prévoit également, à court et moyen terme, des investissements de 10 milliards de dirhams, accompagnés de la création de 6.000 à 7.000 emplois directs et d’environ 20.000 emplois indirects," a-t-il fait observer ».
Ces chiffres, beaucoup d’autres villes du Maroc ne peuvent pas s’en vanter. Laissées à l’oubli, pour ne pas dire délaissées, elles vivotent tristement en marge des dynamiques nationales, parce qu’elles ne comptent pas parmi leurs natifs des hommes ou des femmes du calibre et du statut de M. Azoulay. Ce qui fait qu’il a reproché aux membres du gouvernement présents flirte avec les limites du tolérable. D’autant plus qu’il aurait pu évoquer aussi la situation de l’hôtellerie dans le Mogador de nos rêves et dans quel état sont certains des hôtels de la ville ou dans quel état ils ont été rendus. Voici les reproches ainsi que les réponses des ministres tels que rapportés par Medias24 que Quid reproduit avec son aimable autorisation :
Azoulay: "Pour le cas où certains seraient obligés de nous quitter plutôt que nous ne le souhaiterions, je veux qu'ils entendent un certain nombre de choses de moi avec toute ma gratitude, et avec toute ma reconnaissance. Mais je m'en voudrais (...) si je ne le dis pas, si je ne le partage pas avec vous, et si je n'essaye pas d'avoir une réponse.
"Est-ce que je peux me lever ? Ça va être plus à l'aise pour dire ce que j'ai à dire. Non pas en tant que procureur, mais simplement en tant que citoyen".
Essaouira est enclavée, le cri qui résonne comme une accusation
"Essaouira est enclavée, Essaouira connaît une dynamique exceptionnelle, mais l’enclavement est un défi, c’est un handicap", c’est par ces mots qu’André Azoulay a entamé le fireside chat.
En s’adressant au ministre de l’Équipement et de l’Eau Nizar Baraka, présent dans la salle, André Azoulay continue : "Il y a une chose que je ne comprends pas, la première autoroute qui aurait pu aller de Marrakech à Essaouira s’arrête à Chichaoua, pourquoi ? Les habitants d’Essaouira ont droit à une explication. On a une ville qui connaît un développement formidable et qui incarne un Maroc qui devient aujourd’hui une référence internationale respectée et enviée. Alors, on se dit que s’ils veulent faire une autoroute dans la région, elle va évidemment atteindre Essaouira. Mais on s’arrête à 80 km d’Essaouira! Qui nous dit pourquoi ? La seule chose qu’on demande, monsieur le ministre, est de comprendre pourquoi".
"La deuxième autoroute, de Casablanca à El Jadida, et d’El Jadida à Safi, s’arrête à 100 km d’Essaouira à la fin du chantier, pourquoi ? … Dans la décision régalienne de l’État, l’autoroute s’arrête là, et pourtant on sait qu’Essaouira a un problème d’enclavement. Là aussi, on se demande qu’est-ce qui fait qu’on s’arrête là ? C’est vrai qu'il y a la voie expresse, mais cette voie expresse, pour qu’elle le soit véritablement, il aurait fallu des trémies pour traverser deux villages. Sans ces trémies, tout l’avantage comparatif d’avoir une voie expresse est perdu ; les 15 minutes qu’on gagne sont perdues. Pourquoi y a-t-il la voie expresse et pas l’autoroute ? ", constate Azoulay.
"Le port d’Essaouira, inspiré par de bonnes intentions, est un chantier qui a eu 6 ou 7 ans de retard. La décision a été prise à ce moment-là de prendre 2 ou 2,5 hectares sur la baie d’Essaouira. J’étais un peu réservé, mais mes réserves ont reçu des réponses de la responsable de l’Agence nationale des ports en disant que les laboratoires les plus compétents au monde, spécialistes des courants marins, avaient été consultés et avaient dit que ces deux hectares repris sur l’océan n’allaient pas déstabiliser les courants marins et n’auraient pas de conséquence sur la baie, qui est le trésor d’Essaouira. C’était un laboratoire portugais, parmi les plus performants au monde. Le résultat est l’exact contraire, Essaouira est envahie par le sable… c’est un drame et je ne sais pas si on peut le réparer… c’est une vraie menace. Même les hectares qui ont été pris sur la mer, pour développer, la moitié est vide. On n’a rien fait de ce qui avait été prévu, donc si vous permettez, je crois qu’il y a un dossier là qui est ouvert et sur lequel on doit avoir des réponses", ajoute Azoulay mettant ainsi la lumière sur un drame que vit la ville.
Dans le même contexte, relatif au transport, M. Azoulay s’est adressé à Mohammed Abdeljalil, ministre du Transport et de la Logistique également présent sur place : "J’ai assisté aux premières discussions sur la ligne à grande vitesse (LGV) qui va arriver jusqu’à Agadir. Bien sûr, lorsqu’on va aller de Marrakech à Agadir, il est évident qu’on va s’arrêter à Essaouira. C’était dans le plan initial, et après, les travaux ont commencé, et puis je vois que ce qui avait été prévu à l’époque a disparu. Est-ce qu’on a dit aux Souiris qu’on ne l’a pas fait parce qu’une telle étude a montré que la faisabilité financière ou technique ou la réalité géographique faisait que non ? Non, rien… Pour nous, quelles que soient les raisons, si elles existent, on a besoin d’en débattre… On a le droit, au moins, à des informations qui guident, qui justifient et qui expliquent les décisions comme celle-là".
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Sur un autre registre, mais toujours lié à la connectivité de la ville, le parrain d'Essaouira poursuit : "Dès qu'il y a deux ou trois vols qui arrivent en même temps, les voyageurs sont assis par terre, et d’autres font la queue au soleil. Au départ, ils sont assis par terre parce qu'on n'a pas fait le nécessaire. Alors qu'il y a un espace à l'étage fermé qui pourrait les recevoir, il ne l'est pas. Ça mérite quelque chose parce que ça va se multiplier. On a annoncé tout à l'heure ces presque 4 milliards de DH d'investissements dans ce domaine, notamment avec un Club Méditerranée de 350 chambres qui va drainer un trafic aérien très important. On ne peut pas attendre que ces choses commencent sans avoir apporté structurellement une réponse", assène Azoulay.
« 100 km d’autoroute de plus pour 100.000 », c’est combien de milliards ?
Réponse de Nizar Baraka: "Aujourd'hui, il y a une conviction profonde sur laquelle nous travaillons au niveau du ministère : il faut véritablement veiller à désenclaver Essaouira. C'est un objectif que nous avons fixé, comme nous l'avons fait pour un certain nombre de provinces où ce problème est réel, comme Taounate et d'autres villes. Face à cela, plusieurs options s'offrent à nous, et c'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'un débat serein pour identifier les meilleures options. Je dois rappeler que le Souverain nous a donné comme orientation de passer de 1.800 km à 3.000 km d'autoroutes. Nous avons donc 1.200 km à réaliser dans les prochaines années. Nous allons soumettre au Souverain un certain nombre d'axes prioritaires pour définir et décliner le programme", explique Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau en réponse aux propos d'Azoulay.
Sur le point spécifique du choix de la voie expresse, Baraka expliquait que les routes expresses à double voie avaient l'avantage de ne pas tuer les petits villages et au contraire les préservaient, contrairement aux autoroutes. Ce à quoi Azoulay rétorque : dans ce cas, pourquoi a-t-on réalisé 1.800 km d'autoroutes ? Le débat reste entier.
Pour sa part, le ministre du Transport et de la Logistique, Mohammed Abdeljalil, a rebondi sur l'intervention d'Azoulay : "Pour des raisons qui peuvent paraître un peu simplistes, mais qui sont réelles, lorsqu'on compare les deux villes de Marrakech et d'Agadir, chacune compte un million d’habitants. Essaouira, elle, compte cent mille habitants. Donc, quand on examine la connexion, on passe de 250 km à 360 km si on relie Marrakech à Agadir via Essaouira. Cela ajoute 100 km. Et on se pose la question : est-ce qu'on ajoute 100 km pour connecter par l'autoroute 100.000 habitants, compte tenu du budget, sachant que les ressources financières sont limitées et que beaucoup d'autoroutes ne sont pas autofinancées ?"
"En ce qui concerne le TGV, les bureaux d'études qui ont été invités à le faire ont comparé les deux couloirs, le couloir atlantique qui passe par Essaouira, et le couloir continental qui passe par le Haut Atlas. Ils se sont rendus compte qu'il y avait au moins autant de tunnels dans l'Atlantique que dans l’autre. Ils sont obligés de traverser des montagnes. Mais vous savez, le TGV doit être à plat, donc s'il y a juste une colline de 200 mètres, il faut faire un tunnel. Or, lorsqu’on traverse sur la partie Atlantique, à toutes les fins de l'Atlas qui descendent vers la mer, on traverse davantage de tunnels. Les estimations des études montrent que si l’on passe par le niveau continental, on a besoin de 50 MMDH, alors que par le niveau atlantique, on a besoin de 75 MMDH, soit 25 MMDH de plus. Cela signifie qu'il est plus viable de passer par le continental. En revanche, il faut connecter Essaouira par le chemin de fer", résume le ministre du Transport et de la Logistique.
« Des critiques exagérées »
Par ailleurs, Mohammed Abdeljalil considère que les critiques faites aux aéroports sont un peu exagérées : "Maintenant, concernant le confort de l'aéroport, c'est une problématique que l'on retrouve dans beaucoup d'aéroports. J'ai entendu des personnes me dire qu'à l'aéroport de Casablanca, il est impossible de s'asseoir en attendant leurs bagages. J'ai invité l'Office national des aéroports à revoir cela. Ils ont ajouté quelques sièges. Je vais demander au directeur général de veiller à ce que l'aéroport d'Essaouira soit traité en termes de confort pour les passagers, au même titre que tous les autres aéroports du Maroc. En général, les critiques faites aux aéroports sont, à mon sens, un peu exagérées. Je voudrais tout de même le souligner, puisque j'en ai l'occasion. Lorsque nous faisons des évaluations de la qualité de service internationale avec des bureaux spécialisés, nous obtenons des résultats très surprenants en termes de qualité. L'aéroport de Marrakech, avant la petite crise que nous avons eue il y a quelques mois, était mieux classé que tous les aéroports auxquels il est connecté. Sans compter qu'il a été classé parmi les plus beaux aéroports du monde sur le plan architectural par un certain nombre de bureaux internationaux".(…)