Ce besoin impérieux de sérénité – Par Naïm Kamal

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Autant sinon plus que certaines phases de leur histoire récente, l’Etat et le Maroc ont besoins de sérénité mais aussi de confiance dans le passeur du guet

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Ni Francophobes ni francophiles – Par Naïm Kamal

Le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch aurait été hué au Festival Timitar d’Agadir son fief. On va laisser de coté la thèse du montage, probable voire plausible dans le metavers du Deepfake. Pour dire quand bien même.

 Siffler un haut responsable n’était une habitude marocaine, mais désormais un fait banal qui s’est développé avec le mouvement du 20 février 2011. Abdalilah Benkirane, au zénith de sa popularité, en a subi les affres alors qu’à la tête du PJD il s’apprêtait à écrabouiller tous ses adversaires aux législatives de 2016. 

Le metavers du Deepfake

Mais deux ou trois ans avant ce ‘’printemps arabe’’ qui porte si mal son nom, Abbas El Fassi, secrétaire général de l’Istiqlal, alors Premier ministre, en avait fait la désagréable expérience lorsque des contingents de diplômés chômeurs prenaient d’assaut son parti, le contraignant à faire surélever la clôture de son siège de barbelés. Décision qui avait amené Hamid Chabat, alors étoile montante de l’Istiqlal, à le railler en qualifiant le local istiqlalien d’El’azizia, en référence à la caserne fortifiée, résidence de Mouammar Kadhafi, bombardée par les Américains de Ronald Reagan en 1986. Ce qui n’empêchera pas le dauphin de Mhammed Boucetta et gendre de Allal El Fassi d’achever son mandat à la tête du cabinet et de figurer comme le premier à porter le titre de Chef de gouvernement à la lumière de la réforme constitutionnelle.

Tout cela devrait ramener ces épiphénomènes, en dépit de l’amplification virale des réseaux sociaux, à leurs justes dimension et portée. Ces contingences de la vie politique, certes déplaisantes à subir, ne devraient, dixit Jacques Chirac, ‘’en toucher une sans faire bouger l’autre’’ à Aziz Akhannouch qui en a vu d’autres. Même si ce lâcher de hués est assorti sur les réseaux sociaux d’une campagne ‘’#dégage’’ tout aussi surfaite, ils restent l’expression d’une frange de mécontents actifs qui trouvent souvent leur explication dans des manipulations de groupes d’intérêt et groupuscules d’activistes que seule une alliance objective réunit.

Professeur associé Études du Moyen-Orient, Département d'études du Moyen-Orient (MESD) du Collège des sciences humaines et sociales, Master of Arts en sciences humaines et sociétés numériques, Marc Owen Jones en a fait l’analyse. Dans ses conclusions, il relève entre autres, que ‘’cette analyse montre que de nombreux faux comptes opèrent.’’ Il précise plus loin : ‘’Il semblerait donc que le ‘’hashtag dégage Akhannouch’’ soit manipulé, mais par qui et dans quel but n'est pas clair. Peut-être que ce sont les opposants, peut-être que ce sont ses ennemis, ou ceux qui essaient de détourner l'attention sur lui.’’ Pour étayer ses conclusions, il souligne que sur 10 mille comptes qu’il a examinés entre le 8 et le 16 juillet, 522 ont été créés, 796 en juillet, sachant que la moyenne de création par mois est de juste 59, un constat que Marc Owen Jones qualifie de ‘’peu anodin’’.

Les temps sont durs

C’est une évidence que la conjoncture est propice aux ébullitions et aux forces, pas forcément exogènes, qui les utilisent à des fins de déstabilisation du gouvernement quand ce n’est pas carrément la stabilité du pays qui est visée. Le Chef du gouvernement, de par sa position, est une cible tout indiquée pour concentrer sur elle ce dessein. Il faut être myope ou de mauvaise foi pour ne pas le voir. 

Pour autant le gouvernement est dans le devoir et l’obligation d’agir sur le double front des urgences sociales et de la mise en place de l’Etat social. Mais aussi et surtout d’expliquer et de s’expliquer.

Au dernier Conseil des ministres présidé par le Roi Mohammed VI, tandis que le ministre de l’Education sociale est au charbon et avance à bonne cadence pour résoudre le fouillis jusqu’ici inextricable de l’enseignement, deux chantiers ont retenu l’attention du Conseil, l’avancement des chantiers de la santé et de l’investissement sachant que Aziz Akhannouch a présidé personnellement plusieurs réunions à ce sujet.

Les communicants du gouvernement expliquent que le projet de loi sur le système de santé se déploie sur quatre piliers : L’adoption d’une bonne gouvernance et la planification territoriale d’une offre de santé de qualité, la valorisation des ressources humaines, la réhabilitation de l’offre de santé et sa numérisation. La nouvelle charte des investissements repose sur le développement des investissements à fort impact sur l’emploi et les territoires, leur réorientation vers les secteurs productifs à haute valeur ajoutée. Dans le dessein également, de faire du royaume un pôle continental et international attractif pour les IDE et travailler à l’amélioration du climat des affaires au Maroc. 

Des chantiers incontournables si l’on est désireux de mettre en œuvre l’Etat social et le Maroc développé décidés par le Souverain et mis en musique par le Nouveau Modèle de Développement ‘’seraient-ils difficiles ou coûteux’’ pour reprendre l’expression royale. L’action de l’actuel gouvernement en perspective de l’horizon du NMD fixé à 2035, représente le tiers de cette échéance (5 ans sur 14) mais elle est des plus essentielles. C’est au gouvernement Akhannouch qu’échoit la mise en place de ses fondements vitaux. Et selon qu’ils sont sains et solides ou pas, dépendront la suite des évènements et l’avenir du pays. 

Le rationnel VS le surnaturel

Il faut convenir cependant qu’il est difficile de convaincre de ce topo le porteur du panier dans une situation où une enquête du Haut-Commissariat au Plan révèle que la confiance des ménages est au plus bas niveau jamais enregistré. Compliqué aussi de susciter l’optimisme quand le haut-commissaire au plan analyse que l’inflation est là pour durer prenant à contrepied un gouverneur de la Banque centrale qui prédit hâtivement, tout en priant qu’il ait raison, un retour au calme en 2023. Dure, dure encore de persuader une population qui a l’œil rivé sur les prix affichés à la pompe. 

Les décisions et orientations du Conseil des ministres, pour majeures qu’ils sont, apparaitront à ce porteur du panier tout au plus comme apparaitrait une toile abstraite à un profane des arts plastiques.  

Les chiffres, plus concrets, font ressortir qu’aux seuls 4 premiers mois de l’année en cours, la subvention allouée au blé tendre totalisait 3 MMDH et la hausse des charges de la compensation 12,1 MMDH attribués essentiellement à la hausse du cours du gaz butane. Ces charges comprennent aussi les subventions accordées aux professionnels du secteur du transport pour 1,5 MMDH dans le cadre des mesures décidées par le gouvernement pour faire face au renchérissement des cours des produits énergétiques et éviter autant que possible qu’ils ne se répercutent sur le pouvoir d’achat. Rien n’y fait, si bien que l’on tente même d’utiliser la ‘’mauvaise conjonction des astres’’ (legs de la pandémie, sécheresse, guerre d’Ukraine), contre le gouvernement au mépris de la rationalité sacrifiée sur l’autel du surnaturel.

Tout au long de ces trois dernières longues années, le Marocain a fait preuve d’une résilience certaine et d’une endurance remarquable. Chaque fois que nécessaire, le Roi est monté au créneau pour trancher dans le vif sur le cap à prendre, les décisions à mettre en œuvre et les moyens à investir. Aujourd’hui le monde s’installe progressivement mais sûrement et durablement dans ce que beaucoup d’analystes n’hésitent plus à appeler une économie de guerre synonyme de bien plus que d’austérité. 

Il y a un peu plus de cinq ans, l’actuel Chef du gouvernement s’engageait dans une aventure à la tête du RNI, que peu le croyaient capable de mener et de maitriser. Il l’a pourtant menée, dans l’adversité, avec une vigueur et une énergie, voire crânerie, que peu lui connaissaient, couplées à une présence médiatique efficace sur tous les supports classiques et modernes. Et c’est avec ces trois vecteurs de son déploiement qu’il doit, de sa position présente, renouer. Car autant sinon plus que certaines phases de leur histoire récente, l’Etat et le Maroc ont besoins de sérénité mais aussi de confiance dans le passeur du guet.

 

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