chroniques
Il est où le bonheur ?*
Même si, demain, le chef du gouvernement, Saâd Dine El Otmani, annonce un Smig à 5.000 DH, il n’est pas sûr que le moral des Marocains se redresse. Il peut annoncer un crédit à 0% pour l’acquisition d’appartements pour ceux qui n’en possèdent pas, ça ne changera rien à l’atonie générale. Le problème n’est plus dans les mesures, aussi pertinentes soient-elles — et il y en a eu quelques-unes —, il est dans la subjectivité absolue et dans la perception que se font les gens des choses et de leur vie.
Ni le taux de croissance qui n’est pas nul, ni le sursaut de l’activité industrielle et ses emplois, ni la valeur ajoutée agricole en nette augmentation, ni une politique sociale des plus offensives ces derniers temps, ni la stabilité — la denrée la plus rare dans le monde aujourd’hui — dont jouit le pays, ni la prise de conscience réelle de nos défaillances concrètes dans la santé, l’éducation, la justice etc. ne parviennent à donner un peu d’espoir, ou de rêve d’une vie meilleure, aux Marocains.
La pensée rationnelle — excusez le pléonasme ! — n’y peut rien ! Il faut peut-être mobiliser la pensée magique pour tirer tout cela au clair et essayer de savoir qui a jeté aux Marocains ce si mauvais sort. Et pourquoi ? Le diable se cachant toujours dans les détails, il nous faudra faire une étude exhaustive pour comprendre ce qui nous arrive et extirper le Malin.
L’état de démoralisation est tel que, par exemple, des jeunes pensent qu’en quittant Mohammedia en bouée, ils vont arriver, sains et saufs, dans la déclinante Europe, à la croissance en panne et au chômage endémique, pour trouver le bonheur. La réalité est implacable, la noyade est, très tôt, au rendez-vous dans les eaux glacées d’un océan que l’hiver tourmente. C’est triste, affligeant et déplorable.
La joie n’est apparemment plus là. L’espoir semble avoir déserté nos pensées. La confiance nous a faussé compagnie. Et notre horizon est obstrué par des idées noires auto-entretenues qui nous interdisent toute espérance. C’est la loi de l’autodénigrement. Même la situation de l’Algérie, au bord de l’abîme, — sujet consensuel par nature dans notre pays — n’apporte aucun réconfort coupable à nos concitoyens. Bien au contraire, la situation à Alger polarise leurs angoisses en partant du principe, raisonnable et fraternel, que tout ce qui est mauvais pour l’Algérie est forcément mauvais pour le Maroc selon la loi impérieuse de la proximité.
Maintenant, faut-il s’engager dans une commission experte pour redéfinir le nouveau modèle du bonheur marocain, le nouveau système de valeurs de nos compatriotes ou le nouveau goût à la vie de nos concitoyens ? Ce n’est pas évident, vraiment !
Bonne année 2020, quand même !
*Edito Bab N° 19