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L’accord tripartite et Saad Eddine El Otmani dans le discours mouvant de Abdalilah Benkirane – Par Hassan Zakriaa
De D à G : Saad Eddine El Otmani, Chef du gouvernement du Maroc, le Conseiller principal du Président des États-Unis d’Amérique Jared Kushner et Meir Ben-Shabbat, Conseiller à la Sécurité Nationale de l’État d’Israël.
Par Hassan Zakariaa
Surfant sur la vague du génocide israélien à Gaza, Abdalilah Benkirane ne manque aucune occasion pour rejeter la responsabilité de la signature de l’accord tripartite sur le Dr. Saad Eddine El Otmani, en exigeant de ce dernier des excuses, alors qu’il a maintes fois déclaré que la normalisation est une décision de l’État, une décision souveraine, et que le parti, dont le secrétaire général Saad Eddine El Othmani a signé l’accord en tant que Chef du gouvernement, faisait partie de l’État, et qu’il était inconcevable d’imaginer qu’il puisse être en désaccord avec sa position.
En attaquant à plusieurs reprises Saad Eddine El Otmani et en lui attribuant la responsabilité de la signature de la normalisation pour absoudre son parti, le PJD, Benkirane impute uniquement cette décision à l’ancien secrétaire général. Pourtant, juste après la signature de l’accord tripartite, il avait publié une déclaration sur sa page Facebook affirmant : « Aucun Marocain sensé ne peut être contre la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara. » Il avait souligné que la question du Sahara était une affaire de souveraineté gérée par le Roi, tout en saluant cette reconnaissance américaine comme un événement exceptionnel et significatif. Il avait également déclaré que le parti était un composant structurel de l’État en raison de la présidence du gouvernement, que le Roi Mohammed VI prend les décisions sur les questions cruciales et souveraines, et que, même si chacun est libre de ne pas apprécier ce qui s’est passé, il est inadmissible d’exprimer des propos qui pourraient donner l’impression que le parti a trahi l’État dans un moment critique.
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M. Benkirane avait même été plus loin en affirmant que les critiques à l’encontre de M. El Otmani pour sa signature de l’accord pourraient être interprétées comme une trahison de l’État par le parti. Il avait précisé que « le Roi est celui qui prend les décisions et choisit qui signe ou non, » et que « le Maroc sait ce qu’il fait et avance avec des pas calculés. »
Quelques mois après cette déclaration, M. Benkirane avait reconnu avoir reçu un appel du conseiller royal Fouad Ali El Himma après la signature de l’accord tripartite, évoquant les craintes de l’État quant à la possibilité que le parti adopte des positions pouvant nuire à la position marocaine. Il l’avait assuré du contraire. Aujourd’hui, alors que le contexte s’est éloigné et que la pression de l’État à ce sujet a diminué, M. Benkirane revient sur le sujet, non pour discuter de la position de l’État ou de la nécessité de s’excuser auprès du peuple marocain, mais pour exploiter l’opportunité de placer le Dr. Saad Eddine El Otmani au banc des accusés. Pourtant, il avait lui-même affirmé que la décision de normalisation relevait de l’État et que le Roi décidait qui signait ou non.
Ce qui est frappant, c’est que Benkirane avait sévèrement critiqué les Frères musulmans au Moyen-Orient pour leur attaque contre l’accord tripartite et leur accusation du Maroc de normalisation. Il avait ridiculisé leur compréhension politique, affirmant à plusieurs reprises qu’ils agissaient de manière déficiente et nuisaient à leur cause en attaquant le Maroc, un pays qui a fait et continue de faire beaucoup pour la cause palestinienne.
Entre ces deux événements — son soutien initial à la position de l’État et son intervention pour empêcher le parti de prendre une position discordante avec celle de l’État, et sa demande ultérieure d’excuses à El Otmani — Benkirane a exprimé des positions différentes sur la normalisation, ajustant son discours graduellement. Il avait déclaré à plusieurs reprises que le parti n’était pas informé des détails de la question, que M. Otmani devait fournir des explications au Conseil national, avant d’affirmer qu’il aurait pu refuser de signer et qu’à sa place, il ne l’aurait pas fait. Concernant la normalisation, il avait initialement déclaré que l’État savait ce qu’il faisait et avançait avec des pas calculés, que le parti ne trahirait pas l’État et ne le condamnerait pas pour la normalisation. Plus tard, avec la guerre à Gaza et les crimes de l’occupation contre les civils, Benkirane a changé de position, exigeant que l’État reconsidère l’accord de normalisation et affirmant qu’il n’y avait plus de justification morale à celle-ci.
Si l’évolution de sa position sur la normalisation peut être comprise au regard des événements, notamment la guerre à Gaza et les crimes de l’occupation contre les civils, M. Benkirane n’a jamais critiqué la décision de l’État de normaliser dans son contexte international, régional et en fonction des intérêts nationaux. Le problème réside dans le fait qu’il cherche actuellement à se démarquer de l’Etat en attaquant constamment Saad Eddine El Otmani,.
Il n’est pas insignifiant dans ce contexte que Mohamed Yatim, membre de l’ancien secrétariat général du parti, a critiqué M. Benkirane pour sa demande d’excuses à El Otmani, la qualifiant de pure surenchère. M. Yatim a rappelé que M. Benkirane lui-même avait déclaré juste après la signature de l’accord tripartite que cela relevait d’une décision d’État et non de la seule signature d’El Otmani, qui n’aurait fait qu’exécuter une décision étatique.
Il est clair que les motivations de M. Benkirane derrière ses attaques contre on compagnon de route Saad Eddine El Otmani sont multiples. D’une part, il cherche, à l’approche du neuvième congrès du parti, à ancrer dans l’esprit des délégués et des membres que la normalisation est liée à la direction précédente, dans le but d’éliminer toute influence résiduelle de cette direction au sein du congrès à venir. D’autre part, il cherche à dissocier le parti du « de la normalisation » en faisant de M. Otmani le bouc émissaire.
Il oublie qu’après la signature de l’accord tripartite, le secrétariat général du parti avait publié un communiqué réaffirmant son soutien au Roi dans les démarches visant à renforcer la souveraineté marocaine sur le Sahara et son attachement aux positions fermes du Maroc, à la fois officielles et populaires, sur la cause palestinienne. Le communiqué avait également exprimé son soutien à El Otmani en tant que secrétaire général du parti et chef du gouvernement « dans ses fonctions en tant que deuxième personnalité de l’État, conformément à ses responsabilités gouvernementales, avec le soutien au Roi dans ses responsabilités souveraines. »
Enfin, Benkirane semble utiliser M. El Otmani comme paravent pour adresser un message à l’État : au lieu de demander des excuses à l’État, il se contente de critiquer El Otmani et adopte un discours plus conciliant à l’égard de l’État, l’exhortant, en vue de reconquérir l’électorat, à reconsidérer, pour des considérations morales, la normalisation.