Là-haut dans le Grand Atlas : ''Qu’on nous donne un peu de ciment et de terre et on rebâtira nous-même’’

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Des femmes préparent de la nourriture à l'extérieur dans le village d'Ighermane, près d'Adassil, dans la province de Chichaoua, dans le Haut Atlas du Maroc central, le 13 septembre 2023. Le 13 septembre, les équipes de secours ont intensifié leurs efforts dans les villages de montagne marocains dévastés, alors que les chances de retrouver des survivants du tremblement de terre, qui a tué près de 3 000 personnes et laissé de nombreux sans-abri, s'amenuisent. (Photo par Philippe LOPEZ / AFP)

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Par Sahar AL ATTAR (AFP)

Aux abords d’un village en ruine, des habitants tirent l’eau du puits pour la transporter, à dos d'âne, dans le campement de fortune où ils vivent depuis le séisme ayant dévasté des zones montagneuses du Maroc.

Les conditions de vie à Ighermane, un douar reculé du Haut-Altas, ont toujours été rudimentaires, mais "il y avait de l'eau dans les maisons. Là on est revenu à l’époque de nos aïeux", soupire Mohamed Oublay, 28 ans, après avoir rempli les bidons en plastique qui permettront de laver les ustensiles et préparer le dîner, en plein air.

Le village berbère a perdu trois enfants dans le tremblement de terre vendredi soir, ainsi que toutes ses maisons traditionnelles en pisé, entièrement détruites ou très endommagées. Même sa toute nouvelle mosquée, inaugurée il y a à peine cinq mois, n'a pas été épargnée.

En escaladant les monticules de gravats, infestés par l’odeur de putréfaction du bétail toujours enseveli sous les décombres, le jeune homme montre l’étendue de la catastrophe pour les 90 familles de la bourgade, contraintes de se réfugier en contre-bas, sans eau courante, ni toilettes, ni électricité.

"Je vais passer ma première nuit dans une tente", se réjouit presque Saida Ouchi, après avoir dormi cinq nuits entre les oliviers, dans des couvertures apportées par sa fille vivant à Marrakech, à une centaine de kilomètres de là.

"On m’a dit qu’on pourra peut-être y installer une petite lampe, en la reliant à l'unique maison encore alimentée en courant", ajoute-t-elle.

Avec les matelas et les coussins distribués mercredi par des organisations caritatives, cette mère de famille aménage son nouvel espace de vie, qu'elle partage avec son époux, deux de ses filles et ses trois petits-enfants.

Même si ce confort rudimentaire suffit à son bonheur pour le moment, elle ne cache pas son anxiété.

"On a peur pour les enfants, on se demande toujours où ils sont et si quelque chose ne va pas leur tomber dessus", s’inquiète-t-elle, en soulignant que ces derniers passent leur journée à flâner dehors, l’école du village n’ayant pas été épargnée par la secousse.

"Un peu du ciment" 

Saida Ouchi dit regretter aussi sa cuisine, réduite désormais à quelques ustensiles et un feu de bois partagé avec les autres femmes du village.

Les denrées alimentaires acheminées par les associations locales, elles, sont stockées un peu plus loin, sous une bâche en plein soleil.

Le ministère marocain de l’Intérieur "nous a fourni 72 tentes, alors que nous sommes 90 familles. On ne peut pas se permettre d’y mettre les provisions. La priorité est de loger les femmes et les enfants", explique Mohamed Oublay.

Son ami, Moustapha Chamoun, prie pour que les autorités leur donnent des aides afin de reconstruire les maisons, au plus vite avant l’arrivée de l’hiver dans cette région où il peut parfois neiger.

"Nous, on n’a pas les moyens de le faire", dit le jeune homme de 25 ans qui, comme beaucoup d’habitants du village, multiplie les petits emplois à Casablanca, la capitale économique du royaume, pour subvenir aux besoins de sa famille.

"Mes parents, comme mes grands-parents, ne voudront jamais partir d’ici, et de toute façon, les logements ailleurs sont hors de prix", ajoute-t-il.

Saida Ouchi, elle, garde l’espoir malgré tout. "Qu’on nous donne un peu de ciment et de terre et on rebâtira nous-même. Je veux juste deux pièces et une cuisine. C’est tout ce que je demande".

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