LE DRONE MILITAIRE, ROI DE LA BATAILLE ? Par Mustapha SEHIMI

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Début octobre Aerodrive Engineering Services (AES) avait annoncé le succès du premier vol de son drone militaire A Atlas Istar, conçu et fabriqué au Maroc. Il a fait l'objet durant des mois de tests rigoureux

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Une priorité dans la politique de défense du Royaume: l'industrie militaire. Avec la création de deux zones d'accélération industrielle par décret approuvé le 1er juin dernier en Conseil des ministres présidé par SM le Roi, le Maroc franchit une nouvelle étape. Voici quatre ans, était entrée en vigueur la loi 10.20 relative aux matériels et équipements industriels. Un cadre réglementaire et juridique a été ainsi mis en place. 

Maroc : un chantier d'avenir 

Un chantier d'avenir qui va produire et sécuriser les futurs fabricants d'armement et d'équipements installés au Maroc. La fabrication de drones est l'un des axes de cette politique. Elle sera également étendue, entre autres, à des véhicules de combat, des armes légères et lourdes, des munitions, des moyens de transmission, etc. Il s'agit de renforcer la souveraineté dans ces domaines. 

Voici quelques jours à peine, le 17 octobre courant, en marge de la deuxième édition de la Journée nationale de l'industrie, à Benguérir, a été signée une convention de financement entre Aerodrive Engineering Services (AES) et le ministère de l'Industrie et la CGEM. Elle porte sur la production annuelle de 1.000 systèmes aériens sans pilote. Le financement de ce  programme est assuré par le Fonds de soutien à l'innovation (FSI). Une semaine auparavant, AES avait annoncé le succès du premier vol de son drone militaire A Atlas Istar, conçu et fabriqué au Maroc. Il a fait l'objet durant des mois de tests rigoureux. 

Les drones sont devenus omniprésents dans les conflits de nombreuses latitudes dans le monde: guerres en Ukraine et à Gaza / Israël Liban, guerres civiles au Soudan, en Syrie et au Myanmar, acteurs non étatiques au Moyen0rient et en Afrique. Le terme "drone" englobe rune large gamme d'appareils multicoptères réactifs, avions sans pilote, etc. En Ukraine, les deux parties déploient quotidiennement des milliers des centaines de drones de toutes tailles et de tous types (drones aériens des véhicules aériens sans pilote; drones maritimes; drones terrestres sans pilote). La variété des drones s'accroît rapidement; elle s'accompagne également de l'ampleur de leur utilisation . Mais quel est leur impact ? Il est variable en fonction de leur type. Les drones peuvent être armés ou non, utilisés pour le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (ISR); ils peuvent être récupérables ou à sens unique qui s'autodétruisent à l'impact; ils peuvent aussi être pilotés à distance avec des lunettes de vue ou encore programmés comme des munitions rôdeuses pour rechercher une cible prédéfinie; enfin, de nombreux drones sont désormais traités comme des "consommables", pratiquement comme des obus d'artillerie tandis que d'autres s'apparentent davantage à des missiles de croisière. 

L'utilisation de drones dans les guerres n'est pas une nouveauté : tant s'en faut. Ainsi, depuis le début des années 2000, les Etats-Unis ont mené des milliers de frappes de drones à longue portée sur des cibles dans le monde entier dans le cadre de leur guerre mondiale contre le terrorisme. En revanche, la guerre en Ukraine présente un trait particulier; elle se caractérise par un grand nombre et une grande variété de drones volant constamment au-dessus des lignes de front; elle se distingue également par des frappes de drones à longue portée, loin des lignes de front, ciblant des bases aériennes ainsi que des infrastructures civiles comme des installations énergétiques et des zones industrielles. Le fait est là : l'utilisation de drones a changé le niveau tactique. Quant à leur impact stratégique, il est moins évident et moins probant. En Ukraine, 1' utilisation massive de drones n'a pas modifié les lignes de front de manière significative. Pas davantage, des décennies de frappes ciblées de drones par les Etats-Unis n'ont mis fin à la menace de groupes au Moyen-Orient ou en Afghanistan. 

L'impact des drones dépend bien sûr également des défenses mises en place contre eux. Les gros drones aériens sont des cibles faciles pour les avions de patrouille ou les missiles sol-air. Les drones peuvent être attaqués par des missiles à haute altitude; l'artillerie antiaérienne guidée par radar ou même de simples fusils de chasse peuvent cibler des quadricoptères à basse altitude; les drones sont également vulnérables à la guerre électronique qui perturbe leurs communications et leur navigation; des protections physiques filets et cages métalliques- peuvent aussi limiter l'impact des attaques de drones. 

Dans la nuit du 13 avril dernier, il vaut de noter à cet égard le taux de réussite quasi parfait d'Israël, des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de la Jordanie dans l'interception de plus de 170 drones à sens unique aux côtés de 150 missiles balistiques et de croisière lancés par l'Iran sur Israël : ce qui démontre bien que des défenses aériennes modernes et coordonnées peuvent faire la preuve de leur efficacité. 

Une rupture stratégique 

Les drones ne sont peut-être pas la solution décisive pouvant renverser à eux seuls le cours de la guerre, mais ils sont l'une des composantes de la guerre. Ils assurent des capacités de surveillance et de frappe, et ce à un coût faible. La guerre des drones est là pour durer, même s'ils n'ont pas remplacé l'artillerie. 

Autrefois, ils étaient principalement utilisés comme outils de contre-insurrection; aujourd'hui ils sont désormais des systèmes d'armes de guerre essentiels. Leur rôle va continuer à s'accroître en complément des avions pilotés et des satellites. L'âge nucléaire est marqué par la parité et le non emploi; il est contourné par la guerre asymétrique et l'emploi de drones.

L'âge du drone militaire marque une rupture stratégique qui conduit à plusieurs problématiques: l'attaque justifie-t-elle une riposte de légitime défense ? Ne faut-il pas repenser les concepts et les limites du droit international humanitaire pour mieux appréhender les multiples facettes du drone en droit de la guerre ?

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