Mohammed VI ou l’art de l’interconnexion géopolitique – Par Omar Dahbi

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Le roi Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron en visite d’Etat au Maroc du 28 au 30 octobre 2024

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Le 21 novembre dernier, le Président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, effectuait une visite au Maroc, où il avait été reçu par le Prince héritier Moulay El Hassan. Au cours de cette visite, le chef de l'État chinois a réitéré son soutien aux efforts du Maroc pour préserver sa sécurité et sa stabilité nationales. 

Le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, effectuant une visite au Maroc, où il avait été reçu le 21 novembre 2024 par le prince héritier Moulay El Hassan

Trois semaines plus tôt, le président français Emmanuel Macron réaffirmait solennellement, dans un discours devant le Parlement marocain, que la France reconnaissait désormais la souveraineté du Maroc sur le Sahara et qu’elle allait œuvrer aux côtés du Royaume pour défendre cette position devant les instances internationales. Entre ces deux événements, le 6 novembre, jour symbolique marquant l’anniversaire de la Marche verte, Donald Trump, l'ex-président américain qui avait eu le courage politique de reconnaître officiellement et sans ambiguïté la souveraineté marocaine sur le Sahara, réalisait un come-back historique à la Maison Blanche.

Ces prises de position de trois membres permanents du Conseil de sécurité illustrent, à elles seules, la grande percée diplomatique réalisée par le Maroc ces dernières années. Cette percée témoigne de la justesse de la stratégie diplomatique du Royaume et de l'habileté de celui qui l’a mise en œuvre et qui a doté le pays des atouts nécessaires pour l'appliquer efficacement.

Au cours des vingt-cinq dernières années, le Roi Mohammed VI a métamorphosé le Maroc, transformant un pays, auparavant soumis aux règles de la géopolitique internationale, en une puissance régionale influente, capable de façonner son environnement et de jouer un rôle de leader dans un projet de codéveloppement futuriste et anticipatif, aligné avec l’évolution mondiale. Cette transformation impressionnante repose sur une série de stratégies diplomatiques, économiques, religieuses et sécuritaires qui méritent d'être analysées. Ces stratégies, où le soft et le hard power se combinent, ont permis de consolider, sécuriser et renforcer la position du Maroc dans le monde.

Une souveraineté renforcée

Sous le règne de Mohammed VI, le Maroc a su rallier des puissances internationales à sa cause, en particulier en ce qui concerne la souveraineté marocaine sur le Sahara. Des pays comme les États-Unis, l'Espagne, l'Allemagne et la France ont affirmé leur soutien, contribuant ainsi à renforcer la position du Maroc sur la scène mondiale. Cette alliance stratégique a permis au Royaume de se positionner comme un acteur important sur la scène internationale.

Une voix active au sein de l'Union africaine

Le retour du Maroc dans l'Union africaine a marqué un tournant majeur. Le pays en est aujourd’hui un membre actif et influent, participant à des initiatives qui renforcent sa stature sur le continent. Ce nouvel engagement a permis au Royaume de se positionner comme un partenaire incontournable pour les nations africaines, tout en consolidant ses relations avec le reste du monde.

Un équilibre diplomatique ingénieux

Le Roi Mohammed VI a également instauré une nouvelle approche dans la gestion des relations internationales du Maroc. Sous son règne, le Royaume a réussi un équilibre et une diversification inédits dans ses partenariats. Allié privilégié de l'OTAN, le Maroc a cependant maintenu une position de neutralité sur le conflit russo-ukrainien. Lié par des relations particulièrement fortes avec les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, il a néanmoins refusé de les rejoindre dans le boycott qu’ils avaient décrété contre le Qatar, et est allé jusqu’à briser l’embargo instauré par ces pays en envoyant une aide alimentaire symbolique. Malgré l’engagement de l’administration américaine dans une guerre économique contre l’influence chinoise croissante en Afrique, Mohammed VI a effectué une visite officielle à Pékin, lançant à cette occasion les bases d'une forte dynamique économique entre les deux pays.

Neutralisation des menaces régionales

Malgré les efforts d'Alger pour tenter d’affaiblir le Maroc, le Roi Mohammed VI a habilement retourné cette hostilité à son avantage. Grâce à une politique clairement orientée vers le développement et la coopération fructueuse, il a contraint l’Algérie à s’isoler sur les plans politique, économique et diplomatique. L’exemple le plus récent de cette réussite est le changement de position de la France, qui a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara lors d’une allocution du Président Macron devant le Parlement marocain.

Une vision économique stratégique et proactive

La clé de ce succès réside dans la méthode diplomatique du Roi. En reliant étroitement les dimensions économique, politique et sécuritaire, il a créé un cercle vertueux qui a renforcé l’influence du Maroc, sa sécurité et la stabilité de ses institutions politiques, le rendant ainsi plus fiable et plus attractif aux yeux de partenaires de grande envergure. Le Roi a doté le Royaume de pôles de développement régionaux intégrés, attirant les puissances économiques mondiales dans un équilibre impressionnant. L’écosystème créé autour du port de Tanger-Med, par exemple, est devenu un atout pour les entreprises européennes cherchant une délocalisation fructueuse, mais aussi pour les entreprises chinoises, attirées par la proximité géographique et la facilité douanière pour leurs exportations vers l’Europe.

Le mégaprojet du complexe portuaire de la ville saharienne de Dakhla illustre à la perfection l’utilisation de la carte économique comme outil géopolitique. Ce hub africain, qui sera l’un des plus grands au monde, constituera une source de richesse et de développement pour le Maroc, tout en représentant une porte d’entrée vers un nouvel espace de croissance pour les entreprises américaines cherchant à pénétrer le marché africain, les opérateurs français souhaitant réhabiliter leurs relations économiques avec l'Afrique, et les Émirats arabes unis, qui, arrivés au seuil de saturation géographique, cherchent de nouveaux espaces de développement.

Quand on regarde tout ce qui a été accompli ces vingt-cinq dernières années avec du recul, il est évident que tout avait commencé à se dessiner avec le lancement du projet du port de Tanger-Med, un projet dont beaucoup d'analystes minimisaient la portée à l’époque, certains prédisant même son échec en raison de la concurrence des ports situés sur la rive nord de la Méditerranée. À cela s’ajoutent les pourparlers pour des accords de libre-échange avec les USA, l’UE, la Turquie, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Jordanie, la Tunisie, etc. À l’époque, de nombreux analystes marocains y voyaient une menace pour l’industrie nationale, un manque à gagner pour les recettes douanières, et un danger pour les réserves en devises. Ce qu'ils n’avaient pas compris, c’est que le Roi Mohammed VI avait une vision globale qu’ils n’arrivaient pas à cerner.

Mais tout cela n’aurait pas été possible si le Maroc n’avait pas su se détacher des stéréotypes habituellement associés aux pays arabo-musulmans, perçus comme instables ou intégristes. D'où la politique visionnaire du Roi Mohammed VI, qui a doté le Royaume de services de sécurité modernes et efficaces, respectés au niveau international pour leur contribution à la sécurité mondiale et leur respect des droits de l'Homme et des valeurs universelles. Il a également consolidé le leadership du Maroc en tant que porte-étendard de l’Islam tolérant à travers le monde.

Une influence religieuse renforcée au service de la stabilité

L’une des dimensions souvent sous-estimées de la politique étrangère du Maroc est son rôle en tant que modèle d’Islam modéré. Sous le leadership du Roi Mohammed VI, le Maroc a pris des initiatives remarquables pour promouvoir une version de l'Islam tolérante, apaisée et ouverte sur le monde. La Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains, créée en 2006, œuvre à renforcer les liens religieux entre le Maroc et les pays africains, tout en prônant une approche modérée de l’Islam. Cette fondation a permis la formation d’Oulémas, d’imams et de prédicateurs à travers le continent, afin de lutter contre les idéologies extrémistes et promouvoir une lecture apaisée des textes musulmans.

Un rôle complémentaire est assuré par l’Institut Mohammed VI pour la formation des Imams, Morchidines et Morchidates, qui s’est imposé comme une institution phare dans la formation d’imams qualifiés et éclairés. Cet institut prépare des prédicateurs capables de guider les communautés musulmanes vers un Islam respectueux des valeurs humaines et universelles, tout en combattant la radicalisation et l’extrémisme. Cette initiative témoigne de la vision claire du Roi Mohammed VI pour positionner le Maroc comme un acteur clé dans la lutte contre l’intégrisme à l’échelle mondiale.

Un partenaire fiable et actif dans la sécurité internationale

Parallèlement à son influence religieuse, le Maroc a fait des avancées remarquables dans le domaine de la sécurité, en investissant massivement dans des services de sécurité modernes et hautement qualifiés. Les forces de sécurité marocaines se sont progressivement imposées comme des partenaires privilégiés pour la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic international et le crime transfrontalier. L'une des réussites les plus marquantes de cette politique a été la neutralisation de plusieurs projets d'attentats à travers le monde, grâce à une coopération étroite avec des pays européens, américains, asiatiques et africains.

Le Maroc a su bâtir un réseau de partenariats solides avec des nations majeures et des organisations internationales telles qu'Europol et Interpol, contribuant ainsi à la stabilité régionale et mondiale. En s’imposant comme un modèle en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation, le Royaume est devenu un pilier de la paix et de la sécurité, un rôle qui renforce son influence sur la scène diplomatique internationale.

Une vision multidimensionnelle

En rétrospective, il est évident que la vision du Roi Mohammed VI s’apparente à un puzzle géopolitique dont chaque pièce est interconnectée. De la construction du port de Tanger-Med aux accords de libre-échange avec diverses nations, du projet de Dakhla à la création d’un espace de sécurité citoyenne, chaque initiative a contribué à façonner l’image d’un Royaume attractif et puissant.

Après vingt-cinq ans de règne, Mohammed VI s’affirme comme un grand maître dans l’art de la géopolitique moderne. Son habileté à relier projets économiques, infrastructures, réformes et accords internationaux a permis au Maroc de renouer avec son passé glorieux tout en se projetant dans un avenir prometteur. Dans un monde où les dynamiques géopolitiques sont en constante évolution, le Maroc, sous la direction de son Roi, se positionne aujourd'hui comme une force d’influence redoutable sur la scène internationale et aura, certainement, son mot à dire dans le façonnage du paysage géopolitique de la région et du continent dans les années à venir.

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