Point de vue : Une opinion préliminaire sur les conclusions de la commission de révision du Code de la famille – Par Bilal Talidi

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Concernant le mariage des mineurs, la commission a opté pour un choix "dernier avant la rupture" en fixant l’âge minimum de mariage pour les mineurs à 17 ans, sous conditions, qui restent encore à être précisées. Ce choix de 17 ans situe entre les partisans de l’interdiction totale du mariage des mineurs et ceux proposant un âge minimum exceptionnel entre 15 et 16 ans.

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Il existe différentes perspectives pour évaluer les orientations adoptées par la commission chargée de réviser le Code de la famille. Cependant, il semble qu'une approche plus objective consiste à examiner les raisons de la formation de cette commission en fonctions de ses références et des objectifs qui lui ont été attribués.

La convergence des orientations avec les percepts de l’Islam

Du point de vue des références, jusqu'à présent, il n'y a pas eu beaucoup de discussions sur les convergences entre ces orientations et les textes religieux définitifs. Le Conseil supérieur des oulémas a rejeté trois amendements, car ils contredisent des textes religieux clairs : l’héritage du non-musulman par le musulman, l’abolition du système de ta'sib (héritage agnatique), et l’établissement de la filiation par l’ADN. Pour les deux premiers cas, des solutions ont été proposées (le testament et le don entre époux de religions différentes, l’activation du don en substituant la possession dérivée à la possession réelle pour les enfants mineurs. Quant à l’établissement de la filiation par l’ADN, il a été rejeté pour éviter de légitimer la création de familles en dehors des règles établies du mariage.

En réalité, un espace de désaccord limité a récemment émergé concernant le maintien de la maison conjugale pour l’un des époux et la manière de l’exclure de la succession, qui priverait ainsi momentanément les héritiers de ce bien. Le Conseil supérieur des oulémas propose un contrat appelé "al-Umra" dans la jurisprudence islamique, qui permet à l’un des époux de céder la maison à l’autre pour y vivre tout au long de sa vie, excluant ainsi ce bien de la succession tant que l’un des deux époux est encore en vie. Cependant, le texte lu par le ministre de la Justice ne fait pas référence à l’avis du Conseil supérieur des oulémas. En attendant que les conditions précises pour établir ce droit soient révélées, le débat reste généralement sans objet.

Polygamie et mariage des mineurs

En ce qui concerne la réduction de certaines lacunes et dysfonctionnements apparus lors de l’application des textes du Code, trois questions interconnectées se distinguent : le mariage polygame, le mariage des mineurs et l’établissement du mariage. Les conclusions de la commission visent une quasi-élimination de la polygamie, notamment en rendant obligatoire l'avis de la femme au moment de la signature du contrat de mariage pour savoir si elle accepte ou non la polygamie. Une seule exception est laissée : l'acceptation de la polygamie en l'absence de cette condition par l’épouse et sous des conditions très strictes (infertilité ou maladie empêchant les relations conjugales). 

Il est évident que cette orientation vise à corriger une anomalie des dispositions relatives au mariage polygame dans le texte du Code de la famille de 2004. Ce dernier permettait au tribunal de jouer un rôle actif dans la résolution des litiges entre les époux concernant la polygamie (dans le cas où l’épouse refusait la polygamie et où l’époux insistait pour l’imposer), en recourant à la procédure de divorce pour discorde, sur la base du principe de protection des droits de la femme. Cette fois, le choix a été fait d'alléger cette responsabilité pour le tribunal et de la transférer à l'épouse lors de la formalisation du contrat.

Concernant le mariage des mineurs, la commission a opté pour un choix "dernier avant la rupture" en fixant l’âge minimum de mariage pour les mineurs à 17 ans, sous conditions, qui restent encore à être précisées. Ce choix de 17 ans se situe entre les partisans de l’interdiction totale du mariage des mineurs et ceux proposant un âge minimum exceptionnel entre 15 et 16 ans.

Le problème majeur réside dans la question de l’établissement du mariage. La réalité marocaine, marquée par des traditions profondément enracinées et des disparités socio-économiques, a poussé les tribunaux à continuer d’examiner les requêtes pour établir le mariage, appliquant ainsi une exception à la règle qui exige l’acte de mariage comme seule preuve de l’union. Il semble que cette question reste difficile à encadrer par le législateur. Le Code de la famille avait prévu une période transitoire pour mettre fin à ce phénomène (mariage par la lecture du premier verset, la Fatiha), mais les tribunaux ont rouvert cette possibilité pour protéger les intérêts des enfants, notamment en appliquant l’article 400, basé sur les principes de la jurisprudence malikite en l’absence de texte explicite.

Médiation, réconciliation et représentation légale

Des points à mon sens méritent d’être soulignés dans ces orientations. Il s’agit notamment de la médiation et la réconciliation, ainsi que l’octroi à la femme de droit à la représentation légale. 

Dans le passé, le Code stipulait la réconciliation pour tous les types de divorce. On espérait que cette mesure réduirait les taux de divorce et renforcerait la cohésion familiale. Cependant, la gestion formelle de cette procédure a rendu ses résultats presque inexistants. Cela est confirmé par le rapport du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, qui ne mentionne aucune statistique concernant l’impact de la médiation et de la réconciliation. Les juges étant déjà surchargés par des centaines de dossiers, en plus de milliers de demandes d’autorisation de mariage, la commission propose aujourd’hui que la médiation et la réconciliation soient prises en charge par une autre institution, avec des bases juridiques, des compétences et des moyens adéquats, afin d’éviter le sort réservé au "Conseil de la famille", prévu par le Code de la famille mais jamais mis en œuvre.

Concernant la représentation légale, les conclusions vont dans le sens de l’orientation royale, qui considère le Code de la famille comme une question de société et de famille, et non une affaire homme-femme. Elles ont octroyé à la femme son droit à la représentation légale, tout en maintenant son caractère conjoint. En cas de conflit, le tribunal s’érige en arbitre sans retirer à l’homme son droit à la représentation légale.

Cependant, des points nécessitent un débat approfondi, notamment la redéfinition des types de divorce, la question des biens acquis pendant le mariage et le droit de la mère divorcée qui préserve sa garde de l’enfant même après son remariage.

Réduction des types de divorce

La commission a appelé à une réduction des types de divorce, en conservant principalement deux catégories : le "divorce par consentement mutuel", qui serait retiré des tribunaux, et le "divorce pour discorde (chiqaq)", représentant environ 72 % des cas, contre 28 % pour les autres types de divorce. Il en ressort que le divorce nécessitant une justification (dommage à la femme, défaut de mariage, incapacité à subvenir aux besoins, absence prolongée de l’époux, refus des relations sexuelles ou violation d’une condition du contrat de mariage) serait remplacé par une seule catégorie : le divorce pour discorde. Le rapport du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire explique cette prévalence par le fait que ce type de divorce ne nécessite pas de preuves.

Cela signifie que la réorganisation du divorce en le limitant à deux types seulement, à savoir le divorce par consentement mutuel et le divorce pour discorde (chiqaq), ouvrira une plus grande porte à l'augmentation des taux de divorce. Cela intervient alors qu’il aurait été possible de réfléchir à des mécanismes pour restreindre les cas de divorce pour discorde qui ne reposent pas sur des justifications raisonnables, au moins pour prévenir les divorces arbitraires qui nuisent aux intérêts des enfants.

Concernant la question des biens acquis, l’orientation adoptée vise à valoriser le travail domestique en le considérant comme une contribution à la création de richesses communes. Cela semble être une tentative pour dépasser la formule adoptée par le précédent Code de la famille, qui reposait sur ce qu’on appelle un "contrat parallèle au contrat de mariage". L’expérience a démontré les limites de l’application de cette formule par les couples, ce qui a conduit à reconnaître le droit de la femme à une part des biens acquis pendant la relation conjugale.

En réalité, nous attendons encore l’avis du Conseil supérieur des oulémas sur cette question et les arguments qui le sous-tendent, surtout que les avis juridiques comme celui d’Ibn Ardoun et d’autres se réfèrent au travail de la femme dans le domaine agricole, et non au travail domestique. Il y a une grande crainte que cette modification ne conduise à une diminution de l'engagement envers le mariage.

Quant à la question d’accorder à la femme le droit de garde des enfants même après son remariage, elle soulève deux problématiques. La première est la possibilité que le mari de la femme divorcée, gardienne des enfants, bénéficie des pensions alimentaires, qui sont réservées aux enfants. La deuxième est que ce droit permettrait au nouveau mari de la femme divorcée de côtoyer des enfants qui ne lui sont pas liés du point de vue religieux, en particulier les filles. Cela pourrait les exposer à des dangers et porter atteinte au principe de leur protection. Cela affecte également une partie de la tutelle légale que détient le père divorcé sur ses enfants.