Déconfinement : Au Roi la vision, au gouvernement la division

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Mardi 19 mai, et pendant quelques heures, une sortie du ministre de l’Économie et des Finances devant la Chambre des conseillers a créé tout un remue-ménage dans les milieux économiques, mais pas seulement. Des sites ont prêté à Mohamed Benchaaboun l’annonce de la reprise du travail dans les entreprises justes après l’aïd. Ce que les observateurs ont tout de suite relevé, c’est que le ministre de l’Économie et des Finances n’était pas, pour le moins que l’on puisse dire, synchrone avec son chef de gouvernement. 

Pendant un moment ou le temps a suspendu son vol, peu de gens savaient de quoi il retournait. Car le reprise pour toutes les entreprises ne signifie pas seulement qu’il se remettent au travail, mais aussi tout ce qui va avec, transport, liberté de déplacement etc...

En raison du brouillard qui s’est ainsi installé, pas moins de trois ministres ont cosigné un communiqué : Le ministre de l’Intérieur, de la Santé et celui du Commerce et de l’Industrie. En chœur ils ont rappelé les « fondements » de l’état d’urgence sanitaires et des mesures qu’elle a générées. Ce qui induit une grande question : pourquoi ce n’est pas le ministre responsable, sciemment ou involontairement, du cafouillage qui clarifie par un communiqué en bonne et due forme la teneur de ses propos ?

Non, c’est Medis24 qui se charge de nous éclairer sur les intentions de Mohamed Banchaaboun par une traduction d’un passage de son intervention devant la Chambre des conseillers. Éclairage qui va subir une modification le lendemain, 20 mai : Le ministre de l’Économie et des Finances n’aurait pas dit ce qu’il aurait dit

Ce 20 mai aussi, lors d'une séance plénière de la Chambre des représentants, consacrée à la discussion de son exposé sur "la gestion du confinement pour l’après 20 mai", le chef du gouvernement indique que dès le début, il a été « précisé que le confinement ne signifie pas l’arrêt de l'activité industrielle et économique, mais plutôt l’arrêt d'un ensemble d'unités ouvertes au public, afin qu'elles ne soient pas une source de transmission de l'épidémie ». Pour souligner à la fin que « dès le départ, il était (décidé) que toutes les unités industrielles, les sociétés et les entreprises poursuivent leur activité, tout en respectant les mesures sanitaires et de protection. » Ces mêmes mesures dont le très difficile respect justifiait à ses yeux, la veille devant le Parlement, le prolongement du confinement de trois semaines, évoquant pour l’occasion les clusters découverts dimanche dans des unités industrielles et commerciales à Casablanca.  Que ne l’a-t-il pas dit lundi quand il s’échinait à suisciter l’adhésion des Marocains à la nécessité impérative de poursuivre le confinement ? Mystère et boule de gomme.  Si bien que la déclaration de Saâdeddine El Othmani finit par ressembler à une tentative de banalisation des divergences qui existent ou qui ont existé sur le sujet au sein du gouvernement.

Reste que les manœuvres autour du déconfinement ne datent pas cette semaine. Elles remontent au 29 avril, à l’approche de la première prolongation quand un document « sans origine » a été mis en circulation, sur Watsapp notamment. Après avoir décliné les paramètres d’une levée progressive du confinement, le « plan » a procédé à l’analyse de la situation actuelle au niveau national et plaidait pour un déconfinement incluant 5 étapes allant du 1er Mai au 1er juin suivi d’une étape de consolidation et de suivi rigoureux du 1er Juin au 1er Juillet qui précéderait ainsi l’étape de retour à la normale à partir du 1er juillet si le R0 est inférieur à 1.

L’éventuelle origine gouvernementale de ce plan, en vérité produit des milieux économiques, a été vite démentie par une dépêche de la MAP. Dans les coulisses, on n’en continuaient pas moins de ferrailler. Les ministres de l’Intérieur et de la Santé d’un coté et de l’autre, quelques sécuritaires dit-on, et les milieux économiques où l’on positionnait leur collègue de l’Économie et des Finances. 

Le dimanche 10 mai, une « rumeur » faisant état de l’intervention du chef du gouvernement lundi 18 mai et annonçait que le débat sur le prolongement ou non du confinement avait été tranché en faveur de sa prorogation de 3 semaines. Ce qui fut fait lundi dernier devant le Parlement lors d’une séance on ne peut plus solennelle réunissant les deux Chambres. 

Est-ce à dire que Mohamed Benchaaboun a essayé de doubler le chef du gouvernement sur sa droite ou tenté un passage en force ? Difficile à dire si on n’a pas l’enregistrement de son intervention devant le Parlement. Dans la foulée, on peut se demander pourquoi le ministre Benchaaboun ne s’est pas contenté d’évoquer les 6 points de perdus sur le PIB, pour dire que le confinement coutait au Maroc 1 milliard de Dhs par jour. Pour mieux frapper les imaginations ? Les amener à réfléchir ? Sans doute. Quoi qu’il en soit l’intendance de la crise sanitaire a laissé derrière elle une impression de cacophonie telle qu’elle a nécessité la sortie en force de trois ministres. Ce qui a amené un observateur à dire : au Roi la vision, au gouvernement la division.

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