L’Algérie est-elle l’ennemie du Maroc ?

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Le consul du Royaume à Oran, la cité la plus proche géographiquement et culturellement du Maroc, aurait qualifié l’Algérie de pays ennemi. L’ambassade du Maroc à Alger dénonce une manipulation éhontée.  Alger monte sur ses grands chevaux, convoque l’ambassadeur du Maroc et se fend d’un communiqué grandiloquent comme à son habitude : « Si elle venait à être établie », la qualification de l’Algérie comme un « “pays ennemi” par le consul est une violation grave des us et coutumes diplomatiques ».

Si elle venait à être établie ! En dehors d’un examen rigoureusement scientifique de la vidéo, tout ce qui peut se dire se réduit à ce qu’il est, de l’ergotage.  

Ce qui n’enlève rien à la triste réalité des relations entre les deux pays, frères et voisins à en croire les échanges de lettres à l’occasion des occasions. Les deux Etats ne demandant, officiellement, qu’à vivre, faute de mieux, en bonne intelligence.

L’Algérie avec le Maroc si et seulement si...

Le Maroc avec l’Algérie à condition que...

La bienséance veut qu’en dépit de cette adversité, pour ne pas l’appeler autrement, on doit perpétuellement seriner les louanges des liens indéfectibles entre les deux peuples forgés dans le partage d’un même espace et d’une histoire commune. Réelle, mais remise aux oubliettes dans l’attente que le rêve du grand Maghreb, ramené à une utopie quand ce n’est pas à une chimère, voit un jour le jour. 

Chacun des deux pays a dans son escarcelle des arguments, sérieux ou infondés, pour appuyer ses assertions. Et nul au monde n’ignore les tenants et aboutissants des rapports exécrables que cultivent les deux frères ennemis. Des entités importantes de ce monde les nourrissent pour mieux en profiter. Dans l’univers froid et cynique des relations internationales on qualifie de « bonne guerre » l’exacerbation des conflits régionaux.

Le mythe de l’Etat pivot

Une fois, le fondateur de l’Algérie telle que nous la connaissons, Houari Boumediene, avait argué pour justifier sa « politique marocaine » que le Royaume constituait une menace pour la Révolution algérienne. Ce qui avait permis au maitre d’œuvre de la Marche Verte, Hassan II, de lui répondre par une botte dont il avait le secret, déclarant que c’était bien la première fois dans l’histoire que c’est une monarchie qui menaçait une révolution.

Au-delà de ce qu’elle a d’anecdotique, cette accusation du défunt président algérien n’était en fait qu’une feuille de vigne cachant mal les ambitions boumediénistes dans la région. La vision prussienne qu’avait le colonel de l’Algérie dans l’espace maghrébin, un legs dont ses successeurs se veulent les dignes héritiers, est de notoriété publique. Lui-même l’avait revendiquée fièrement devant Paul Balta, alors correspondant du quotidien français Le Monde à Alger. 

Cette perception des relations intermaghrébins, les stratèges de l’armée algérienne l’ont recyclée sous l’appellation de « l’Algérie Etat pivot » du Maghreb. A ce jour elle est encore d’actualité et a fait débat au moment où la « bande », appellation dont les droits d’auteur reviennent à l’ancien chef d’état-major Gaïd Salah, s’apprêtait à reconduire le président paralysé pour un cinquième mandat. Et c’est bien un autre général, à la retraite, Ali Ghediri, qui avait remis la question sur le tapis dans une lettre ouverte à sa hiérarchie. Pour lui dire que sa politique intérieure mettait en péril ce concept. Brièvement candidat à la présidence pour contrecarrer la candidature de Abdelaziz Bouteflika, Ali Ghediri croupit depuis en prison. 

Qui dit « Etat pivot » dit Etat dominant, pas seulement le Maroc, mais tous les autres voisins, aussi bien au sud qu’à l’ouest. Dès lors, comment, en présence de pareille présomption et semblable propension à l’hégémonie, établir dans l’ère maghrébine des rapports sains et équilibrés ; sains parce que équilibrés ?  

Alors, l’Algérie ennemie du Maroc ? 

Sans entrer dans les méandres des sentiments équivoques des peuples, ni dans l’aptitude d’une entente au sommet à les sublimer, certainement pas. Le pouvoir algérien, oui, sans doute. Encore faudrait-il pouvoir dissocier nettement l’Algérie de ses dirigeants. 

L’Algérie ennemie du Maroc. Comment peut-il en être autrement quand il est également de notoriété publique que l’actuel chef d’état-major par intérim de l’armée algérienne avait qualifié le Royaume d’ennemi dans une réunion avec les cadres du Polisario ? 

Juste après sa nomination à ce poste, suite au décès de Gaïd Salah, voici comment Radio France Internationale (RFI), qui sait faire dans les euphémismes, dressait le profil du général : « Saïd Changriha est aussi un farouche défenseur du Polisario (...). Il a formé personnellement les forces du Polisario et supervise toujours leurs activités à Tindouf. Il a toujours tenu des propos très virulents contre le royaume voisin. »

Très virulents, c’est peu dire.

Sans revenir sur l’histoire de l’hostilité hyperactive d’Alger à l’unité territoriale du Maroc, il suffit d’une lecture régulière des médias algériens pour toucher du doigt leur art consommé dans le matraquage quotidien, sans exception, de leurs lecteurs par des propos peu amènes sur le Royaume : Makhzen corrompu, forces d’occupation, expansionniste, colons et autres amabilités du même genre plaçant le Maroc avec constance sur un même pied que l’occupation sioniste des territoires palestiniens. Et le reste à l’avenant.  

 

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