Politique
Mais qu’est-ce qui fait courir Aziz Akhannouch ?
Le président du RNI qui harangue la foule à Dakhla, est en nage. Et tant qu'à faire il y va : c’est le Roi qui est à l’origine de l’Initiative du développement humain, c’est lui qui est derrière l’assurance RAMED, c’est lui aussi qui est derrière la Caisse de solidarité, c’est lui encore qui a voulu le plan Maroc vert, la mobilisation des terres soulayates pour la réalisation de nouveaux projets, Halieutis, le registre de la solidarité sociale pour que l’aide aille aux véritables ayants droit et non pas à ceux qui ont fait campagne pour vous ou vous ont apporté leur voix. Qu’on ne vous raconte pas des histoires !
Ce ‘’On’’ n’est pas si indéfini et va directement à qui de droit. Comme c’est un partenaire au sein du gouvernement, le minimum du savoir vivre (ensemble) veut qu’on ne le nomme pas.
Aziz Akhannouch se mouille et mouille la chemise. Au propre comme au figuré. Après deux semaines marathoniennes en Australie et une escale de trois jours pour Halieutis à Agadir, le voilà à Dakhla où il réunit le Bureau politique de son parti, rencontre les notables et les élus de la région, préside un meeting. Entre ses affaires et les affaires de l’Etat, on se demanderait ce qui le fait courir si on n’en avait pas déjà une petite idée.
Outre qu’il a pris goût à l’adrénaline du jeu, l’homme est dans le défi. La sous estime politique dans laquelle on l’a tenu et dans laquelle on veut le maintenir l’insupporte. On l’a enterré un peu trop vite. Mais voilà, les coups de butoirs s'ils l’ont blessé, ne l’on pas tué et il n’en est que plus tenace. Abdellatif Ouahbi qui n’est pas dans ce cas un spécimen isolé, a négligé cette dimension du personnage. Le député PAM le soupçonne de mener une OPA sur son parti et entend lui dicter prétentieusement ses limites. Avec l’inélégance de le renvoyer à la « campagne de boycott » sans saisir qu’elle a fait son temps.
Le sabordage désarçonnant du MTD
De l'entretien que le député a eu dans Al massae du weekend dernier transpire l’angoisse justifiée de la disparition du PAM, ou du moins, les temps étant à la vitesse grand V, de son amenuisement accéléré. Il n'a pas entièrement tort. La pléthore de partis d'un même ADN '' idéologique'' est préjudiciable à l’évolution de la scène politique nationale : L’UC est en apnée, le Mouvement populaire est entré dans une somnolence chronique et le PAM qui a réussi à faire illusion a de plus en plus le souffle court. Dans cette sphère du champ partisan, seul le RNI offre une vitalité organisationnelle sur laquelle on n'aurait pas misé un sou au lendemain des législatives de 2016. Si bien que dans ce pré carré, le RNI et le PAM s’observent en perspective d'un affrontement fratricide sur la prééminence qu’il faudrait bien arbitrer avant les prochaines échéances.
Le PAM a été envisagé comme alternative à « l’ancienne façon de faire » avant la survenue, par ses tours dont l’histoire a le secret, du 20 février 2011 qui a bouleversé la donne politique au Maroc. Rétrospectivement on peut mesurer combien la création ex deus machina du PAM a altéré la dynamique du Mouvement de Tous les Démocrates, un alliage réussi de différents profils de progrès de gauche comme de droite, qui, lui, aurait pu tenir la route et faire sens. L’un de ses fondateurs, Salah El Ouadie en fait dans Al Ayam du 4 AU 20 février une analyse pertinente.
Sans doute que la précipitation des évènements a fait en sorte que ses initiateurs n’avaient de choix que de l’envoyer au feu.
Le départ dans le tourbillon de ces évènements de Fouad Ali El Himma pour occuper auprès du souverain le poste de conseiller, n'était pas pour arranger ses affaires. En l'absence de son autorité naturelle qui en imposait à tous, le PAM a perdu de son charme en même temps que de sa puissance de séduction. Certes, l'entregent épatant d'un Ilias El Omari, ainsi que sa capacité manœuvrière, sa ruse et les multiples soutiens dont il a bénéficié ont réussi à sauver, un temps, les meubles. Il a suffi toutefois d'une campagne électorale pour que cette alchimie perde de sa magie. La mention honorable dont on pouvait gratifier sa deuxième position aux législatives de 2016, n'a pu empêcher de rendre lancinante l’interrogation sur la pertinence de l'existence même d'un parti qui s’est fixé comme challenge la conquête de la majorité.
L’épuisement des partis du pré carré
A sa décharge cependant, l'état de délabrement du RNI, orphelin des anciennes méthodes et de Driss Basri, qui soit dit en passant ne lui vouait pas que de l'amitié. L’immobilisme du parti facilitait voire rendait nécessaire l'émergence de quelque chose comme le PAM, d'autant plus que l'irrésistible montée des islamistes, la perte de vitesse des partis historiques et l'intrusion des réseaux sociaux dans le débat avaient commencé à modifier en profondeur le paysage politique, de même que les règles du jeu qui le commandaient.
En 2007, Ahmed Osman rendait le tablier laissant le Rassemblement en proie aux démons de la division et de la guerre de succession. Le RNI qui avait réussi en 30 ans d'existence à se draper d'une certaine légitimité, privé de la présence patriarcale de son fondateur, n'arrivait plus à se maintenir en dehors de l'eau. La longue hibernation dans laquelle l'avait plongé la présidence de Salaheddine Mezouar avait fini par le faire sombrer.
En présence de cet épuisement, qu'il s'agisse du RNI ou du PAM (prématurément usé), du MP ou de l'UC, les expressions politiques induites par le modèle segmentaire marocain depuis l'indépendance s'en sont trouvées menacées. Les forces économiques, politiques et sociales qui ne se sont jamais reconnues dans les partis issus du mouvement national ou dans des formations qui se revendiquent d'une autonomie relative ou totale par rapport au pouvoir, assistaient impuissantes à le remise en cause de leur essence.
C'est cette déshérence que le RNI, n'en croyant pas ses oreilles, a été (r)appelé à combler dans l'urgence. Mission à fort taux d'impondérables que Aziz Akhannouch s'est chargé à ses risques et périls, dont il a déjà eu un avant-goût. Que les gens qui se sont investis dans le PAM n'entendent pas s'en laisser déposséder, quoi de plus normal. Sauf que nombre d'entre eux sont déjà sur le départ.