ESCLAVES ET ESCLAVAGE au Maroc D’UN AUTRE AGE, Faits et leçon – Par Mustapha Hmimou

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«Les gens s’y sont complus, et l'ont transmis d’une génération à l’autre, jusqu'à ce que beaucoup de personnes ordinaires ont cru que l’asservissement légale devait s’appliquer à tout noir de peau amené de cette contrée-là . Et cela, par Dieu, est l'un des pires péchés condamnés par la religion. » (An-Naciri, est considéré comme le plus grand historien marocain du XIXᵉ siècle.)

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JUSTICE ET JUSTICIABLE AU Maroc PRÉCOLONIAL - Par Mustapha HMIMOU 

Quand j’ai découvert le témoignage de Walter Harris, sur l’eclavage au Maroc jusqu’au début du XXe siècle, j’avais du mal à le croire. Et quand je l’ai traduit et posté sur ma page facebook je me suis rendu compte que la surprise était générale. Certains l’accusaient d’affibulation et d’autres d’exagération. Puis quand j’ai lu le témoignage de notre historiogaphe En-Naciri dans son précieux Ouvrage Al-Istiksa, j’ai compris que c’est l’ignorance de l’histoire de notre pays qu’il convient d’accuser, ou plutôt l’enseignement de la matière. Un enseignement spécialement apologétique du passé du Maroc comme du reste du monde musulman. Voyons d’abord ce qu’en dit notre historiographe et ses sentiments à cet égard.

Il raconte avoir entendu dire, qu’arrivés au Mali et au Ghana, les commerçants marocains se permettaient d’y acheter des servantes pour concubinage le temps de leur séjour. Et celui qui lui rappotait ces faits, sans doute un familier, s’est mis sans gêne aucune, à lui vanter leur charme avec volupté comme pour l’en faire désirer. Il en disait : « Dieu a pourvu leur corps de très belles qualités qui sont au-dessus de ce que l’on peut imaginer, des peaux lisses, une noirceur étincelante, de beaux yeux, des nez droits, des dents blanches et des senteurs parfumées.... ».

Révolté, et pour dénoncer ce qu’il a entendu, An-Naciri a écrit pour dire: «Les gens s’y sont complus, et l'ont transmis d’une génération à l’autre, jusqu'à ce que beaucoup de personnes ordinaires ont cru que l’asservissement légale devait s’appliquer à tout noir de peau amené de cette contrée-là . Et cela, par Dieu, est l'un des pires péchés condamnés par la religion. Comme ces peuples sont musulmans, ils ont les mêmes droits que nous ».

Notons que notre historiographe, qui était l’homme de son temps et comme tous les juristeconsultes musulmans jusqu'à son époque, croyait lui aussi que l'esclavage avait une justification légale. Et c'est sûr qu’il y avait aussi un code de l’esclavage. Code qui, comme il convient, a disparu parce qu’avec l’abolition et la dispartion de l’esclavage, il n’avait plus nulle raison d’être. Sa seule justification fut celle de gérer une tradition ancestrale qui avait la peau si dure pour ne pas disparaitre de sitôt. Et ce code a disparu comme s’il n’a jamais existé parce que sans nulle justication légale dans l’islam. Sinon on l’aurait retrouvé au moins et à coup sûr dans le cursus des Etudes islamiques universitaires

L’esclavage dans le Coran et dans l’enseignement du prophète concerne juste son reliquat. Il concerne les seuls esclaves de fait à cette époque, car on ne devait plus en assejettir de nouveaux. Ces esclaves-là étaient à affranchir obligatoirement et gracieusement quand ils le demandent car ils savent s’assumer, ou bien contre un tribut convenu avec la maître et à lui verser étalonné sur des échéances. Sinon l’on devait les grader et les traiter comme des membres de la fimille jusqu’à ce qu’ils soient à même de s’assumer ou jusqu’à leur décès.

Et il ne devait plus y en avoir de nouveau, sachant qu’il n’y a nul délit dans l’islam passible de l’asservissement. Le prisonnier de guerre, coupable d’agression les armes à la main, est à libérer contre rançon, sinon grâcieusemet. Puisque tel est le cas pour le combattant, de quel droit asservir les innocents, femmes enfants et hommes civils ? Absolument aucun. Ainsi l’esclavage se serait éteint de lui-même avec le drenier esclave mort du reliquat de l’esclavage à cette époque. Mais hélas la regrattable coutume a pris le dessus.

Tout nouvel asservissement était donc illégal et injustifiable. Si l’ennemi asservissait les captifs, les torturait ou les mutilait l’on ne devait jamais faire de même. C’est le musulman qui se devait d’être le modèle à suivre et non pas l’inverse. Et puis comme on le verra dans la suite du témoignage d’An-Naciri l’esclavage qui a sevi le long de l’histoire des musulmans n’avait rien à voir avec les captifs de la guerre. On en achetait sur place et on en commandait d’un peu partout dans le monde comme on commandait n’importe quelle marchandise ou bête de somme. Les mâles qui devait servir dans les haremes devaient en outre être castrés à la source sinon à l’arrivée.

La suite du discours d’An-Nassiri au sujet de l’esclavage, est entièrement baséé sur cette tradition qui voulait que cette ignominie avait une justification légale. Il n'est donc pas nécessaire de s’y étendre ici, afin de ne pas nous écarter de l’objet de cet article. Sauf que cette regrettable tradition a laissé sévir des drames dignes de la barbarie antéislamique. Qu’en était-il donc jusqu’à la fin du XIXe siècle dans son témoignage.

Il dit dans son ouvrage Al-Istaqsa : «Il est de notoriété publique que de nos jours et depuis toujours, les gens du peuple du Soudan (Mali actuel) s’attaquent les uns les autres, pillent et kidnappent les enfants ». Puis il dit : « Ils agissent ainsi, tout comme les Bédouins du Maroc qui se pillent les uns les autres leurs récoltes et leur bétail ». Et il ajoute : «Et ce, au point que les bandits sans vergognes en arrivent à kidnapper les enfants des gens libres des tribus, des villages et des villes du Maroc et les vendent ouvertement sur les marchés, sans dénonciation ni ressentiment contre eux au nom de la religion. Et les chrétiens et les juifs ont commencé à acheter ces captifs et à les asservir au grand jour… Comment une personne pieuse peut-elle se permettre de conclure une affaire de ce genre ? Et comment ose-elle prendre en concubinage ces filles ainsi kidnappées, asservies et vendues, alors qu'il y a là un flagrant acte de fornication  ? ».

Dire que c’est du passé, je veux bien le croire. Sauf qu’on ne tarde pas à déchanter quand on lit ici et là des nouvelles sur le rapt des femmes et filles yazidis par exemple, au Nord de l’Iraq. Ceux qui les asservissent pour concubinage ou tout autre envie abominable et condamnable ne sont pas tombés du ciel avec la pluie. Ils viennent non seulement de notre monde musulman, mais aussi de l’Europe et se trouvent parmi eux des Européens de souche fraichement convertis.

Dans leur esprit «l’esclavage dit légal» est encore là et bien vivant. Si partout d’où ils viennent ils avaient tous, comme il se doit, reçu des cours d’histoire sur l’esclavage à travers les âges dans le monde entier, ils auraient rejeté d’eux-mêmes toute idée d’esclavage légal et en aurait, comme il se doit, innocenté l’islam et avec force. Et ils n’auraient pas du tout été tenté par nul intégrisme, ni fanatisme. Cependant tels sont encore hélas les faits, quid alors de la leçon ?

La panacé pour juguler ce fléau reside donc à mon avis, dans l’enseiggnement de l’histoire qui soit de nature à demystifier le passé. Non pas l’histoire des dynasties tronquée par ailleurs. Le cour sur la bataille d’Oued Al-Makhazine, par exmple, qui chatouille toujours le fierté du Marocain, n’insiste pas assez sur sa cause qui était en l’occurrence la lutte pour le pouvoir entre oncle régnant et son neveu déchu et allé chercher le soutien de Sebastien contre la promesse d’avantages territoriaux, après que ses ailleuls venaient de chasser le Portugais de bon nombre de ports marocains. Or ce fut plutôt cette endémique lutte pour le pouvoir qui a toujours empoisonné la vie à la fois des gouvernants et des gouvernés et empêché tout progrès, qui devait être l’objet d’un cour de l’histoire consistant à enseigner aux collèges et aux lycées.

Il doit s’agir de cours de l’histoire sur, entre autres, la justice, la fiscalité, la législation, le droit, la liberté revendiquée pendant ce qu’on appelle toujours le printemps arabe. Liberté que la jeunesse musulmane semblait tout à coup découvrir et que l’on a toujours confondu, par ignorance et méprise, avec libertinage, comme ce fut le cas dans l’ouvrage de notre historiograhe. Alors que le mot au sens politique du terme s’est trouvé réitéré des centaines de fois, dès le premier siècle de notre ère, dans l’ouvrage Histoire de Rome depuis sa fondation de l’historien romain Tite Live. Liberté dont l’histoire a débuté à Rome dès le VIIIe siècle av. JC, dès la fin du VIIIe siècle de notre ère à Venise, dès 1215 en Angleterre avec l’entrèe en vigueur de la Magna Carta et la création de la chambre des Lords puis celle des Commune au même siècle, et dès 1620 à Plymouth en Amérique du Nord avec l’émigration sur la navire Mayflower des réfugiers protestants d’Angleterre, dits pères pélerins.

En outre et entre autres toujours, des cours d’histoire sont à prodiguer aux collèges et aux lycées sur l’administration publique, sur les services publics, sur la santé et la médecine, sur les sciences et l’enseignement, sur l’agriculture, le commerce interieur et extérieur, sur l’industrie, sur les banques et les bourses, sur la marine de toutes sortes, sur les chemins de fer, et sur tout ce qui avait un rapport de près ou de loin avec la vie au quotidien des gens un peu partout dans le monde. Une culture encyclopédique, dans la mesure du possible, censée donner l’envie de l’enrichir, pourquoi pas ? Et chaque thème doit être traité d’une manière exhaustive, telle que l’histoire de la justice dans le monde musulman comparée avec celle de l’Occident et surtout avec la justice d’aujourd’hui.  

Un cursus à préparer et à élaborer par les académiciens de nos facultés et à adapter à chaque niveau de l’enseignement secondaire pour être enseigné surtout par les professeurs de l’éducation islamique, car tout le monde a besoin d’enrichir son savoir, afin que la démystifacation du passé soit totale et que le présent soit comparé avec le passé tel qu’il fut réllement, et à l’aune des nobles valeurs et finalités de l’islam. Tel est, à mon avis, le vaccin culturel efficace contre tout extrémisme et tout intégrisme. Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ?

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