ETRE OU NE PAS ETRE LIBERAL – Gabriel Banon

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En combinant minarchisme et subsidiarité, on pourrait instiller un peu de libéralisme en évitant d’être étiqueté libéral-au-cœur-sec qui n’aspire qu’à être un loup parmi des loups

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ATTENTION LE MONDE VIELLI – Par Gabriel Banon

Faut-il se garder d’être étiqueté libéral-au-cœur-sec ? Pour cela il faut peut-être devenir « minarchichiste, à savoir partisan de l’intervention étatique minimale.

Si on défend le libéralisme classique on est rapidement face à l’ignorance des interlocuteurs. Il faut alors expliquer les « droits naturels », remonter à l’humanisme et à l’école de Salamanque, souligner que le libéralisme n’est pas que le marché et la concurrence loyale, encore moins, le capitalisme de connivence.

Définir le libéralisme n’est pas chose aisée, beaucoup commencent par expliquer « ce qu’il n’est pas ».

Le concept mussolinien du « tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État » n’a jamais été autant pris en défaut que ces deux dernières années :

  • Réforme des retraites

  • Gestion de l’épidémie de Covid-19

  • Crise énergétique provoquée

  • Dogmatisme écologique

  • Lutte contre la hausse des prix, stigmate de l’inflation monétaire

  • Dysfonctionnements de plus en plus flagrants de l’Éducation nationale, de l’hôpital, des transports publics, de la justice…

 

Autant de sujets qui mènent certains esprits sensés, pourtant nourris aux mamelles roses et rouges du mammouth, à douter.

 

Si on se réclame du « minarchisme » comme solution possible à ces maux l’auditeur prête une oreille plus attentive que si on agite l’épouvantail du libéralisme. 

L’étymologie est simple : « min » = minimal et « archie » = gouvernement.

Pas de gros mot qui font peur comme « liberté » avec son effrayant corollaire de « responsabilité ».

Légère consonance avec « anarchie » qui évitera de se faire immédiatement ranger dans la case « fasciste » ou « capitaliste ».

 La définition généralement admise du minarchisme est la suivante : « Idéologie politique dérivée du libertarianisme qui préconise un État minimal dont la légitimité est enserrée par des limites strictes ».

Évidemment, on aura tout intérêt à éviter la diabolique mention du libertarianisme et à condenser cette définition en : « politique qui préconise un « État minimal », dont la légitimité est enserrée par des limites strictes ».

 On peut compléter tout en restant simple :    - L’État   étant caractérisé comme un monopole de la violence, ses prérogatives légitimes sont souvent identifiées aux seuls domaines où la violence est justifiée, les « fonctions régaliennes » de l’État : le maintien de l’ordre, la justice, la défense du territoire. 

 On devrait pouvoir argumenter sur le bien-fondé de faire reculer les prérogatives de l’État.

Certes, un libéral farouche objectera que la police, la justice et même l’armée pourraient être confrontées à la concurrence. Mais le libéral farouche est une espèce rarissime dans notre merveilleux paradis social et enfer fiscal du monde occidental. 

À ce stade, les objections classiques se présentent ainsi : « Que fait-on de l’éducation, de la politique industrielle, de la culture, de la santé, de l’énergie… Que fait-on du « lien social » ? ».

On peut alors avoir recours à la subsidiarité qui n’est pas le mot politique le plus usuel dans notre merveilleux monde centralisé. Mais la définition coule assez bien : « la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action. »

On peut également la remplacer par : « La décision d’une action publique doit revenir à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action. »

Ainsi, on sera vu d’un bon œil par les habitants des « territoires » excédés des décisions prises à la Capitale par des gens qui ne subiront jamais les nuisances de leurs erreurs.

  • On peut philosopher sur différents thèmes : Le salaire minimal  devrait-il s’adapter au pouvoir d’achat des régions ?

  • La scolarité : pourquoi pas un peu d’initiatives locales dans la pédagogie et les programmes ? Qui est le plus apte à juger de ce qui convient aux enfants ?

  • Le lien social et la solidarité consentie et non pas imposée ne seraient-ils pas bien plus forts si les gens concernés avaient leur mot à dire ?

  • Pourquoi la monnaie devrait-elle être administrée par un organisme supranational irresponsable des conséquences de sa création monétaire ? Etc.

Bref, en combinant minarchisme et subsidiarité, on pourrait instiller un peu de libéralisme en évitant d’être étiqueté libéral-au-cœur-sec qui n’aspire qu’à être un loup parmi des loups dévorant des agneaux.

L'Etat contre le marché, la régulation contre l'intervention, la main visible contre la main invisible, la controverse est aussi ancienne que l'économie elle-même. Depuis les années 1980, le rapport de force entre les deux camps s'était infléchi, insensiblement d'abord, puis de façon manifeste à la fin des années 1990, en faveur des libéraux. Ceux-ci, partis du monde anglo-saxon, avaient conquis la planète : la création de richesse était plus intense lorsque l'État se rétractait et laissait le champ libre à l'initiative privée. C'est du moins ce qu'on croyait jusqu'à l'année 2008, de Londres à Santiago du Chili.

Après quarante ans de libéralisme, nous vivons le retour des frontières et de la puissance publique dans l'économie.

Le terme « libéralisme » bénéficie d’une présomption favorable aux États-Unis. Cette différence d’appréciation sémantique n’est pourtant pas due à une différence de contenu ; les éléments constitutifs du libéralisme sont les mêmes de chaque côté de l’Atlantique (économie de marché, état de droit, « société des individus »…). 

Tocqueville a fourni la meilleure définition et la première expression de la thèse libérale nationale américaine : « Une société américaine formée par un arrangement inédit de la liberté individuelle et de l’égalité ». 

« L’égalité des conditions » décrite par Tocqueville est ainsi le signe de la grande rupture par rapport à l’Europe puisque les Américains sont « nés égaux au lieu de le devenir ». Ce penchant égalitaire a pu s’adosser à des conditions matérielles exceptionnelles.

On est ainsi passé, aux États-Unis, de la conception libérale des années 1950 à celle d’aujourd’hui, d’un pluralisme synonyme de « diversité » à un pluralisme synonyme de « différence ». Cette mutation sémantique a été, et demeure largement, l’occasion d’une bataille culturelle engagée par des groupes sociaux longtemps opprimés, oubliés ou marginalisés dans l’histoire américaine : les « minorités ».

Pour certains observateurs, on vit aujourd’hui la fin du libéralisme américain !

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