Qu’il pleuve, Que soufflent les tempêtes - Par Seddik MAANINOU

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La voilà aujourd’hui une agglomération grouillante de plus de 350 mille âmes ! Laâyoune se mesure désormais aux grandes cités d’Afrique. Bercée par les vents atlantiques, elle est d’une propreté qui n’a rien à envier à celle de Rabat, belle et verte capitale du Royaume depuis les récents travaux de restauration et de de rénovation

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Lorsque l’avion s’est immobilisé sur le tarmac de l’aéroport de Laâyoune, dans l’après-midi du vendredi 24 février dernier, je n’ai pu m’empêcher de remonter de 47 ans le temps, me remémorant une visite similaire dans cette ville.  A l’époque, cette aérogare en tôles était gardée par des militaires espagnols postés des deux côtés. Sur la piste d’atterrissage, j’étais comme les autres voyageurs, à la fois heureux et tendu. 

 

Qui aurait pensé alors que cette vieille bâtisse en zinc perdue dans un environnement désert et hostile, allait être supplantée par un grand aéroport moderne qui arbore fièrement son nom : Aéroport Hassan Ier.

Minuit passé

Au cours de mes 37 visites à Laâyoune, je n’ai cessé de suivre les transformations continues qui ont façonné cette ville. Une petite bourgade, aux habitations clairsemées, sans cesse bouffées par l’avancée des sables du désert. Quelques chameaux, des dromadaires et des caprins broutant nonchalamment ce qu’ils pouvaient le long de ses venelles sans vie. De petites échoppes proposaient des marchandises de contrebande en provenance des Iles Canaries. Les quelques milliers d’habitants que comptait la ville attendaient la délivrance salutaire au milieu d’un silence lourd et d’une misère patiente comme le sont les gens du désert.

La voilà aujourd’hui une agglomération grouillante de plus de 350 mille âmes ! Laâyoune se mesure désormais aux grandes cités d’Afrique. Bercée par les vents atlantiques, elle est d’une propreté qui n’a rien à envier à celle de Rabat, belle et verte capitale du Royaume depuis les récents travaux de restauration et de rénovation. Ses artères asphaltées et ses rocades bien ouvragées rivalisent avec celles d’Oujda et de Nador. Ses boutiques, nombreuses et achalandées, tutoient les magasins de Derb Omar à Casablanca. 

Mais Laâyoune se targue d’une particularité bien propre à elle : c’est une ville sûre. «Elle affiche le taux de criminalité le plus bas au niveau national», m’a expliqué un responsable. «Les gens [y] veillent jusqu’à des heures tardives de la nuit. Femmes et enfants écument les places publiques, se promènent et échangent, respirent l’air nocturne rafraichi par la proximité de l’océan. Les magasins ne ferment qu’à minuit passé. Laâyoune baigne dans la paix et la quiétude».

Mille médecins

Je ne reviendrai pas sur Laâyoune d’antan, puisque cette ville n’a cessé de m’impressionner à chacune de mes fréquentes visites. Cette virée-ci, c’est la découverte d’un vieux rêve qui vient de se concrétiser avec l’ouverture d’une faculté de médecine. L’année dernière, 100 étudiants tous originaires des régions du Sud ont été admis dans cet établissement, contre 150 au titre de l’année en cours. «Notre objectif est d’atteindre d’ici 2035 un millier de médecins diplômés», me confie un professeur.

Non loin de la faculté de médecine, se dresse la bâtisse imposante d’un CHU. Son architecture donne la réplique à ses pairs de Fès et de Marrakech. Le hasard a voulu que j’assiste à l’équipement de cette nouvelle structure, pour voir le ballet des camions acheminant portes, fenêtres et appareils médicaux…

Les dispensaires locaux et les hôpitaux provinciaux et régionaux de Laâyoune se sont ouverts sur la concurrence loyale d’un nombre important de cliniques privées, dont deux au moins égalent celles de Tanger et de Casablanca. Une d’entre elles vient d’abriter, pas plus tard que la semaine dernière, une opération cardiovasculaire. Une première pour le chef-lieu de Sakiat Alhamra.

Institut de journalisme

Je dois avouer avoir été surpris par le nombre des écoles privées. «Plus d’une soixantaine», selon les affirmations d’un connaisseur. On est loin, très loin du temps où Laâyoune ne disposait que d’une petite école primaire et d’un semblant de lycée tout aussi minuscule. La ville compte désormais six lycées, cinq collèges et des dizaines d’écoles.

J’évoque la question de l’enseignement à Laâyoune pour avoir été invité à donner une conférence à l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI). Situé dans un édifice de quatre étages, il est doté d’équipements dernier cri que lui envieraient d’autres instituts similaires. Fruit d’une initiative privée des enfants du Sud, il ambitionne de former des cadres spécialisés dans la communication. Les initiateurs du projet, sentant davantage l’importance de la presse, se sont engagés à former une nouvelle génération de cadres orientés à la fois vers la maîtrise des médias et la création des entreprises. 

A elle seule, Laâyoune totalise 30 entreprises médiatiques qui, avec leurs journalistes, leurs bureaux et leurs équipements, sont constamment présentes sur le terrain, à l’affût de l’information et toujours prêtes à servir de «rempart médiatique national» contre les manipulations des adversaires de l’intégrité territoriale du Royaume.

Etonnement et satisfaction

Le tout nouveau Centre de formation et des compétences de Laâyoune s’étend sur une belle bâtisse dédiée à l’apprentissage d’une dizaine de métiers modernes et d’artisanat. Le Centre est une fourmilière où tout le monde s’active à chercher les voies de l’avenir. Pour sa première session, il a cartonné avec l’accueil de 4000 étudiants, un succès qui satisfait autant qu’il surprend.

J’ai remarqué que dans le Sud, les réalisations vont plus vite et avec beaucoup plus de sérieux qu’ailleurs dans le pays. J’ai été touché par la grâce de Laâyoune, ville sereine et confiante, tout comme par la générosité de sa population patriotique et résistante. Que j’en ai oublié de parler de la raison de ma visite.

De rocs, les piliers de ma maison

J’y reviendrai pour raconter ce face-à-face inédit et en live entre journalistes espagnols et confrères marocains. L’entrevue s’est déroulée dans la même salle où je me suis retrouvé à plusieurs occasions dans l’exercice de mes fonctions de journaliste. Là d’où feu Hassan II a prononcé un discours historique en mars 1985.  Le Souverain avait clos ce discours, adressé par temps difficiles des tréfonds du Sahara, par une citation du poète libanais Mikhaïl Naimy (1889/1988) où il dit, sur le ton du défi : 

«La toiture de ma maison est en fer

Sa fondation est en pierre

Qu’il pleuve 

Que frappent les tempêtes 

Je ne crains aucun danger».

 

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