Les autres fédérations devraient-elles s’inspirer du ''business plan'' de la Fédération Royale Marocaine de Football ? – Par Bilal Talidi 

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Soufiane El Bakkali au. JO de Paris 2024 - Certaines critiques semblent justifiées lorsqu'elles parlent de la nécessité de changer les responsables à la tête de ces structures, non pas parce qu'ils manquent nécessairement de compétences, mais parce que certains remplissent déjà d'autres missions qui les accaparent.

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Un grand débat fait rage autour des résultats du Maroc aux Jeux Olympiques de Paris, un débat où la critique objective se mélange à divers calculs, certains cherchant peut-être à récolter quelques fruits nihilistes qui n'ont pas pu être cueillis dans le champ politique.

Certes, en termes de chiffres, rien n'incite à l'optimisme : une médaille d'or pour le champion marocain Soufiane El Bakkali en athlétisme, et une médaille de bronze pour l'équipe nationale marocaine de football, ce qui ne signifie pas grand-chose. L'équipe nationale marocaine était candidate à l'or, si ce n'était quelques de petits détails, et personne ne s'attendait à ce qu'El Bakkali perde de son élan, y compris ses adversaires. Mais en dehors de ces deux chiffres, il n’y a pas de grand de mystère autour des résultats des autres athlètes marocains dans diverses disciplines sportives qui ont été décevants.

En réalité, ce type de déception touche plusieurs pays, mais chaque pays choisit sa propre manière de faire face à la crise. Les expériences qui ont choisi de répondre objectivement à la question de savoir où réside le problème, et qui ont eu la volonté politique d'apporter les changements nécessaires, n'ont pas stagné et n'ont plus jamais permis à la déception de dominer leurs passionnés de sport et de l'emblème national.

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Le modèle idéal de Weber 

Commençons par le début, et identifions objectivement où se situe le problème.

Le modèle "idéal" proposé par Max Weber offre l'approche la plus proche de l'évaluation objective. Nous entendons par là étudier un modèle réussi, qui a atteint un certain niveau stabilité et de maturité en termes de résultats, en analysant les éléments de son succès en vue de les comparer au modèle défectueux afin d’identifier ses lacunes. Dans ce processus le mieux est de toujours choisir des modèles qui ne s'éloignent pas trop de nous en termes d’environnement et de ressources matérielles.

La structure de ce modèle "professionnel" devrait reposer sur une administration dotée de compétences en gestion, une équipe technique professionnelle et cohérente, une mentalité professionnelle qui mise sur le sérieux et la compétence dans la sélection, la formation et la désignation des champions pour représenter le pays dans les compétitions internationales. Elle doit également disposer de ressources matérielles conséquentes allouées au développement des sports, et s’orienter sur la base d’un plan à long terme pour développer et identifier les talents sportifs dans les institutions éducatives, les quartiers populaires, sans omettre le terreau de talents que sont les Marocains du Monde.

Essayer de s’inspirer de modèle à grandes réalisations sportives, qui correspondent à un degré de développement précis, serait une pure perte de temps. Mais en cherchant dans notre environnement immédiat, il faut aller vers des modèles qui ont accumulé - et accumulent toujours - des succès significatifs dans les compétitions internationales. Le plus pertinent donc est d’essayer de dupliquer un modèle qui a été construit sur notre propre terrain et qui commence à produire des résultats probants, même si le public aspire à plus. Je fais référence ici au modèle de la Fédération Royale Marocaine de Football.

Dans ce modèle, presque tous les éléments du "modèle idéal" sont présents : une structure administrative, une équipe technique, un esprit, un plan et des ressources matérielles, et même des résultats, en dépit de quelques contreperformances, qui ont procuré au public du plaisir et de la fierté.

Le modèle que nous avons sous les yeux a fait ses preuves, même s’il reste à perfectionner, il est en sus quelque chose que nous avons créé et qui se trouve à notre portée.

Un débat oiseux

La presse a ouvert un débat public avec différents acteurs sportifs, y compris les responsables des fédérations royales de plusieurs sports. On y trouve à boire et à manger. Le diagnostic fourni par ces derniers était varié et multiple, mais en fin de compte, il n'a pas échappé aux éléments du modèle idéal. La grande majorité a exprimé son mécontentement envers les responsables des fédérations royales, cherchant à politiser la critique, en passant de la critique des responsables à la discussion sur une politique structurelle qui consacrerait l'échec.

A contrario, l'évaluation de certains responsables était totalement différente, certains considérant que la simple qualification aux Jeux Olympiques était un indicateur important de progrès par rapport aux résultats précédents, tandis que les athlètes, en particulier les anciens professionnels, ont insisté sur la nécessité de changer de mentalité, sans vraiment expliquer ce qu'ils entendaient par là. Parlaient-ils de la mentalité des athlètes, du staff technique ou des responsables ou de tous en même temps ? Certains ont même douté de la relation entre les résultats obtenus par certains athlètes et le rôle des fédérations royales les supervisant, attribuant ces résultats à des efforts individuels, et non le produit d’une politique.

Il n'est pas important pour nous de rentrer dans les détails de cette évaluation, car son assemblage mène en fin de compte aux éléments du modèle idéal précité, et conduit à la nécessité de transformer les fédérations royales des différents sports qui ont obtenu des résultats décevants en des fédérations similaires dans leur structure administrative, leur staff technique, leur mentalité, et leur plan à long terme, à celle de la Fédération Royale Marocaine de Football.

En réalité, certaines critiques semblent justifiées lorsqu'elles parlent de la nécessité de changer les responsables à la tête de ces structures, non pas parce qu'ils manquent nécessairement de compétences, mais parce que certains remplissent d'autres missions qui les accaparent. Ils ne peuvent donner, même s'ils le souhaitent, que le peu de temps qui leur reste, et l'expérience a montré qu’être un modèle répliqué de Fouzi Lekjaa dans sa dynamique et sa capacité à cumuler plusieurs fonctions n’est pas forcément à la portée de tous.

Ce que l’on espère ne plus entendre

Toutes les discussions engagées depuis le tomber de rideau sur les JO, indépendamment de leur pertinence ou non, nous poussent à faire de la Fédération Royale Marocaine de Football un modèle qui fournit le minimum requis pour inspirer les autres fédérations. La Fédération Royale Marocaine de Football elle-même a encore besoin de se développer et de mûrir pleinement pour répondre aux grandes attentes (au moins une victoire en Coupe d'Afrique). Il est donc essentiel que l'autorité sportive prenne, dans le cadre de démarches étudiées, progressives et sereines, des décisions audacieuses, en commençant par la réforme des dysfonctionnements de la structure administrative, puis par la nomination d'équipes techniques professionnelles et jeunes. Lors de la nomination du cadre administratif et technique, il est crucial de veiller à ce que l'objectif soit de contribuer à un changement immédiat de mentalité, et d'élaborer des plans à long terme pour le développement des sports. La structure doit être entièrement transformée, passant de simples structures bureaucratiques vivant sur les fonds de l'État à des sports professionnels, soutenus par des entreprises, qui font du sport une profession exercée par des champions, leur assurant des revenus et l'avenir de leurs enfants.

Il est extrêmement honteux qu'un champion marocain de boxe, de lutte ou d'autres disciplines manque de quoi subsister quotidiennement, alors que le pays attend de lui qu'il brandisse le drapeau et remporte des médailles. Il est également extrêmement honteux qu'une championne marocaine écrive sur les réseaux sociaux pour s'excuser auprès des Marocains de ne pas avoir remporté la victoire, et dise : "Je voulais offrir une médaille à mon pays, mais on ne peut pas être blâmé pour ce qui est au-delà de ses capacités. Je ne veux pas justifier, mais Dieu seul sait ce qui m'est arrivé avant le marathon : blessures, maladie et d'autres choses difficiles dans la dernière semaine de préparation."

De telles histoires dramatiques existaient également dans le football, mais aujourd'hui, elles ont été éliminées, et nous n'en entendons plus parler. Cependant, dans d'autres sports, elles restent la complainte la plus entendue.