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Un artiste s’en est allé – Par Naïm Kamal
Jamal Berraoui (1955 – 2024)
Par Naïm Kamal
Jamal Berraoui. Un ami ? Bien plus, un compagnon. J’allais dire un camarade au sens que les communistes aux temps de gloire du communisme encore militant, donnaient à ce qualificatif. Que de combats communs, de déceptions partagées, de divergences. Mais aussi de joie et d’euphorie dans des batailles gagnées. Et bien d’autres perdues. Sans jamais baisser le clavier. Mais lui, toute sa vie, il est resté fidèle à la feuille et au stylo.
Sur son lit de patient, impatient d’en découdre avec la vie, il nous avait dit, à notre ami commun Soual et à moi, « on ne peut pas dire qu’on n’a rien fait pour ». Il était ainsi Jamal, entier. Il mordait dans la vie avec humour et il affrontait son issue fatale avec la même ironie.
Si j’avais été conformiste, j’aurais écrit : Jamal Berraoui nous a quittés, laissant derrière lui un vide immense, un espace que personne ne saurait combler.
Trop convenu, trop banal pour lui, lui qui était souvent là où on l’attendait : sur le front, sur le pont, dans les duels comme dans les batailles rangées. Il avait sa vision du monde, jamais trop loin de l’extrême, mais rarement jusqu’à la rupture. Il savait, quand il le fallait, raison garder…
Jamal n’était pas un homme ordinaire. Chaque moment, chaque échange, chaque mot était une quête de beauté, de vérité, de plaisir. La vie ? Une aventure qui ne valait que par les audaces qu’elle exigeait et les jouissances qu’elle pouvait procurer, au risque d’en mourir à petit feu, ou dans le fracas d’un affrontement, cherchant toujours à comprendre, à analyser, à déceler le sens profond des choses. Il avait le don pour ça.
JB, ses initiales qui lui valaient parfois d’amicaux quolibets, était épicurien, flirtant avec l’hédonisme, savourant chaque plaisir que la vie pouvait offrir, mais toujours avec cette élégance nonchalante qui le caractérisait. Sans perdre sa capacité de prendre du recul, d’apprécier la vie dans toute sa complexité, de savourer un bon livre, une conversation enrichissante, ou simplement les silences contemplatifs d’entre les discussions.
Si je devais oser une image, je dirais que Jamal était un ambidextre de l’esprit. Il pouvait écrire avec la même agilité de la main gauche comme de la main droite, jonglant avec les idées, les concepts, les mots, avec une aisance déconcertante. Un journaliste complet, capable de traiter de la politique, de l’économie, du sport, bref, de la société dans son quotidien avec une compétence égale.
Mais Jamal n’était pas seulement un intellectuel ou un journaliste. Il était aussi un patriote, un homme pour qui l’amour du pays n’était pas un simple mot. Son patriotisme était de ceux qui s’affichent quand c’était nécessaire, mais essentiellement de ceux qui se vivent intensément, discrètement, avec une conviction inébranlable, même lorsqu’il était désabusé.
De ses mots, il a peint la vie et à sa mort on peut dire un artiste s’en est allé.