2022 : ET MAINTENANT ? - Par Mustapha SEHIMI

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Assurément, la tâche du gouvernement est difficile. Le précédent cabinet, durant deux ans, s’est trouvé confronté aux mêmes contraintes. Sauf qu’aujourd’hui, le stock s’est alourdi avec cette troisième année avec des effets probables en 2024. Fait-il pour le mieux ? Le débat reste ouvert du côté de l’opposition et dans certains cercles.

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La croissance de 7% en 2021 ne doit pas évacuer une prévision plus modeste de 3% en 2022. Une dynamique de relance économique a bien été engagée lors de l’année écoulée. Mais qu’en sera-t-il en 2022 ?

La pandémie est là - elle va sans doute durer avec tel nouveau variant, Omicron aujourd’hui et un autre à terme… Des indicateurs sont au vert (recettes IDE, transferts MRE, bond des créations d’entreprises, hausse de l’investissement budgétaire, une inflation modérée,…). Mais d’autres sont au rouge : tourisme, hôtellerie, transport aérien, chômage accentué surtout chez les jeunes diplômés, …).

La crise ? Une opportunité !

La problématique qui se pose est globalement celle-ci : comment profiter de la crise sanitaire et de son impact social et économique pour en faire une opportunité ? Un consensus existe à cet égard : la nécessité d’un ambitieux programme de réformes structurelles – transformer le Maroc économique et social. C’est la vision et la volonté du Souverain, constamment réitérées depuis des années ; elle participe du Nouveau Modèle de Développement (NMD) qu’il a annoncé, voici plus de quatre ans, en octobre 2017, devant le parlement. Des piliers sont prévus et progressivement mis sur pied : Fonds Mohammed VI pour l’Investissement avec un budget de 15 milliards de DH – mais la tenue de la première réunion de son conseil d’administration tarde encore ; une profonde réforme de la protection sociale qui a commencé ce 1er janvier et qui doit trouver durablement son financement ; enfin, le programme de restructuration du secteur public et semi-public dans le cadre de son recentrage et de l’exigence de l’efficience.

L’annonce d’un « Etat social » faite par le nouveau Chef de gouvernement devant le parlement, en octobre dernier, ne saurait faire l’économie de fortes mesures. Lesquelles ? Celles visant la réduction des inégalités sociales et territoriales. Cela implique plusieurs secteurs : égalité genre, promotion de l’entrepreneuriat féminin et en faveur des jeunes, réallocation de ressources vers des projets créateurs d’emploi, innovants aussi, pouvant cristalliser les énergies et les potentialités encore peu valorisées. Question de mise en œuvre d’un programme connu : c’est la condition pour s’insérer dans une trajectoire de croissance – un cercle vertueux – qui soit en même temps plus forte. Et plus équitable.

Responsabilité et prudence

Assurément, la tâche du gouvernement est difficile. Le précédent cabinet, durant deux ans, s’est trouvé confronté aux mêmes contraintes. Sauf qu’aujourd’hui, le stock s’est alourdi avec cette troisième année avec des effets probables en 2024. Fait-il pour le mieux ? Le débat reste ouvert du côté de l’opposition et dans certains cercles. A sa décharge, avec responsabilité et prudence, la santé a été priorisée sans minorer la relance économique. Mais les incertitudes demeurent, et suivant les secteurs nul doute qu’il y aura bien des différences dans les rythmes et l’ampleur de la croissance. En tout cas, dès le début de cette année, une forte action doit être menée pour promouvoir l’offre. Celle-ci a été réduite au niveau de la production par suite des deux années de quasi-confinement et de certains problèmes d’approvisionnement – on le voit avec la chute de la production automobile à Tanger ou encore avec le renchérissement des coûts de transport et de logistique. Les créances douteuses et les impayés bancaires frôlent les 89-90% ; des TPME sont pratiquement en faillite ne pouvant pas se maintenir.

Le gouvernement a bien mesuré cette situation en décidant le règlement de 13 milliards d’arriérés de TVA sur un total dû de quelque 16 milliards. Ce qui pose, par ailleurs et indépendamment de cette conjoncture particulière, le problème des fonds propres des entreprises et de leur sous-capitalisation. Une crise bien contraignante donc qui doit pousser à mettre en œuvre le problème de la compétitivité de l’appareil de production et partant l’amélioration des exportations. La soutenabilité de la dette - intérieure et extérieure - doit être appréhendée avec de nouveaux termes de référence. L’endettement est général dans le monde mais c’est ce qui pose problème c’est quel fléchage ? En faveur des investissements productifs, et de la valorisation du capital humain aussi, oui ! Autrement, pour boucler les comptes, la réponse négative s’impose à l’évidence.

Une planification cadrée

Le budget général 2022 dégage un déficit de ressources de 58 milliards de DH ; le déficit du trésor est de l’ordre de 7%. Avons-nous encore de la marge en matière d’endettement ?  Du côté des responsables financiers, cette approche paraît prévaloir, surtout que le Maroc est bien noté par les marchés et qu’il bénéficie d’une crédibilité pour toutes sortes de raisons (stabilité, réformes, cohésion sociale,…). Pour autant, l’on ne saurait ignorer les potentialités d’une épargne nationale. Celle-ci, si on la limite au seul « cash », a vu ainsi la circulation fiduciaire atteindre 310 milliards de DH en 2020, en croissance de près de 20%. Pour 2022, l’estimation provisoire atteste également de cette tendance haussière avec plus de 330 milliards de DH.

Par ailleurs, l’accentuation de la politique de préférence nationale doit être consolidée : les entreprises locales doivent être davantage soutenues et même privilégiées dans les marchés publics ; la mise à plat des 54 accords de libre-échange avec une centaine de pays doit faire l’objet d’une réévaluation. Enfin, pour ce qui est des liens et des synergies entre les secteurs et les branches, il faudra bien revisiter les politiques économiques actuelles dans le sens d’une nouvelle planification – pas de type soviétique, évidemment ! – mais dans la mise en perspective des stratégies industrielles à moyen et long terme. En somme, un développement avec une certaine planification cadrée prenant en compte les axes stratégiques et les leviers de changement. Le NMD, soit dit en passant, ne dit pas autre chose… Alors ?