El Othmani et son bilan : Les angles morts...

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Le Roi Mohammed VI avec à ses coté, lors d’une audience royale, le chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani : Chacun à sa place, chacun dans son périmètre

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Voici quelques jours à peine, le Chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, a fait publier un rapport sur le bilan de son cabinet (2017-2021). Une mandature donc, lui donnant l'occasion de mettre en relief les grandes "avancées" qu'il estime devoir porter à son actif. Il insiste en particulier sur la série de mesures prises pour préserver le pouvoir d'achat et réduire les inégalités. 

Précisément, puisque ce responsable de la formation islamiste entend se mettre en avant sur la question sociale, il y a matière à formuler un certain nombre d'interrogations de principe. Tout paraît se passer, en ces temps préélectoraux, comme si ce parti entendait mais de manière sélective préempter à titre principal sinon exclusif les multiples aspects du social. Dans ce document, aucune référence n'est faite pratiquement à d'autres secteurs comme l'habitat, la santé, l'éducation nationale (hormis quelques chiffres sur les bourses), la formation professionnelle ou encore la santé. Faut-il s’en étonner ? C'est que ces départements relèvent d'autres partis formant la majorité ; d'où leur mise en équation voire leur minoration. 

La « révolution sociale » du Roi

Or, sur cette question sociale, si de fait bien des mesures ponctuelles ont été prises, elles se sont étirées sur des années avec des ajustements mais aussi par suite de la mobilisation des centrales syndicales. Elles ne procédaient pas de la volonté du Chef du gouvernement mais elles ont dû traduire les résultats d'un dialogue social qui a été laborieux, même heurté ... et aujourd'hui quasiment en panne. Autre paramètre encore plus important : il n'y avait là aucune politique globale, aucune vision. Et c'est le Souverain qui, en 2020, surtout dans son discours devant le Parlement, le 9 octobre dernier, qui a lancé une grande réforme - une "révolution sociale"-   avec un nouveau système de protection sociale décliné jusqu'à l'horizon 2025 : élargissement de l'AMO à de nouvelles catégories, généralisation des allocations familiales en 2023 et 2024 puis des régimes de retraite, indemnité pour perte d'emploi. 

Instrumentaliser le social

Sur ces bases-là, le PJD peut-il tenter d'instrumentaliser le social lors de la campagne électorale des mois à venir ? D'une autre manière, Saâd Dine El Otmani et les siens - au gouvernement, eux, depuis janvier 2012 - n'ont pas été à la hauteur de l'élaboration et de la mise en œuvre d'un modèle social. C'est d'ailleurs avec un constat de même facture que le Roi a demandé le réexamen des politiques publiques et une réflexion nationale sur un nouveau modèle de développement. Difficile d'y voir un satisfecit devant le Parlement en octobre 2017 …

De l'inachevé donc ! A preuve encore, dans le champ social toujours, la réforme du code du travail et en particulier celle du droit de grève. L’on en a souvent parlé dans ce même site : le projet de loi organique est quelque part, en déshérence, dans une commission parlementaire. Pourtant, ce texte est un facteur d'amélioration du climat d'affaires et de l'attractivité des investissements locaux et des IDE. Même évaluation encore pour ce qui est du code pénal. Sa refonte a débuté en juin 2016, avec Mustapha Ramid, alors ministre de la Justice. Son successeur, le socialiste Mohamed Benabdelkader nommé le 9 octobre 2019, n'a pas repris ce projet ; il a voulu aller plus loin, certaines dispositions devant prendre davantage en compte les "libertés individuelles" en conformité avec la Constitution. Ministre des droits de l'homme aujourd'hui, le même Mustapha Ramid vient de demander publiquement l'accélération du projet de réforme du code pénal, oubliant que le Chef du gouvernement et ses 124 députés de la Chambre des représentants freinent encore des quatre fers à ce sujet. 

De l’inachevé

De l'inachevé aussi pour ce qui est de la lutte contre la corruption. L'on se souvient qu'en 2011, le PJD en avait fait le marqueur de son programme, se drapant dans un manteau de vertu contre tous les autres. Las, en 2021, rien de bien notable en la matière. D'abord, le PJD n'y fait plus référence ; ensuite l'Instance dédiée a vu ses textes modifiés dernièrement et n'a pas pu jusqu'à présent fonctionner dans des conditions normales alors qu'elle avait été instituée par la Constitution (art.36 et 167). La corruption s'est même aggravée ces dernières années, selon les indices de Transparency International. Le Maroc a ainsi perdu 6 places (il est 86ème avec une perte d'un point dans le scoring, soit 40 sur 100). 

Si Saâd Dine El Otmani veut être conséquent, il devrait sans doute présenter au Parlement et à l'opinion publique son bilan, secteur par secteur ; il ouvrirait ainsi un débat national fécond de nature à intéresser les citoyens ; il aurait également l'occasion d'identifier, en termes clairs, ce qui est à porter au crédit de son cabinet, à son parti et aux autres composantes. Un acte qui pousserait à rétablir la confiance des citoyens en les institutions, à conforter leur crédibilité et à remotiver davantage dans les la perspective des prochaines élections de septembre 2021. 

Voilà pourquoi, semble-t-il, un bilan avec des "angles morts" est finalement contreproductif. Il occulte, vainement, certains aspects de l'état des lieux. Un paravent transparent...