Politique
Elections 2021 : le PJD pris en étau par les partis
Les leaders du PJD, de D à G : Abdalilah Benkirane, Saad Dine El Otmani ; Mustapha Ramid et Abdelaziz Rebbah. « L’erreur «stratégique» des organisations partisanes face au PJD a été «la polarisation de la confrontation», réduisant la concurrence politique et électorale à un duel limité à deux partis »
Les contextes d’observation et d’analyse devraient présenter des lectures momentanés, mais dynamiques, d’une situation politique donnée pour déboucher sur l’offre de solutions réalistes de nature à constituer un référenciel pour les politiciens et un projet de stratégie constamment flexible et adaptable en fonction des environnements stratégique souvent marqué par la confusion, l’ambiguïté et la complexité.
Dans ce contexte, les partis politiques figurent parmi les moyens et leviers les plus importants, dans leur acception startégique, qui aident le pouvoir à orienter et à contrôler le processus politique conformément aux objectifs suprêmes de l’Etat, loin des slogans consommés et trompeurs qui tentent de présenter les partis comme des entités réfractaires au contrôle politique.
Ce postulat renvoie à «la logique de l’Etat» qui dicte au décideur l’orientation intelligente de l’opération politique de en harmonie avec la stratégie supérieure de l’Etat, non pas en vue d’opérer une rupture avec l’esprit de l’opération démocratique, mais plutôt en vue de la prémunir contre toute velléité d’instrumentalisation dans la perspective d’adopter un modèle théocratique allant à l’encontre des fondamentaux qui régissent le contrat social entre les composantes de l’Etat (pouvoir/peuple).
Devant cette situation, les partis politiques marocains ont tenté, non pas d’anéantir une des composantes politiques/religieuses, mais de la cantonner en vue de la ramener au moule politique communément admis. En l’occurrence le rôle que devraient jouer les partis politiques et la marge de manœuvre et de liberté dont ils disposent, sans faire entorse aux règles du jeu que contrôlent l’Etat afin de parer à tout débordement susceptible de mettre en péril l’option démocratique, érigée en constante majeure du Royaume aux côtés de l’Islam, de la monarchie et de l’intégrité territoriale.
Si les partis avaient déjà par le passé «relativement» échoué à réaliser cet objectif fondamental, l’on est tenté d’attribuer cet échec essentiellement aux considérations politiques et structurelles suivantes :
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Faiblesse de la capacité d’encadrement et d’orientation de l’Etat et, partant, son incapacité de prévoir infailliblement la carte politique actuelle et future.
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Méconnaissance de la structure comportementale des organisations de l’islam politique, de ses modes opératoire et de son déploiement.
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Entrée en ligne de puissances et de pays en matière de soutien financier et médiatique à des organisations qui représentent un prolongement au Maroc des mouvances de l’islam politique.
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Absence d’organisations politiques fortes en mesure de se présenter comme une alternative réelle au PJD, à la faveur d’une assise populaire pouvant refléter leur futur poids politique.
A ces considérations s’ajoute la plus grande erreur «stratégique» des organisations partisanes qui consiste en «la polarisation de la confrontation», réduisant la concurrence politique et électorale à un duel exclusif entre deux organisations partisanes, excluant ainsi de facto le reste des partis qui auraient pu jouer «un certain rôle» dans la stratégie électorale.
Cet état de fait a facilité la tâche du PJD lors des précédentes élections dans son bras de fer avec une seule organisation politique qu’il a accusée d’ «tahakoum » (hégémonisme autoritariste) et de bénéficier d’un soutien inconditionnel de l’Etat. En contrepartie, le PJD a brandi le discours de la «victimisation» en se présentant comme une partie «indépendante» de l’Etat, ce qui a contribué et favorisé l’embrigadement populaire et la mobilisation politique.
En présence de cette situation inquiétante, les partis politiques s’emploient actuellement à adopter une nouvelle méthode dans la confrontation électorale en vue d’atteindre l’objectif politique défini plus haut, en opérant sur deux niveaux, l’un stratégique et l’autre tactique.
Dispositif stratégique en filet
Par cette stratégie, certains partis ont essayé d’éviter la bipolarisation de la confrontation du PJD à travers la fragmentation de ses efforts entre deux partis donnés favoris pour conduire le prochain gouvernement (PI/RNI), en plus du renforcement d’un ensemble de partis pour leur permettre d’épuiser le PJD dans le reste des fiefs électoraux sensibles et décisifs (PAM, MP, USFP,...)
Cette stratégie, théorisée par le Suisse Antoine Henri de Jomini, a mis le PJD en opposition avec un faisceau de partis auxquels il serait incapable de faire face en même temps, surtout que le parti a vu son capital politique grandement érodé après dix maigres années au pouvoir.
Le dispositif tactique concentré
Le niveau tactique se réfère ici à la gestion des confrontations directes avec l’adversaire en fonction de la nature du théâtre politique des opérations. Ici, l’on s’aperçoit que le dispositif tactique concentré, une marque déposée de Napoléon Bonaparte, consiste à mobiliser l’effort sur le point fort de l’adversaire (centre de gravité) et à le prendre d’assaut pour y ouvrir la brèche stratégique qui mènerait soit à sa chute soit à son retrait.
Certains partis politiques auraient probablement recouru à cette tactique, démantelée par Clausewitz, en ayant perçu dans certains grands centres urbains le centre de gravité du PJD. Ils ont ainsi opté (ou on leur aurait soufflé de le faire) pour le dispositif tactique concentré, en actionnant le mécanisme du quotient électoral sur la base du nombre d’inscrits et non pas du nombre des votants, ce qui implique arithmétiquement pour le PJD la perte d’importants et décisifs sièges, et l’amorce de son retour à la case des partis moyens et ordinaires.
Loin du traitement critique de la gestion de l’opération électorale, l’adoption par les partis politiques pour la première fois de ces approches stratégiques et tactiques devrait, à notre sens, accélérer la fin des ambitions du PJD à continuer à diriger le gouvernement marocain et l’obliger, ce faisant, à revenir au mécanisme de l’alternance démocratique qui constitue une norme constitutionnelle dans la praxis politique dans notre pays.