chroniques
Figures de proue de la littérature marocaine : II - Edmond Amran El Maleh
Mustapha Saha, sociologue, peintre et photographe compte organiser au Salon du livre de Paris 2017 un hommage historique aux monstres sacrés de la littérature marocaine. Il s’agit d’une exposition sur laquelle il travaille depuis un an et il a adressé dans ce sens au ministre de la culture marocain, Mohamed Amine Sbihi une correspondance pour l’informer de la teneur et de l’intérêt de ce projet. L’exposition comportera des PEINTURES SUR TOILE, de même que des FIGURES DE PROUE DE LA LITTERATURE MAROCAINE PAR MUSTAPHA SAHA. Le Quid en publie une partie, ce deuxième texte est consacré à Driss Edmon Anran El Maleh
Edmond Amran El Maleh était l’incarnation vivante du diversalisme culturel, ethnique, spirituel de la société marocaine. Il était lui-même une personnalité plurale, intellectuel communiste engagé et philosophe tendrement enragé, réfléchissant, écrivant sur la condition humaine au milieu du vacarme évènementiel sans en être éclaboussé, Marocain juif revendiquant sa palestinité, Arabe francophile fier de sa berbérité, rivière intranquille glanant mille ruisseaux. Il retissait inlassablement les liens de cette intellectualité ancestrale, imprégnée de sensualité transcendantale, de jovialité spirituelle, qui hante imperturbablement les architectures sacrées et les tombeaux saints, les jardins parfumés et les mausolées profanes. Il confectionnait des repas raffinés pour les amis formant tribu avec le même soin que ses métaphores ciselées comme des tapis berbères. L’arrachement des Juifs marocains de leur terre ancestrale pour l’hypothétique Jérusalem terrestre, absurdité de l’histoire, taraudait sa pensée libre et ses nuits blanches. Son œuvre littéraire charrie, dans un torrent narratif irrésistible, les pierres précieuses d’une culture millénaire sans frontières où les affluents africains épousent les fleuves andalous, où les adjuvants e l’Occident se mêlent avec bonheur aux eaux de l’Orient. L’écriture même d’Edmond Amran El Maleh embaume à chaque tournure la menthe et le jasmin, la jacinthe et la lavande, l’ambre et le santal. Son œuvre est consacrée en grande partie à Essaouira où il choisit sa dernière demeure, où l’art en effervescence mêle allégrement les motifs granuleux du désert aux bleus soyeux de la mer, L’esthète et l‘épicurien qui sut lire la peinture d’Ahmed Cherkaoui dans ses subtilités premières, retrouvait dans ce port d’attache la permanence mouvante de sa propre vie. Dans son récit épistolaire « Lettre à moi-même », il évoque, à la fin de sa vie, avec une mélancolie emprunte d’ironie jubilatoire, des lieux vénérables comme la Sorbonne et le Collège de France, fréquentés avec ferveur et déférente humilité, il joue avec son propre double installé dans une distanciation existentielle où le rétroviseur déroule le chemin parcouru à rebours.