chroniques
L’accoutumance complice : Silence, on tue !
Frappe israélienne sur un immeuble de Gaza, le 13 mai 2021
Dénoncer, condamner les atrocités qui se passent actuellement en Palestine ne semble plus soulever la moindre émotion et beaucoup des «nôtres» n’arrivent même plus à éprouver le moindre début de compassion. Depuis des décennies que ce triste scénario se répète, le monde s’installe dans une accoutumance coupable que seuls des irrédentistes de mon genre n’arrivent pas à s’en accommoder.
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Vais-je encore pour la énième fois crier ma colère face au silence strident de cet Occident qui a décidé de mettre fin à l’indignation dès lors que ceux qui tombent sont Arabes ou Musulmans ? Pour la énième fois je vais encore vomir ceux des «nôtres» qui, en supplétifs affidés des médias occidentaux, nous invitent à regarder ailleurs. Et ce n’est pas pour nous épargner l’affligeant spectacle des massacres perpétrés régulièrement par Tsahal...
Pour la énième fois, nos Occidentaux en «devenir», qui infestent les réseaux sociaux chez nous, vont monter au créneau pour m’abreuver de leurs gentillesses coutumières en me faisant passer pour un incorrigible antisémite et un horrible complotiste. Pourtant ils savent que j’ai répété à souhait dans tous mes écrits antérieurs que je n’ai jamais, au grand jamais, pris la défense des Palestiniens pour des raisons de proximité religieuse, culturelle ou ethnique, mais uniquement pour une question de justice. Est-ce trop demander à ceux qui ont bradé leur identité, réputée obscurantiste selon eux, contre une illusoire intégration, est-ce difficile d’admettre que la Palestine est victime d’une terrible injustice ?
Jeter un voile pudique sur l’effroyable injustice faite aux Palestiniens est une tentative vaine de s’acheter une bonne conscience. Faire diversion sur la féroce répression actuelle en Palestine, en lançant par exemple et opportunément des débats vaseux sur le nombre de Juifs dans le monde, est d’une obscénité sans nom.
Le 10 décembre dernier, nombreux sont nos compatriotes qui sincèrement ont réagi positivement au rétablissement des relations avec Israël. Certains y voyaient un mal pour un bien, tant leur patriotisme est sincère. Qu’en pensent-ils aujourd’hui ?
L’amertume est grande pour les Marocains qui pensent avoir beaucoup donné, sans rien recevoir en retour. Il nous en coûte de voir que la normalisation avec Israël n’a rien apporté de tangible à la cause nationale. La reconnaissance de la marocanité du Sahara par Trump patine, et ne semble pas recueillir une adhésion aussi franche de la part de Biden. Preuve en est que le Maroc est aujourd’hui sous la pression conjuguée de l’Allemagne et de l’Espagne qui entendent nous faire payer cette reconnaissance, sans pour autant que la nouvelle Administration américaine y trouve à redire.
Elle ne lèvera pas le petit doigt pour nous conforter. Face à une si grande désillusion on est tenté, par un évident cynisme de remercier Israël de nous réveiller périodiquement, car chacune de ses exactions rappellent l’absence d’humanité du sionisme conquérant, et partant du monde occidental.
Je ne suis pas opposé à la normalisation avec Israël. Car il ne faut surtout pas ignorer que c’est une des toutes premières puissances au monde ! Laquelle puissance, comme les autres, est guidée par ses seuls intérêts. Pourquoi alors avoir baissé la garde ? Nous avons cru naïvement que le statut d’Israël a réellement changé, passant subitement de celui d’ennemi à celui d’allier incontournable. Si ce n’était que de la naïveté....
Nous irons de frustrations en désillusions au gré des crises internes d’Israël. En moins de deux ans il y a eu quatre élections générales sans que cela aboutisse à une majorité claire. Il en résulte une crise politique aiguë qui vient se superposer à la crise morale qui abîme de larges couches de la société israélienne effrayées qu’elle est par l’impunité totale que lui confère la vertigineuse puissance du pays.
A défaut de trouver une majorité par les urnes, Netanyahu espère y arriver en guerroyant lâchement contre des Palestiniens qui ne trouvent plus le temps de panser leurs plaies.
La question n’est plus de savoir comment se terminera ce bain de sang, mais quand reprendra le suivant. Et nous Marocains, allons-nous rester placides à observer ces cycles macabres ? Quand allons-nous amorcer notre atterrissage en douceur en débarquant de notre petit nuage où nous a placés Trump avant de partir ?
Certes, nous ne pouvons pas grand-chose, mais osons au moins l’indignation. J’ai envie de crier comme jadis le grand résistant français Stéphane Hessel : «indignez-vous» ! La fierté du Marocain se mesurera désormais à sa capacité à s’indigner face à les toutes formes d’injustice.
Bouznika le 12 mai 2021