La Semaine de Naïm Kamal – Zélateur du Makhzen ou l’Ailleurs impossible

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Notre débat est noir ou blanc, allergique à la nuance, et, hermétique au chamarré, il proscrit la couleur…

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Mon ami et maitre Abdejlil Lahjomri me pardonnera de lui emprunter cet Ailleurs que le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume quête chez les peintres dans ses chroniques à travers quelques têtes d’affiche de la peinture marocaine. Ma chronique consacrée à l’affaire Maati Monjib parlant de ce que je trouve d’insupportable chez celui qu’on qualifie à mon sens hâtivement d’historien, m’a valu quelques commentaires, pour la plupart lapidaires comme c’est souvent le cas avec les réseaux sociaux. 

Sans vraiment porter de jugement sur le fond de l’affaire, « blanchiment, fraude et atteinte à la sécurité de l’Etat », je lui reprochais essentiellement de qualifier abusivement l’Etat marocain de policier, lui demandant de s’expliquer sur ce dont on l’accuse devant la justice. Et si je n’ai pas tenu compte de la vidéo où il tente de se défendre contre ces accusations, c’est parce qu’elle se déroule sans contradicteur, lui-même s’y place au-dessus de la Justice, et sans le dire, exige de nous de le croire sur parole. C’est, en moins de mots, ce que j’ai répondu aux reproches d’un lecteur, Lahcen Arqass, le plus mesuré des critiques. 

Pour Abdallah Belaïd Oussalem, « Naïm Kamal de la Puce à l’oreille [une chronique que je tenais dans une autre vie sur les colonnes de l’Opinion] et de La Gazette du Maroc [un autre support et une autre chronique à la même époque] n’est plus.» Que lui répondre sinon que Le Tout Puissant l’ait en Sa Sainte miséricorde et lui ouvre grandes les portes du paradis. Presque de la même eau, Hamid Ajana considère que « l’âge et le bien-être ont eu raison d’une fine plume et anesthésié (du moins j’espère qu’ils n’ont pas trépassé) les neurones de Monsieur NK). Suis-je tenu de le rassurer ? 

Un autre, Abdelaziz Bouallala, trouve que « l’insupportable chez Naïm Kamal c’est qu’il sait qu’on sait que l’odeur du bord d’où il ‘’pérore’’ n’est pas de toute sainteté. Et, tel qu’on le connait, cet insoutenable cynisme lui sied fort bien ». S’il me sied et fort bien, il n’y a rien à redire si ce n’est ce que j’ai répondu à Touafiq Bakkali qui me qualifie d’esprit « godillot » qui sait le « faire avec brio. Il dégaine sur ordre sans nuance ni objectivité. Zélateur makhzanisé. » De pareils propos, d’autres pourraient s’en offusquer, pas moi du moment que je suis aux ordres avec brio, sauf qu’aucun Makhzen ne m’a mandaté, et ceci étant, je me dis que je dois être un zélateur makhzanisé autoproclamé et un avocat de l’Etat self-commis d’office. 

Les germes de l’absolutisme 

N’allez pas croire qu’il n’y a eu que des pourfendeurs, fort heureusement, d’autres soutiennent sans réserve. Khalid Tazi les résume bien : « Qui mieux que Ssi Naïm pour mettre cette lumière, presque poétiquement, et rendre gai un dossier avili par les stupidités d’un faux, plus que visible, droit-de-l’hommiste ? »

Excusez-moi si je vous ai assommés avec la reprise de ces commentaires. Elle ne participe d’aucun égocentrisme mégalomaniaque. Si je l’ai fait c’est parce que ces commentaires témoignent d’un clivage exclusif qui ne supporte l’autre qu’aligné sur sa propre position et conforme à sa façon de penser. Sinon il est étiqueté, répertorié et définitivement classé. On a vu récemment un groupe de journalistes, vrais ou supposés ; d’intellectuels, réels ou prétendus ; d’artistes, reconnus et d’autres beaucoup moins, signer une pétition pour frapper d’ignominie et clouer au pilori ceux d’en face qui ne partagent pas leurs opinions, et souvent agissent à leur égard avec la même logique d’exclusion. Cet antagonisme creux et infécond ne laisse aucun espace à la contradiction, que la dialectique, la hégélienne comme la marxienne, conçoivent pourtant comme le moteur de la pensée et de son évolution. Et tant pis si ce retranchement mutuel sur les positions réciproques rend tout Ailleurs impossible. 

Même le manichéisme qu’on utilise, souvent à tort, pour exprimer l’antagonisme, construit sa perception du monde sur la dualité du bien et du mal sans les opposer systématiquement mais les actionne, simultanément ou alternativement, dans une même dynamique. Loin de ces subtilités, notre débat national habite les tranchées de Verdun. Et fait autant de mal à l’esprit que la première guerre mondiale à l’Europe. Il est noir ou blanc, allergique à la nuance et, hermétique au chamarré, il proscrit la couleur d’un environnement démarqué où même le gris peine à trouver une espace. Oui ou non ! Béni-oui-oui ou béni-non-non ! Pour ou contre ! Sans recours possible pour le pour et le contre ! Ou, comme le dirait l’inoubliable Coluche, « ni pour ni contre, bien au contraire »… Sans se rendre compte que dès lors on est dans les germes de l’absolutisme et les requis de la pensée unique.  

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