chroniques
LE NAUFRAGE DE LA SUISSE – Par Gabriel Banon
Deux siècles que la Suisse a été le havre de la diplomatie mondiale, deux siècles effacés en cinq jours !
La guerre d’Ukraine aura fait une autre victime : la Suisse. Petit pays démocratique, cerné par les montagnes au milieu des Alpes de l’Europe, il s’était imposé dans le monde comme l’abri suprême de la finance mondiale. En outre, par sa neutralité soulignée dans sa Constitution, il offrait aux belligérants de toutes sortes un lieu de rencontre où nombres de compromis salutaires ont pu se réaliser.
On ne peut qu’être médusé de voir avec quelle célérité, historique (?), Berne a suivi les sanctions réclamées par les Etats-Unis et l’Union européenne.
Certains commentateurs suisses allaient jusqu’à réclamer une adhésion rapide à l’UE et l’OTAN.
Après avoir enterré le secret bancaire sous la pression de Washington, succombé dans les affaires des fonds juifs, c’est la troisième fois en vingt ans que le Conseil fédéral se soumet aux diktats américains.
Mais au-delà des sanctions, ne voit-on pas, alors que personne ne le lui demandait, la Suisse abandonner sa neutralité historique. C’est comme si une personne changeait son ADN.
Deux siècles que la Suisse a été le havre de la diplomatie mondiale, deux siècles effacés en cinq jours !
Les militants de la Paix, la diplomatie parallèle, se sentent abandonnés par un Conseil fédéral opportuniste ou au mieux pleutre. La crédibilité du pays n’en sort pas grandie.
Que des membres du gouvernement suisse aillent se faire « immortaliser » par une photo avec Zelenski sur la place fédérale, en arborant des foulards aux couleurs ukrainiennes, ce n’est pas grave car ridicule et folklorique. Les experts de la chose, vous diront que c’est de la communication politique. Il n’en reste pas moins vrai que la Suisse, par sa surprenante gestion de la crise, a perdu sa crédibilité auprès du reste du monde et ramené ce pays à sa seule dimension géographique.
Le bilan de la politique du suivisme de Berne est catastrophique :
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Perte de la fiabilité des banques qui bloquent des comptes sur injonction américaine.
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Perte de considération pour la Genève internationale.
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Boycotte de sa politique étrangère par la Russie, ses amis et tous ceux qui pensent comme elle.
La Suisse d’aujourd’hui va-t-elle chercher ses directives à Bruxelles ou Washington ?
Il faut croire qu’on doit, aujourd’hui, remiser aux oubliettes, la Genève capitale du multilatéralisme.
La Suisse est en train de sombrer dans un suivisme coupable. Pensez que le CERN et l’OIT, deux organismes internationaux, jusqu’à ce jour respectables, ont suspendu la Russie au prétexte qu’elle est russe !
Ces attitudes illustrent le sabordage du multilatéralisme que Genève était censé défendre. Qui va continuer à croire dans l’impartialité du CICR, alors que la neutralité est au cœur de sa mission ?
Pendant que les autorités genevoises et les partis politiques regardent ailleurs, c’est Israël, la Turquie et le Bélarus qui prennent l’initiative des bons offices.
La Russie va être gagnante sur plusieurs tableaux. Elle obtiendra certainement la neutralisation de l’Ukraine, l’abandon du projet d’adhésion à l’OTAN et une vraisemblable partition du pays. Comme l’a écrit un journaliste suisse : « Elle aura mis KO debout les fanatiques de l’hégémonie américaine qui hantent les bureaux de Washington et de Bruxelles. »
En définitif, Vladimir Poutine fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait, à nous de l’entendre.
Les sanctions n’ont fait que renforcer Poutine, à voir les derniers sondages de l’institut neutre Levada, qui confirment le soutien d’une très large majorité de la population à « l’opération spéciale ». C’est encore la preuve, s’il en fallait, qu’aucune sanction n’a jamais réussi à renverser un gouvernement, que ce soit à Cuba, en Iran ou en Corée du nord, et aujourd’hui à Moscou.
La cause de la guerre d’Ukraine n’est pas moins mauvaise que ne le furent l’invasion de l’Irak en 2003 et l’agression de l’OTAN contre la Serbie en
1999 avec la partition du Kosovo qui s’en est suivie quelques années plus tard.
On ne peut passer sous silence l’incroyable succès de la campagne de propagande ukrainienne en Occident, la première opération de cyberguerre totale.
Si la liberté de la presse souffre en Russie, cela ne vaut guère mieux en Occident qui a banni les médias russes, alors qu’il se prétend défendre la liberté de la presse.
Dan Cohen (Ukraine’s Propaganda War : International PR firms, DC lobbyists and CIA cutouts, Min Press News.com) correspondant de Behind the News, a démonté les mécanismes sophistiqués de la propagande ukrainienne et les raisons de son succès colossal dans les pays de l’Union européenne. Dans le Washington Post, un commandant de l’OTAN a décrit cette campagne comme « une formidable opération de stratcom (de communication stratégique) mobilisant médias, Info Ops et Psy Ops ».
La communication ukrainienne emploie, sous l’égide du groupe PR Network, pas moins de 150 firmes de relations publiques, des milliers d’experts, des dizaines d’agences de presse, de médias prestigieux, de chaînes Telegram et de médias d’opposition russes pour délivrer ses messages et formater l’opinion occidentale.
Mais l’étoile de Zelenski commence à pâlir. Sa pitoyable prestation à la Knesset, en Israël, où il a commis l’erreur de comparer l’offensive russe
à la « solution finale » alors que ce sont les Russes qui ont libéré Auschwitz.
La Russie a fait reculer Hitler et ce sont les ancêtres des alliés de Zelenski, l’extrême-droite nationaliste ukrainienne qui ont participé à la Shoah.
Qu’avait la Suisse à gagner dans cette aventure ? Il n’y avait que des coups à recevoir et la Suisse n’a pas fini d’en recevoir.