Les Droits dormants

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Portrait sublimé de Zayneb Nefzaouya, une femme libre et fondatrice

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Il y a dorénavant pour le monde arabo-musulman, un avant Nawal Saadawi et un après Nawa Saadawi. 

Mais entre les deux, il y a un Mythe et un Slogan. 

«Donnez-leur leurs Droits !» est le Slogan. En effet, pour cette intellectuelle qui a longtemps « prêché dans le désert », il faudrait que ce soit l'élite culturelle et intellectuelle en terre d'islam qui entreprenne sa révolution et qui encadre celle de sa société. Car intellectuellement la masse ne peut grand-chose contre l’imprenable citadelle musulmane où sont emmurés les droits des femmes. Bien qu’ils soient portés par le Droit international, par des conventions signées et ratifiés par les Etats musulmans, par les Constitutions nationales, malgré le fait que ces Droits ont l’âge de la maturité, ces droits sont refoulés, loin, bien loin dans l’inconscient musulman. 

Et vu la vitesse à laquelle les sociétés évoluent sous l’effet des technologies, de la communication et de la technoscience…on peut même dire que ces Droits sont dépassés, blanchis sous le harnais. 

Nawal Saadawi nous a également légué un mythe. Un mythe qui ressemblerait assez au mythe des Sept dormants d’Ephèse. Elle nous a légué « le mythe des Droits dormants », emmurés selon le chiffre archétypal de «sept », ces Droits dormants englobent la polygamie, l’obligation du port du voile islamique, l'inégalité des droits de succession entre hommes et femmes et l'excision (qui continue à concerner une majorité d’Égyptiennes par exemple), mais englobent aussi l’ensemble des comportements pathologiques liés à la sexualité, à la religion.

Par définition, un mythe résiste à l’épreuve du temps. Il s’adapte, se fait oublier mais revient toujours pour mieux se réveiller. Donc un mythe ça ne meurt jamais tout comme les Droits dormants des femmes, qui, depuis la fin du 19ème siècle (c’est à peu près la date de la Nahda arabe et de la naissance de la question des droits de la femme musulmane et arabe) reviennent régulièrement sur le devant de la scène politique et sociale. Ils reviennent de façon récurrente et permanente et ils ne sont d’ailleurs jamais très loin, car ils sont en nous et agissent comme du poil à gratter, ne laissent personne indifférent, on les croit enterrés dans une grotte mystérieuse, on les pense endormis mais, non ! Ils reviennent toujours.

Il y a dans cette condition de Dormants matière à dégeler les causes de l’asservissement des femmes et le rapport « de rejet et de fascination mêlés » du monde musulman à l’égard de ses femmes. Ce rapport qui se révèle être en définitif inquiétant et qui fait scandale en même temps, un scandale permanent et récurent du « retour du refoulé », que Freud pour sa part conceptualise sous le nom d’«Inquiétante étrangeté»… 

En appliquant ce concept d’inquiétante étrangeté à ce jeu de sommeil et de réveil des droits qui reviennent et s’évanouissent à nouveau comme s’il était impossible de les détruire ou de les faire disparaitre totalement, comme s’il s’agissait de quelque chose dont on n’arrive pas à se débarrasser, on se retrouve en face de quelque chose d’angoissant. 

Mais angoisse à quoi ? 

Peut-être au religieux, peut-être à la sexualité ? Probablement. Mais aussi à l’Inconscient musulman, cet inconscient qui fait scandale partout ailleurs même en Occident et dont les adversaires qu’ils soient « religieux », ou « positivistes » ont en horreur l’idée même de son existence. Car l’idée d’un inconscient qui soit supérieur au conscient, qui échappe au contrôle, celui du divin, celui de la science et même celui de la raison, est insupportable. 

Pour l’heure, questionner l’inconscient musulman, et questionner la pratique du refoulement des droits des femmes, s’avère une priorité pour les féministes et pour les intellectuels musulmans, et il est le testament de la grande Nawal Saadawi Que Dieu ait son âme, psychiatre de son état et sachant ce qu’un inconscient peut contenir comme vérité et réalité.