Penser en Islam & Penser en Chine

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L’Islam et la Chine ont en commun une large contribution au corpus du Savoir Universel à l’époque où le corpus des sciences rationnelles n’était pas étranger au corpus des sciences religieuses.

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L’Islam et la Chine ont en commun une large contribution au corpus du Savoir Universel à l’époque où le corpus des sciences rationnelles n’était pas étranger au corpus des sciences religieuses. Une époque où Raison, Mystique et Foi faisaient corps ensemble pour appréhender le fonctionnement scientifique du monde. Où il n’y avait pas de frontières entre imagination et processus cognitif, entre Pensée imaginante et structures intellectuelles, entre sacré et philosophie.

Ces deux cultures ont connu également leur exclusion hors de l’histoire universelle des idées et de la philosophie, à cause d’une certaine tradition humaniste occidentale de séparation entre ce qui est spirituel et ce qui est philosophique, une tradition qui voyait en l’image, en l’imagination, un obstacle épistémologique au passage vers l’abstraction, vers la conceptualisation, vers la rationalité. 

Mais l’occident n’est pas seul responsable de la régression, la stagnation, voire de la longue agonie. En Islam, ce sont aussi les « docteurs de la foi orthodoxe » qui ont « plombé » la Pensée.  Et Ibn Klaldoun au 14ème siècle soulignait déjà que « Lorsque le vent de la civilisation eut cessé de souffler sur le Maghreb et sur al-Andalus, et que le dépérissement des connaissances scientifiques eut suivi celui de la civilisation, les sciences disparurent… On en trouve seulement quelques notions, chez de rares individus, qui doivent se dérober à la surveillance des docteurs de la foi orthodoxe ». 

Abdelkébir Khatibi qualifiait la civilisation arabo-théocratique de « chose du passé » incapable de se renouveler en tant que Pensée, à moins qu’elle ne décide de se doter d’une «Pensée-autre ».

Et Ghaleb Bencheikh constatant l’encéphalogramme actuellement plat de la Pensée en Islam, trouve une explication parmi d’autres de cette régression tragique dans le fait que L’on s’est mis à croire qu’avant 622 c’était l’ignorance et qu’après ce furent les Lumières de la Foi. Et nous en sommes toujours là !

Si nous nous tournons vers la Chine maintenant, qui a entamé une vertigineuse montée en puissance économique, géopolitique et militaire à partir des années 90, là aussi, les élites et les intellectuels se retrouvent «plombés» au niveau de la Pensée. Plombés par l’orthodoxie du communisme, par sa manie de vouloir contrôler les esprits et les idées. Par la propagande du régime à s’appuyer sur un passé impérial et des valeurs universelles de la vieille Chine des Lumières, en oubliant qu’il est l’héritier d’une idéologie qui a tout fait pour ruiner ces traces impériales et qui fait tout encore pour faire taire ses intellectuels.

Ces deux aires civilisationnelles autrefois florissantes sur le plan de la Pensée, connaissent donc une carence intellectuelle, une tradition momifiée, des doctrines propagandistes dont le seul but est de défaire la réflexion.

Car, malgré l’accumulation de la richesse et sa montée en puissance, la Chine a du mal a convaincre qu’elle est en mesure de devenir une première puissance mondiale ou même une véritable civilisation. Un autre parallèle avec l’Islam se trouve dans cette question, que se pose la sinologue Anne Cheng:  est-ce qu’il est encore possible de penser en Chine …de penser au lieu de dépenser? 

Et pour la paraphraser, est-ce qu’il encore possible de penser en Islam…de penser au lieu de dépenser ?

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