SALUE CE CASABLANCA QUI TE QUITTE – Par Rédouane Taouil

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A Casablanca, les ombres et les nuages, le crépuscule et le silence restent toujours comme couronnes qui tressent des fleurs en dédicace à la ville et invitent à méditer les vers ciselés par Cavafy contemplant son Alexandrie.

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L’hiver est funèbre, ami, recueille-toi à la lueur vive de l’amitié. Le nuage fane le soupir de la terre et le rêve de la semence s’étiole, le chant de la pluie tarit et à l'arrière-pays s’épandent des traînées de mélancolie. 

« Qu’ont-ils tes yeux ? L’eau s’en écoule/Comme si d’une outre raccommodée, elle fuit ». Tu ne languis pas d’une main où scintille tatoué ton futur tourment ou d’yeux pareils à deux palmeraies ruisselantes d’aurores. Si l’amour ne vient pas à toi, la mort se hâte. Lentement, peut-être. Toujours. « Dans mon pays, on questionne pas un homme ému », chuchote René Char. Mais ton sanglot, si poignant, émeut les mots. Tu pleures au souvenir de visages disparus et nulle mélopée ne dissipe les brumes de tes larmes. Tu implores ton chagrin : tiens-toi plus tranquille ; il bat de plus belle. Tu songes au rire résonnant de l’élu. Humble comme une étoile ou un brin de poussière. Loué soit-il. Son cœur, un violon aux accents constellés de joies paisibles. Tu songes aux promenades immobiles avec l’ami au prénom à préfixe indéfectible. Livre prodigue en rythmes et en rimes. Soigneux de la grammaire comme les doigts d’une bergère des coquelicots.

Près des violettes, tu chemines dans une sente trempée de deuils.  

Qu’il t’en souvienne des noms de fleurs de champs et des voyelles colorées de « Tous à l’école », de l’odorant labourage des terres et de la pointe du printemps où s’égoutte la teinte des jours. Quelle belle nostalgie que la rencontre d’une plume sergent major et d’une gerbe de chardons sur une table d’écolier

Qui exaltera Casablanca ton amour, dont tu n’as guère vu la parure ? Sa blancheur ardente s’est éteinte et l’océan n’y promène plus, le soir, sa senteur.  Casablanca pend comme une immense peine. Nos cent pas dans ses avenues étaient des hymnes à sa splendeur bleuie. Casablanca était un chant d’enfance odorant comme le basilic dans des demeures constellées de lauriers et de figuiers. Un ballon rond teinté de songes ondulants. Une promesse vive comme une table d’écolier. Casablanca était une pomme à consommer jusqu’à l’aube bégayante au gré du murmure suave des vagues du vert océan. Un baptême d’odes et de mélodies, de gouttes de pluie printanière, de souffles scintillants d’été. Un havre de la volupté pourpre de l’eau de la vigne au cœur de la complicité.

Chaque week-end, Casablanca était un buisson nimbé d’une soif plurielle. Des midis dans la paume jaune du soleil. Des après-midi mauves d’enchantement. Poèmes et chants s’épandaient des coupes et des entrailles nouées aux voix de la diva de l’Orient, du chantre du Karnak ou du maître compositeur de l’épopée amoureuse du poète cordouan. Des éclats de rire et exercices de mémoire avec le piéton céleste à la botte de menthe et au bouquet d’humour salutaire. Sa tendre apostrophe « Où es-tu ?» était une élégie à nos rêves envolés, les conjugaisons de sa mémoire nomade une invite à humer l’enfance mauve, sa douce ironie un antidote à l’aigreur du temps. Des illuminations après la tombée du soir à l’ombre bienfaisante d’amitiés enlacées comme des grappes. Chaque thrène est un thrène sur un Casablanca qui quitte ses amoureux et les perd. 

 

A Casablanca, les moineaux ne se posent plus sur les fils électriques, les hirondelles ne picorent plus le ciel et les arbres meurent inclinés. A Casablanca, les ombres et les nuages, le crépuscule et le silence restent toujours comme couronnes qui tressent des fleurs en dédicace à la ville et invitent à méditer les vers ciselés par Cavafy contemplant son Alexandrie.

* Pour les textes culturels, l’auteur, qui a bien d’autres titres, préfère signer "ancien des écoles primaire et secondaire publiques du Maroc pour marquer sa dette pour ce que fut l’école marocaine et se démarquer des « experts ».

 

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