International
Syrie : L'influence des différents acteurs - Par Samir Belahsen
Une femme arrivant de Syrie entre au Liban avec ses bagages par le point de passage nord d'Al-Arida, le 10 décembre 2024 après l’entrée des rebelles islamistes à Damas le 8 décembre, chassant le président Bachar al-Assad et mettant fin à cinq décennies de régime Baas en Syrie
" Les mots d'amour ne sont point de ceux que l'on peut prononcer." (Hafez Al-Assad)
« Quand le vieux lion se meurt, même les chiens ont du courage et lui arrachent les poils de sa moustache. » (Proverbe Syrien)
L'impact des acteurs régionaux et internationaux sur l’évolution de la situation en Syrie s'est révélé déterminant depuis 2011 jusqu'à la chute du régime de Bachar Al-Assad. Nous tentons ici de rappeler et d'analyser les différentes interventions et influences des acteurs impliqués, qu'ils soient régionaux ou internationaux, dans le cadre complexe de ce conflit prolongé.
Contexte historique.
La Syrie a une histoire complexe, caractérisée par des périodes de domination étrangère : Assyriens, Babyloniens, Grecs, Romains, Ottomans et français.
Le pays a été façonné par l'influence des puissances coloniales ainsi que par des tensions d'ordre ethnique et religieux.
Avant 2011, la Syrie était sous le régime autoritaire dirigé par Bachar Al-Assad, qui avait hérité du pouvoir de son père, Hafez Al-Assad. Le pays se caractérisait par des politiques répressives, des violations violentes des droits de l'homme, ainsi qu'une économie régulée par l'État et dominée par une oligarchie.
Les tensions communautaires entre les factions religieuses et ethniques étaient également manifestes, en particulier entre la majorité sunnite et les minorités alaouites (au pouvoir), chrétiennes et kurdes.
La Syrie avait également maintenu des relations conflictuelles avec « Israël », qui persiste à occuper une portion du plateau du Golan.
Origine du conflit en 2011
Dans le contexte des mouvements de contestation populaire désignés sous l'appellation de "Printemps arabe", le conflit en Syrie a émergé en 2011 à la suite de manifestations pacifiques réclamant des réformes politiques. Le régime de Bachar Al-Assad a réagi de manière répressive, ce qui a conduit à une intensification de la violence. Les premières réactions des acteurs internationaux ont consisté en une condamnation des actions du régime syrien, tandis que l'Iran a exprimé un soutien total à Bachar Al-Assad. Les origines du conflit se trouvent dans la répression exercée par le régime, les disparités économiques et sociales, ainsi que dans les tensions ethniques et religieuses. Cette période a constitué le point de départ d'une guerre civile complexe, engendrant l'implication de multiples acteurs tant locaux qu'internationaux.
Acteurs au niveau régional
Depuis le commencement, la Turquie a exercé une influence déterminante en apportant un soutien militaire et financier à l'opposition. La Turquie a également reçu près de quatre millions de réfugiés syriens. Ce flux n'a pas manqué d'engendrer des effets considérables sur sa sécurité et son économie.
La Turquie a aussi entrepris des opérations militaires dans la région nord de la Syrie pour contrer les milices kurdes.
L'intervention de la Turquie en Syrie avait pour objectif, et continue d'avoir pour objectif, l'établissement d'une zone tampon le long de sa frontière afin de contrôler le "PKK" et d'empêcher la création d'un État kurde autonome.
Outre l'affinité idéologique avec les rebelles et la nostalgie ottomane, la Turquie a (et continue d'avoir) des intérêts stratégiques en matière de sécurité et d'économie en Syrie. Certains affirment que la Turquie pourrait se positionner comme l'acteur principal et le bénéficiaire majeur de l'effondrement du régime syrien.
L'Iran a été un allié essentiel du régime de Bachar Al-Assad. Il lui apportait un soutien militaire et politique massif. L'Iran cherchait à accroître son influence dans la région.
L'Iran exerçait son influence en Syrie par le biais des conseillers et des milices chiites : Hizb Allah, Milices Irakiennes et les Huthis .
Selon certains analystes, l'Iran aurait consolidé son emprise sur la Syrie et n'aurait lâché Bachar el-Assad que lorsque ce dernier a pensé établir des contacts avec la Turquie et certains pays arabes. (il aurait pensé à un en même temps)
L'Arabie Saoudite avait apporté son soutien à divers groupes rebelles sunnites en Syrie, surtout dans les premiers temps, dans le but de lutter contre l'influence iranienne dans la région. Son action a exacerbé le conflit.
L'armée sioniste effectuait des frappes aériennes ciblées sur des installations et des rebelles associés à l'Iran.
Acteurs internationaux engagés dans le conflit :
Les acteurs internationaux ont exercé une influence considérable dans le cadre du conflit syrien.
Les États-Unis ont joué un rôle important dans le conflit syrien, en apportant principalement leur soutien aux groupes rebelles qualifiés de modérés.
Ils ont apporté une assistance militaire, comprenant notamment la fourniture d'armements et de formations, tout en exécutant des frappes aériennes ciblées contre l'État islamique.
Leur appui aux groupes rebelles aurait favorisé la fragmentation de l'opposition syrienne. En outre, le retrait abrupt des troupes américaines du nord de la Syrie en 2019 a été critiqué comme un renoncement à l'appui des forces kurdes.
La Fédération de Russie a joué un rôle prépondérant, bien que tardif, dans la crise syrienne en apportant un soutien actif au régime de Bachar Al Assad. Ce n’est qu’en 2015 que la Russie a entrepris une intervention militaire visant à combattre les groupes rebelles ainsi que l'État islamique. La Russie a opposé son veto à plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, destinées à condamner le régime syrien, afin de garantir la protection d'Assad.
Les objectifs géopolitiques de la Russie concernaient le maintien de sa présence en Méditerranée ainsi que le retour stratégique au Moyen-Orient. Des promesses quant à la base navale, le cout d’un allié trop faible et peut être un « big deal » auraient convaincu la Russie de « lâcher ».
Les Nations Unies avaient entrepris des négociations de paix dans le but de résoudre le conflit, mais ils avaient rencontré des obstacles majeurs.
Les divergences significatives entre grandes puissances ont bloqué toutes les tentatives. Les États-Unis et la Fédération de Russie ont exercé leur droit de veto au sein du Conseil de sécurité.
L'implication des différents acteurs régionaux et internationaux dans le conflit syrien a exercé une influence significative sur l'évolution de la situation. Les intérêts géopolitiques divergents des acteurs concernés ont rendu impraticable la résolution négociée du conflit.
Cela a permis l'émergence de ce que l'on pourrait désigner comme le « big deal ».
(Prochaine chronique : Le big deal et les perspectives