UE-UA : Un miroir aux alouettes - Par Naïm Kamal

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Au plan des structures, si l’UE est une organisation qui fonctionne, malgré ses divergences et les nuances entre ses membres, capable, face à ‘’plus petit que soi’, d’offrir de la cohésion et de se présenter en ordre de marche, l’UA est en revanche incapable d’en dire et d’en faire autant.

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Le premier weekend de février, Addis-Abeba a abrité le sommet de l’Union Africaine (UA) dont elle est le siège. Jeudi et vendredi prochains, 17 et 18 février, Bruxelles, capitale de l’Union Européenne (UE), accueillera un sommet avec son ‘’homologue’’ africaine.

Les Européens toujours aussi performants à l’oral parlent d’une relation à réinventer. Le président français, Emmanuel Macron, met sur la table des discussions un ‘’New deal’’, un concept creux par rapport à son sens américain, là où il aurait été plus inspiré de suggérer un Plan Marshall. Mais apparemment, l’UE n’est intéressée que par le replâtrage un ‘’Old deal’’ dont la seule trace visible réside dans des relations d’exploitation des ressources du continent sans retour.

Le contenu de ce ‘’New Deal’’ qui reste à négocier, d’arrache-pied si possible, n’est que le raccourci d’une longue histoire où les mots ne sont, la plupart du temps, qu’une fiction, un miroir aux alouettes.  D’avance, le sommet UE – UA s’inscrit dans un rapport inégal. Le piège qui s’y niche consiste, pour les Européens, en la façon de ‘’contrer en Afrique l’influence grandissante de puissances’’ dites ‘’non-démocratiques’’ telles la Chine et la Russie, voire la Turquie.

Au plan des structures, si l’UE est une organisation qui fonctionne, malgré ses divergences et les nuances entre ses membres, capable, face à ‘’plus petit que soi’, d’offrir de la cohésion et de se présenter en ordre de marche, l’UA est en revanche incapable d’en dire et d’en faire autant.

Le dernier sommet d’Addis-Abeba en offre une laide illustration. En dépit d’un ordre du jour surchargé de renouement avec la vieille tradition putschiste, de déficiences économiques et de conflits - dont l’un des plus meurtriers se déroule sur la terre même d’accueil de l’UA, deux Etats, l’Algérie et l’Afrique du Sud, n’ont rien trouvé de mieux que d’occuper les coulisses et les débats du sommet par une question marginale. Le statut d’observateur accordé à Israël par Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'Union Africaine, conformément aux textes régissant ses fonctions.

Pourtant, pour reprendre une remarque pertinente de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères marocain, 44 capitales africaines sur un peu plus de 50 membres que compte l’UA, entretiennent des relations diplomatiques avec Tel-Aviv, dont précisément Pretoria. En matière de duplicité politique flagrante on ne peut faire mieux.  Si bien qu’il est presque regrettable que le président en exercice de l’UA, le sénégalais Macky Sall, désireux de recentrer les débats sur l’essentiel, ait évacué la question de l’ordre du jour en la confiant à une commission. Autrement on aurait eu à voir de deux choses l’une : le double-jeu de quelques-uns ou, fort probablement, l’isolement d’Alger et de Pretoria qui prétendent encore à une place déterminante pour laquelle plus rien ne les qualifie.

L’Afrique convoitée pour ses richesses est le continent qui offre le triste état de compter le plus grand nombre de pays les plus pauvres, d’Etats faillis ou en voie de l’être. D’abriter aussi une multitude de conflits de tout ordre : frontaliers, politiques, intercommunautaires et religieux. Sans que ni l’ancêtre OUA, symbole de l’ère des indépendances, ni l’UA qui lui a succédé, née, à coups de milliards de dollars, du fantasme mégalomaniaque de Mouammar Kadhafi, ne peuvent se prévaloir d’un palmarès présentable en matière de règlement de conflits, ni d’ailleurs dans le domaine vital de développement. Aujourd’hui on en est à assister à l’éclatement à terme du fleuron des regroupements régionaux africains, la CEDAO en passe d’agonir, à moins d’un ressaisissement, sous les coups de butoir de la pauvreté, du terrorisme et des putschs qui en découlent. Parfois avec la bénédiction à peine discrète, comme en Guinée Conakry et au Burkina, d’une ou deux puissantes capitales européennes.

Et c’est cette Afrique où peu d’Etats sont en bons termes avec leur proche voisinage, où peu de pays sont en paix intérieurement, qui va se présenter au sommet de Bruxelles. Faudrait-il dès lors être nécessairement un sceptique invétéré pour ne rien en attendre sinon encore une ‘’photo de famille’’, des promesses et des professions de foi mixées à quelques petits fours aigres doux, plus aigres que doux ?      

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