chroniques
Ukraine : l’Aveu – Par Naïm Kamal
Le soldat russe Vadim Chichimarine dans le box des accusés au deuxième jour de son procès pour crimes de guerre le 19 mai 2022. Les procureurs ukrainiens ont requis une peine de prison à vie. (Photo : Sergei SUPINSKY / AFP)
Vadim Chichimarine est un sergent de l’armée russe. Il ne correspond pas à l’idée que l’on se fait d’un sergent russe. On l’imaginerait au moins comme un sergent américain.
Grand, musclé style Arnold Schwarzenegger ou Sylvester Stallone, la voix forte qui porte loin, minimum de la base navale de Norfolk en Virginie à Marioupol en Ukraine où l’on assiste à la reddition des derniers soldats ukrainiens qui y étaient retranchés après qu’on les ait expurgés des éléments qui ne devaient pas coûte que coûte tomber entre les mains des méchants Russes.
Non ! Vadim Chichimarine est frêle. Pas très grand. D’un poids inférieur au sac-à-dos d’un soldat américain en opération. 50 kilos ! 21 ans. L’ainé de cinq autres petits Chichimarine. C’est, claironne-t-on sur tous les toits et sur tous les tons le premier soldat russe jugé pour crime de guerre. Le premier, ça veut dire qu’il y en aura d’autres.
Ce n’est pas encore Nuremberg, mais ça y renvoie par réflexe pavlovien.
Il y a là tous les envoyés spéciaux des grands médias et les caméras du monde entier. Le monde entier étant bien sûr les USA plus le Canada, l’Europe de l’Otan plus la Suède et la Finlande, plus le Japon, plus l’Australie.
Qu’a fait le soldat Vadim Chichimarine pour mériter cette mise scène planétaire ? Il a tué. Fait son métier. N’est-ce pas le métier d’un soldat de tuer ou me trompe-je ? Oui, mais il a tué un civil. Désarmé. C’est grave ! Très grave ! Et ça aurait été encore plus grave si lorsque des civils meurent par dizaines, par dizaines de milliers, par centaines, par centaines de milliers… au Panama, en Irak, en Afghanistan… on ne parlait pas de « dommages collatéraux ».
Si vous répétez les inepties que je viens d’écrire, c’est que vous n’avez rien compris. Là il s’agit d’un civil ukrainien. Ce n’est pas la même chose qu’un Afghan ou un Irakien, ce n’est pas la même vie, ce n’est pas la même culture, ce n’est pas la même humanité, bref ce n’est pas le même enjeu.
L’enjeu que l’on savait déjà et que l’on comprend mieux lorsque l’on apprend ce que le chef des républicains au Sénat américain, Mitch McConnell, commentant le vote de l’aide record de 40 milliards de dollars à l’Ukraine, a dit : "L'avenir de la sécurité et des intérêts stratégiques fondamentaux de l'Amérique sera façonné par l'issue de ce combat’’.
Vadim Chichimarine, quand on le voit sur les photos de son procès-spectacle, a la peur dans les yeux, certainement aussi dans la peau et dans les entrailles. Qui se nouent. Parle comme un automate. Avoue et plaide coupable.
Comme on est en Ukraine et que l’Ukraine est une ex-république soviétique, on ne peut s’empêcher de penser aux procès staliniens. A L’Aveu de Costa-Gavras avec Yves Montand aussi. Toute proportion gardée naturellement. Verdict le 23 mai.