''Alephia 2053'', un film d'animation sur la chute dans le monde arabe, d'une république démocratique et populaire

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Scène de pendaison sur la place publique d'un jeune dissident par le régime du dictateur Alef II dans le film d'animation en langue arabe "Alephia 2053" à Beyrouth, le 21 avril 2021

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L'histoire se déroule en 2053 dans un pays imaginaire, la RDPA, n’y voyait aucune allusion à l’Algérie dont le nom officiel et la République Algérienne Démocratique et Populaire. Il s’agit de la République Démocratique et Populaire d’Alephia, à la place d’Arabie. Dans cette « fiction » de jeunes dissidents projettent de renverser le tyran Alef II. Premier film dans son genre en langue arabe, "Alephia 2053", fait écho à ce que l’on appelle abusivement le « Printemps arabe », dans un monde high-tech.

Avec plus de huit millions de vues depuis son lancement le 21 mars, le long-métrage d'anticipation, sous forme de thriller, cartonne sur YouTube dans un contexte de pandémie, où les réseaux sociaux et les plateformes en ligne se sont substitués au cinéma.

Mais sa popularité réside surtout dans le thème : le renversement d'une dictature impitoyable, la "République démocratique populaire d'Alephia".

"Chacun le voit de sa propre perspective. Les gens s'identifient et y retrouvent leur propre société", affirme à l'AFP le créateur du film, le Libanais Rabi Sweidan.

Au cœur de l'intrigue, le régime d'Alaa Ibn Ismail Al-Alef, surnommé Alef II, "l'éternel chef d'Alephia, le chef des Alephites, fidèle gardien du règne de la dynastie des Alef", inamovible depuis une insurrection populaire réprimée dans le sang 40 ans plus tôt.

"La peur, clé du pouvoir" 

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Un spectateur regarde sur son smartphone une scène de pendaison sur la place publique d'un jeune dissident par le régime du dictateur Alef II dans le film d'animation en langue arabe Alephia 2053 à Beyrouth, le 21 avril 2021

"J'ai construit des prisons de verre, pour que tout le monde voit le prix de la désobéissance à notre famille", explique le tyran à son fils. "La peur est la clé du pouvoir", assure le despote qui a mis en place un appareil répressif à la pointe de la technologie.

Des caciques du régime à ses hauts gradés, en passant par l'héritier du trône ou le peuple appauvri et opprimé dont émergent les révolutionnaires, le film brosse le portrait de figures bien connues des centaines de millions d'habitants d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

L'auteur dépeint aussi le quotidien déprimant de la population d'Alephia: habitants déambulant en ville où des écrans géants crachent la propagande du régime, rations alimentaires, arrestations, torture, pendaisons.  

Des images qui résonnent chez les habitants de la région, secouée cette dernière décennie par des soulèvements prodémocratie qui ont débouché, dans certains cas, sur encore plus de répression.

Réalisé par l'illustrateur Jorj Abou Mhaya, "Alephia 2053" a été produit par la société libanaise "Spring Entertainment" avec le soutien du studio d'animation Malil'Art à Angoulême, en France.

Mais "plus de 70% du travail a eu lieu au Liban et été réalisé par des Libanais", souligne le créateur.

Le film est en arabe littéraire, une langue traditionnellement utilisée pour doubler les dessins animés populaires afin de toucher le maximum de gens dans le monde arabe, où la plupart des pays ont leur propre dialecte.

En somme, la République d'Alephia pourrait être le "23e pays de la Ligue arabe", résume M. Sweidan.

Attaque informatique

L'œuvre suit des dissidents prêts à mourir pour leurs idées qui lancent une attaque informatique contre les systèmes de surveillance ultrasécurisés du régime, présenté comme "le plus autoritaire" de l'Histoire.

Elle s'intéresse, entre autres, à trois personnages de femmes: une hackeuse de 17 ans, une fonctionnaire chargée de l'endoctrinement idéologique qui travaille en fait pour l'opposition et une responsable des services de renseignement dont le père haut gradé veut la forcer à épouser le fils du dictateur.

Grâce à l'aide de responsables des services de sécurité qui ont embrassé la cause de l'opposition, la "résistance" parvient à renverser le dictateur.

L'opération est salué par un rassemblement populaire et le film s'achève sur une scène pleine d’espoir : poings levés, une foule en liesse assiste au déboulonnage de la statue du dictateur déchu.

Pour le critique de cinéma libanais Elias Doummar, le film constitue une "étape importante (dans l'histoire) de l'animation arabe". Sa diffusion gratuite sur YouTube a certainement contribué à son succès, ajoute-t-il, "mais la raison principale en est l’histoire : (...) il dépeint la réalité arabe".

A travers un subtil étalonnage des couleurs, le film propose une progression depuis les tons sombres du début du film à un dégradé plus chaud augurant l'issue victorieuse des dernières scènes. 

"A l'origine du film, il y a une question : à quoi pourrait ressembler le monde arabe dans 20 ou 30 ans", raconte M. Sweidan.

"Ce que veut ce film, c'est un futur qui ne soit pas pire que le passé ou le présent", ajoute-t-il.