Au Kenya, le sculpteur Elkana Ong'esa en mission pour élever l'art africain

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Le sculpteur kenyan Elkana Ong'esa au milieu de ses sculptures au musée Elkana Ong'esa (ELKOM) à Kisii, le 29 novembre 2023. Sculpteur kenyan le plus reconnu, Elkana Ong'esa, 79 ans, a vu ses gigantesques sculptures de pierre exposées dans le monde entier, du siège de l'UNESCO à Paris, aux Nations unies à New York, mais il estime que l'art africain n'a toujours pas obtenu la reconnaissance qu'il mérite, que ce soit à l'étranger ou dans son propre pays. (Photo par SIMON MAINA / AFP)

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Elkana Ong'esa a vu ses gigantesques sculptures en pierre exposées à travers le monde mais pour cet artiste kényan, l'art africain ne bénéficie toujours pas de la reconnaissance qu'il mérite, aussi bien à l'étranger que sur le continent.

"L'art africain a grandement influencé l'art occidental", soutient le sculpteur de 79 ans, citant en exemple les oeuvres de Pablo Picasso.

Mais "l'art africain a été laissé-pour-compte", déplore-t-il, lors d'un entretien accordé à l'AFP à son domicile à Tabaka (comté de Kisii), dans l'ouest du Kenya.

Ses oeuvres, inspirées par la nature, ont fait le tour du monde et décorent notamment les sièges de l'Unesco à Paris et de l'ONU à New York.

Mais le chemin est encore long pour atteindre la valeur financière "très élevée" des oeuvres d'art occidentales, note-t-il, regrettant que les collectionneurs - africains et étrangers - ne soient pas disposés à débourser de grosses sommes pour des oeuvres venant du continent.

Les autorités ne jouent pas non plus leur rôle, avance-t-il aussi.

"Le gouvernement kényan ne soutient pas suffisamment les artistes", estime-t-il, évoquant un fiasco qui a empêché en 2014 son travail d'être exposé au Smithsonian Folklore Festival à Washington.

M. Ong'esa avait réalisé une sculpture monumentale en granit pour cet événement prestigieux. Un acheteur avait même proposé la somme de 1,2 milliard de shillings kényans (environ 7 millions d'euros actuels).

Las, les autorités kényanes, qui ont insisté pour assurer le transport de l'éléphant de 13 tonnes – refusant les offres d'aide étrangères – ont finalement déclaré qu'il était trop lourd pour être transporté par avion.

Des médias ont affirmé que les autorités avaient exigé des pots-de-vin en échange du transport de la pièce.

"Certaines personnes au sein du gouvernement kényan, qui étaient censées aider, se sont finalement détournées", réagit laconiquement Elkana Ong'esa, sans commenter les affirmations des médias.

Si la vente - qui aurait constitué un record pour une oeuvre africaine - s'était conclue, "l'art africain serait dans une autre catégorie" aujourd'hui, affirme-t-il.

- "Tournant" -

Né dans une famille d'artisans, Elkana Ong'esa a commencé dès son plus jeune âge à fabriquer des jouets en argile avant d'apprendre à sculpter de petits animaux à partir de fragments de pierre.

Il poursuit ensuite ses études à l'université Makerere, en Ouganda voisin, puis à McGill au Canada.

Il y découvre des artistes qui influenceront son oeuvre, depuis les sculptures inuit - qui relèvent selon lui davantage de "l'expression artistique que de l'artisanat" - jusqu'à l'utilisation de l'espace négatif par le célèbre Britannique Henry Moore.

"Ce fut un tournant très important pour moi", estime-t-il.

L'empreinte africaine sur ses créations reste indéniable.

La pierre de Kisii, son matériau de prédilection, ne se trouve que dans l'ouest du Kenya, contrairement à la stéatite, roche plus répandue souvent associée à tort à ses oeuvres.

Son travail fait souvent référence à des symboles issus de mythes et de chansons africains.

La sculpture géante en granit qui orne le siège de l'Unesco à Paris, "Enyamuchera" ("Oiseau de paix" en langue Kisii), tire son origine de la pie-grièche fiscale, un passereau noir et blanc originaire d'Afrique subsaharienne.

L'oiseau peut être annonciateur de chance ou de malheur selon l'angle sous lequel il est vu.

- Echo local -

Il entend créer une oeuvre qui trouve un écho autant chez lui qu'à l'étranger.

Ses sculptures sont exposées dans les rues de Kisii, dans son jardin où il forme de jeunes artistes et des enfants à la sculpture sur pierre et dans le musée qu'il a construit pour accueillir des ateliers et présenter l'art africain.

Des problèmes de santé l'ont contraint à arrêter de travailler ces sept dernières années. Mais ce grand-père de cinq enfants a récemment repris ses outils.

"J'ai envie de pratiquer mon art", explique-t-il.

Il a recommencé à faire des sculptures plus petites, mais les pièces plus grandes lui posent des problèmes physiques, explique-t-il, incapable de rester debout pendant de longues périodes.

"J'espère et je prie pour que mon corps aille mieux", affirme-t-il: "Quand vous taillez une pierre et que vous en voyez l'intérieur, c'est si beau, c'est tellement excitant".

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