Au pied du mont Bouhlal, la grande mosquée d'Ouezzane, vestige d’un lieu longtemps sanctuaire

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Longtemps une destination soufie et aussi un sanctuaire, refuge de ceux qui, pour une raison ou une autre, craignaient des représailles.

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Au pied du mont Bouhlal dans le pré-Rif, le soufi Moulay Abdellah Cherif a choisi de fonder, au cours du XIème siècle de l’Hégire, une Zaouia relevant de la Tariqa Chadiliya, qui s’est fait connaître sous le nom de la Zaouïa Ouazzania après que son rayonnement ait dépassé les tribus Jbala pour atteindre plusieurs régions du Maroc et même de l’étranger.

La grande mosquée, qui portait le nom du fondateur de la Zaouia inhumé à proximité, a été un lieu de rassemblement de grands soufis, ascètes et érudits pendant des siècles, portant le flambeau des sciences religieuses et profanes et attirant les disciples pour sa bibliothèque riche en livres rares et de grande valeur, ainsi que pour son école des sciences de la chariâa.

La mosquée Moulay Abdellah Cherif, de forme carrée, se trouve au cœur de l’ancienne médina d’Ouezzane, qui a été construite au pied du mont Bouhlal, lui donnant vue sur les tribus de la région de Jbala, à l’instar de "Masmouda", "Rhouna", "Ghzaoua" et "Beni Mestara". La mosquée et la Zaouia ont ainsi constitué un centre auquel se rendaient ces tribus et un sanctuaire pour leur sérénité spirituelle.

Imam de la mosquée et conservateur de sa bibliothèque Abdeslam El Bahri rappelle que la grande mosquée d’Ouezzane a joué un grand rôle et jouit d’une longue histoire au sein de cette ville connue auparavant par le soufisme. Elle a été une destination pour les soufis et les érudits afin d’enseigner toutes sortes de sciences. Mais aussi un sanctuaire où venaient se réfugier ceux qui, pour une raison ou une autre, craignaient des représailles. 

Dans cette mosquée se tenaient des cercles, des chaires professorales à vocation scientifique. Ce qui n’a pas été pour rien dans le rayonnement de la mosquée auprès des tribus et les autres régions du Maroc et à l'étranger. Pendant le mois de Ramadan, en plus de la clôture de la récitation du Coran pendant les tarawih, Sahih Al-Bukhari est également clôturé en présence de nombreux soufis, ascètes et disciples.

La grande mosquée d’Ouezzane épouse les mêmes standards architecturaux que les anciennes mosquées du Maroc. Elle comprend une cour à trois portes donnant sur le sud, l'ouest et le nord, avec une fontaine au centre, bordée au sud par un minaret de forme carrée en blanc et en vert, tandis que la porte nord est surmontée par un cadran solaire qui était utilisé pour veiller aux heures de prière tout au long de la journée.

La salle de prière est spacieuse, tenant compte des normes architecturales du XIe siècle de l'Hégire (XVIIe siècle après J.C), et possède un toit convexe et des colonnes avec des arcs complets dépourvus d'embellissements, à l'exception des côtés entourant le mihrab de l'Imam, ornées de gravures sur plâtre et décorées avec la couleur verte distinctive de la ville.

La mosquée comprend également une salle de prière pour femmes et un espace dédié aux ablutions, alors que Moulay Abdellah Cherif est inhumé sur le côté nord, dans un mausolée doté d'une porte d’accès indépendante.

La grande mosquée d’Ouezzane, comme bien d’autres de son âge dans le Royaume, préserve la tradition des deux appels à la prière à Dohr (mi-journée) et à Al Asr (mi-après-midi). A deux reprises, à intervalle précis, Al-adane (l’appel) se fait entendre pour rappeler la seconde fois aux retardataires que la prière sera bientôt accomplie.

La grande mosquée d’Ouezzane avait une particularité. Jusqu'à récemment, une petite mosquée attenante appelée "mosquée Al Mazroubin" (les pressés), où les prières y étaient accomplies immédiatement après le premier appel à la prière, permettant aux prieurs pressées par des engagements d'accomplir la prière collective pour revenir rapidement à leurs préoccupations.

Seule cette mosquée disposait de cette caractéristique cart située au cœur de ce qui était le quartier "souika" et à proximité des commerces d'artisans, dont certains se précipitaient pour accomplir leur prière et reprendre leur travail, vénérant Dieu aussi bien par la prière que par le travail.

La "mosquée Al Mazroubin" est devenue, par la suite, le nouveau siège de l’école Moulay Abdellah Cherif pour l’enseignement originel, appelée par le passé "Al Mdirssa".

L’école avait été mise en place à côté de la mosquée pour enseigner plusieurs sciences, notamment la chariâa, et l’astronomie pour observer la nouvelle lune. Nombre d’érudits ont été diplômés de cette école, qui avait un grand rôle dans l’enseignement des sciences, l’expurgation de l’esprit et la discipline de l’âme, la ville d’Ouezzane étant célèbre pour son aura soufi.

La mosquée Moulay Abdellah Cherif abrite également une bibliothèque, depuis 1715 selon certains récits. Elle comprend des livres et des manuscrits de grande valeur dans divers domaines. Elle a été enrichie de plusieurs livres reçus au fil des années en tant que dons des cheikhs de la zaouia Ouazzania et d’érudits marocains.

Les étagères de cette bibliothèque contiennent des livres et des manuscrits relatifs au patrimoine islamique et aux sciences, au profit des chercheurs, érudits et disciples. De grands noms tels Mohamed El Mekki Naciri, Abdellah Guennoun ou encore Allal El Fassi y ont effectué des séjours plus ou moins brefs.

Avec une histoire séculaire baignée dans un environnement de savoir et de soufisme, à la fois sanctuaire, lieu de pèlerinage et école, la mosquée Moulay Abdellah Cherif ne remplit aujourd’hui de sa fonction d’espace de de culte et de prière. Mais la bibliothèque comme l’école d’enseignement originel témoignent encore des siècles passés à servir le savoir et le soufisme dans cette région du nord du Royaume.