Culture
''Cinéma, mon amour ! '' de Driss Chouika - LA NOSTALGIE DES PREMIERS TELEFILMS
Abdellah Farkous dans Le silence de la nuit de Driss Chouika
« En réalisant deux téléfilms : “Le silence de la nuit“ et “semer le vent“, Driss Chouika, probablement fort de son émission télévisuelle “Zawaya“, s’est lancé dans l’aventure des dramatiques télé presque en autodidacte et nous donne en même temps l’occasion de relancer le débat sur le statut du téléfilm » (Mohamed SOUKRI, “L’aventure du téléfilm“, Le Matin du Sahara, 17/5/1997).
En fouillant dans mes archives, je suis tombé sur d’anciens articles sur mes premiers téléfilms dont je n’ai plus qu’un vague souvenir. Deux d’entre eux ont bien retenu mon attention. L’un de feu Mohamed Soukri, intitulé “L’aventure du téléfilm“, parlait de mes deux premiers téléfilms réalisés et produits pour le compte de la SNRT (RTM à l’époque). Un deuxième, de feu Amale Samie, intitulé “Jnounes contre Macintosh“, proposait une lecture bien originale de mon premier téléfilm “Le silence de la nuit“. Le souvenir revivifié de ces deux réalisations, qui ont fait naître en moi la nostalgie des premiers téléfilms, m’a inspiré cette chronique.
JNOUNE CONTRE MACINTOSH
Dans son article sur Maroc Hebdo, intitulé “Téléfilm diabolique sur 2M, Jnounes contre Macintosh“, feu Amale Samie avait écrit «Il faut le voir pour le croire ! On m’aurait dit la veille que je resterais vissé à mon siège comme un gâteux pour voir des jnounes danser sur Didi de Chab Khaled, dans une boîte de nuit branchée, j’aurais dit arrière, Satan ! Eh bien je l’ai vu, le téléfilm baroque Le silence de la nuit, réalisé par Driss Chouika. Moi qui ai esquivé la soirée cinéthème de 2M sur les films d’horreur, je n’ai pas manqué une seule seconde de ce spectacle démentiel» (Maroc Hebdo, 14-20/12/1996).
Aujourd’hui je me rend compte, avec le recul, qu’il a été vraiment “diabolique“ et “démentiel“ d’avoir pu faire un tel téléfilm, avec son casting, ses décors et le déplacement à Fès, ses effets spéciaux, aussi rudimentaires soient-ils..., pour un budget global de 80.000,00 dhs ; et, détrompez-vous, il ne manque aucun zéro ! Mais, en ces temps-là, nous n’étions pas du tout regardants sur le gain matériel, comme les “maline chkara“ d’aujourd’hui, mais bien sur la qualité du travail accompli et du produit final proposé au public. Et là je dois bien rendre hommage à tous ceux qui ont participé à ce téléfilm, et en particulier, Ali Smai, le scénariste, les comédiens (que les âmes des défunts parmi eux reposent en paix) Mohamed Miftah, Nezha Zakaria, Abdellah Farkous, feu Abdelkader Lotfi, Khadija Adly, Khadija Chiabri (Fairouz), et la liste est longue...
Amale Samie avait bouclé son article en précisant que « Je n’avais pas regardé TVM depuis une quinzaine de jours, quand Driss Chouika m’a dit regarde TVM, je n’ai pas hésité, c’est le moins que je pouvais faire pour un copain, mais je ne le regrette pas. Mes gosses non plus ».
Il faut reconnaitre tout de même que la direction de la RTM de l’époque, en reconnaissance de l’effort fourni, du sacrifice consenti et du grand succès auprès des téléspectateurs, avait décidé d’augmenter le budget de notre deuxième téléfilm -“Semer le vent“, également sur un scénario de Ali Smai-, le portant à 100.000,00 dhs ! Et là, feu Mohamed Soukri avait bien raison de parler de “L’aventure du téléfilm“ en parlant de ces deux premiers téléfilms.
L’AVENTURE DU TELEFILM
Dans son article sur Le Matin du Sahara, Soukri avait dit notamment, entre autres idées intéressantes, qu’il y a une traditionnelle séparation entre petit et grand écran, que la télévision possède ses propres sujets et que le film éducatif est plus approprié à la télévision. Il a avancé aussi que, dans mon cas, un téléfilm peut être considéré “comme un simple exercice professionnel destiné à s’aguerrir et à acquérir le savoir-mettre en images“. Il a précisé néanmoins, concernant la séparation tv-cinéma, que “Peut-être que cette séparation n’existe que dans la tête des réalisateurs. C’est en Angleterre et en Allemagne, qui ont produit respectivement (par exemple) Wenders et Fassbinder, qu’il y a cette indistinction tv-cinéma et ce qui peut autoriser à dire que la télé aussi peut produire des films de création“.
Soukri avait bien relevé ma collaboration avec le scénariste Ali Smai, “Chouika a fait, me semble-t-il, un bon démarrage avec Le silence de la nuit... La collaboration avec Smai, plutot rompu au théâtre, a permis le choix d’un sujet plutot adaptable et pertinent à la télé, traité sous une forme comique et qui ressenble à une confrontation de la raison mythique et la raison scientifique“, qui allait se poursuivre dans plusieurs autres réalisations, dont “ Semer le vent“ et notre troisième téléfilm “A contre-courant“. Là j’aimerais simplement noter que le succès de notre deuxième téléfilm nous avait valu une autre augmentation du budget alloué à notre troisième, la direction l’ayant porté, bien “généreusement“ à 120.000,00 dhs !
LA MAISON HANTEE
Et, en guise de conclusion, Feu Mustapha Mesnaoui, il était alors responsable du supplément du lundi que Al Ittihad Al Ichtiraki consacrait à la télévision, avait trouvé une comparaison bien curieuse en évoquant “Le silence de la nuit“. Il avait comparé la maison hantée du film, occupée par les “jnoune“, à Dar El Brihi (La RTM), alors occupée par le Ministère de l’Intérieur de Driss Basri ! Et là, je me rappelle bien que cela n’avait pas du tout plu à notre bienveillante ancienne direction de la RTM.
DRISS CHOUIKA