Cinéma, mon amour dee Driss Chouika: ''LE CIMETIERE DES ELEPHANTS'', TRAITEMENT D’UNE INTENSE SENSIBILITÉ DE L'ALCOOLISME

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“Le cimetière des éléphants“ de Tonchy Antezana est une œuvre cinématographique à la fois engagée et esthétiquement aboutie

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« L'œuvre cinématographique de Tonchy Antezana est à l'image de sa vie intellectuelle : une recherche constante de langages cachés dans l'imaginaire bolivien. Il travaille sur le phénomène des identités avec des propositions esthétiques très proches du réalisme social ».

Wilson Garcia Mérida.

Sorti en 2008, ayant connu un grand succès et récolté plusieurs prix dans des festivals prestigieux, “Le cimetière des éléphants“ est un film du bolivien Tonchy Antezara, connu pour être l’un des plus grands défenseurs et promoteurs de la production cinématographique en Bolivie. Ses films, bien réalistes, demeurent attachés à la culture et aux traditions socio-culturelles profondes de la Bolivie.

Le film est inspiré de l'œuvre de l’écrivain bolivien Victor Hugo Viscerre consacrée à l'alcoolisme des marginalisés dans la ville de La Paz. Il s’attache aux conditions de vie bien difficiles de Juvénal, un jeune homme d’une trentaine d’années, alcoolique depuis sa prime jeunesse, qui décide d'aller passer ses derniers jours de vie au « Cimetière des Éléphants », dans une pièce crasseuse, appelée “suite présidentielle“, prisée par les alcooliques de la ville de La Paz. Dans ce sale endroit, Juvénal va passer ses 7 derniers jours de vie à se souvenir de sa terrible enfance et jeunesse, noyant son chagrin dans l’alcool, jusqu'à la mort.

Ce long-métrage, qui a connu un grand succès critique et public, a su marquer les esprits par sa réalisation soignée, son scénario original et son message humaniste fort. Il a été salué par la critique comme l'un des films boliviens les plus aboutis de ces dernières années. Avec son esthétique soignée et ses performances d'acteurs remarquables, le film a séduit un large public. Tonchy Antezana, réalisateur reconnu en Bolivie, a su mettre en lumière à travers ce long-métrage les problématiques sociales et politiques de son pays, tout en livrant une œuvre cinématographique d'une grande beauté visuelle.

Il faut aussi signaler que la situation et la réalité du marché cinématographique bolivien est bien similaire à celle du Maroc. C’est aussi un pays qui disposait jusqu’aux années 80 de 230 salles de cinéma, pour se retrouver au début des années 2000 avec une trentaine de salles seulement ! 

RETOUR À UNE ESTHÉTIQUE DE LA VIOLENCE

Antezane nous replonge, à sa manière, dans l’ambiance de l’esthétique de la violence latino-américaine à la Glauber Rocha, à travers l'histoire d’un jeune homme issu d'un quartier défavorisé de La Paz, la capitale bolivienne. Confronté à l’alcoolisme et à la pauvreté de son environnement, il va tenter de s'en sortir. Le scénario du film met en lumière les difficultés auxquelles sont confrontés les habitants des quartiers populaires à La Paz, confrontés à l’alcoolisme et à l'absence de perspectives d'avenir. Le réalisateur montre, d’une manière didactique se voulant convaincante que l’alcool et les drogues ne conduisent qu’à la perte de tout humanisme chez l’homme, en le rendant un véritable monstre.

Le message essentiel du film est basé sur cette idée essentielle que l’alcoolisme ne fait que rendre les hommes plus faibles moralement, émotionnellement et physiquement. La thématique de l’alcoolisme, avec toute la violence qu’elle entraîne, est omniprésente dans le film, que ce soit la violence physique ou la violence psychologique qui mine les relations entre les personnes. Tonchy Antezana parvient à traiter ce sujet avec sensibilité, en montrant les conséquences dévastatrices de l’alcoolisme sur les individus et sur la société dans son ensemble.

UNE ATMOSPHÈRE SOMBRE

L’ambiance du film est bien sombre, mais la mise en scène de Tonchy Antezana est d'une grande précision et contribue à positiver cette atmosphère sombre et oppressante. Les plans-séquences, les jeux de lumière et les cadrages travaillés donnent véritablement au long-métrage une esthétique soignée et travaillée. Le réalisateur parvient à créer une tension palpable tout au long du film, renforçant ainsi l'impact émotionnel des différentes scènes.

La direction des comédiens est également remarquable, avec des décors réalistes et une photographie soignée qui transmettent cet univers urbain bien chaotique dans lequel évoluent les personnages. La bande-son, composée d'une musique originale touchante et envoûtante, renforce l'immersion du spectateur dans l'univers sombre et mystérieux du cimetière des éléphants.

Les comédiens du film livrent des performances remarquables, notamment l'interprétation touchante de l'acteur bolivien Christian Castillo. Ce dernier parvient à incarner avec justesse la complexité du personnage, oscillant entre innocence et désespoir, colère et résignation. Il apporte une profondeur et une intensité à l'ensemble du film, le rendant plus poignant et plus intense. Tonchy Antezana signe ici une œuvre d'une grande force, tant sur le plan narratif que visuel. Ce long-métrage, porté par un scénario intelligent et des thématiques universelles, parvient à toucher en plein cœur le spectateur, tout en lui offrant une réflexion profonde sur la condition humaine et les injustices sociales.

“Le cimetière des éléphants“ de Tonchy Antezana est une œuvre cinématographique à la fois engagée et esthétiquement aboutie, qui mérite d'être découverte et saluée pour sa qualité artistique et son message humaniste bien fort. Ce film, par sa sensibilité et son authenticité, s'impose comme une référence du cinéma bolivien et témoigne du talent indéniable de son réalisateur. 

FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE DE TONCHY ANTEZANA (LM)

« Evo pueblo » (2007) ; « The Elephant Cementery » (2008) ; « Boquron » (2016).