Culture
Edition : Les Almohades racontés par Mouna Hachim
Les lectures de Mouna Hachim lui avaient fait entrevoir des aspects captivants de la figure du chef spirituel du mouvement, Mohamed ben Toumert, autoproclamé Mahdi (guidé), clairement d’un personnage fascinant et ambivalent comme les aiment les romancier(e)s
Casablanca - L'ère du fondateur de la dynastie des Almohades, Mehdi Ben Toumert, est passée au crible dans le dernier roman de Mouna Hachim intitulé "Ben Toumert, ou les derniers jours des Voilés''.
L'auteure évoque dans cet ouvrage les 27 dernières années du règne des Almoravides et les évènements qui ont précédé l'établissement de l'Etat des Almohades.
Elle explique, dans un entretien à la MAP, la montée en puissance de cette personnalité issue des montagnes de l'Atlas, ajoutant qu'il ne s'agit pas vraiment d’une biographie, mais d’une fresque historique, basée sur des événements et des personnages réels dont Ben Toumert qui y occupe une place importante.
Le roman, qui décrit les 27 dernières années de règne des Almoravides (1120 à 1147), commence exactement avec la montée en puissance de ce personnage qui est un Masmoudien, issu des montagnes de l’Atlas.
Il descend précisément de la tribu Argen (Hargha dans les sources arabes), revenu de son long séjour en Orient pour s’installer d’abord à Marrakech pour un court moment après des pérégrinations à travers quelques villes du pays où il a bastonné à tour de bras en bon censeur des mœurs.
De là, viennent tous les bouleversements qui en découlent jusqu’à la prise de la capitale impériale en 1147, et la chute définitive des Almoravides des mains du lieutenant et chef de guerre almohade, proclamé calife, Abdelmoumen Al-Goumy. Date à laquelle Ben Toumert était mort depuis des années, même si son ombre planait et ses enseignements perduraient.
Interrogée sur le choix de ce personnage d'il y a 10 siècles, elle a répondu que ses lectures lui avaient fait entrevoir des aspects captivants de la figure du chef spirituel du mouvement, Mohamed ben Toumert, autoproclamé Mahdi (guidé). Il s’agit clairement d’un personnage fascinant et ambivalent, selon elle.
"C’est d’abord un grand érudit, auteur de plusieurs traités en langues arabe et amazighe, surnommé pour cela Asafou (lumière), flambeau de la connaissance, acquise en Orient et en Occident musulman, réputé pour son éloquence et son art de la controverse", dit-elle.
Ben Toumert est aussi un ascète dont les récits rapportent qu’il s’habillait de vêtements humbles, se contentait d’une galette de pain d’orge et s’adonnait du matin au soir aux actes de dévotion.
Chose étonnante, Ben Toumert n’a jamais brigué de pouvoir politique pour lui-même. Il a toujours été un chef spirituel et a légué de son vivant le pouvoir temporel à son lieutenant Abdelmoumen.
Mais, Ben Toumert était clairement un illuminé, porteur d’un projet politico-religieux chargé de violence, intrinsèque à sa doctrine, à ses débuts, au nom d'une conception du jihad qui considère les Gens du Livre comme incroyants, et englobe également les Musulmans, principalement ceux n'adhèrant pas à sa vision.
Le tout, avec ses parts sombres et ses parts lumineuses, donne à voir un personnage fascinant, sorti des montagnes de l’Atlas pour construire les bases d'un vaste empire unificateur du Maghreb et de l’Andalousie.
Rappelant la période de l’empire almoravide, Mme Hachim a relevé que ce dernier, qui englobait les deux rives du détroit de Gibraltar depuis les berges du fleuve Sénégal jusqu’à Saragosse et de l’Atlantique à Alger, connaissait quelques faiblesses qui ont constitué un terreau favorable à l’implantation progressive des Almohades, à savoir le népotisme, la corruption, les inégalités sociales, les taxes exigées de plus en plus pour les besoins de la guerre (en péninsule ibère et contre la doctrine almohade)…
Si Ali ben Youssef ben Tachfine a réussi à sauvegarder son règne, l’empire légué à son fils, Tachfine, était déjà bien ébranlé.
Il s'agit donc d'un contexte général marqué par l’endoctrinement, les défections, les trahisons, la guerre, et les persécutions visant les mystiques et les intellectuels, a-t-elle conclu.