L'actrice star tunisienne Hend Sabri ''de plus en plus féministe''

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La star de cinéma tunisienne Hend Sabri, étoile consacrée dans le monde arabe, se dit "de plus en plus" féministe et a "plus envie de parler de choses engagées", comme elle l'a confié pendant le festival international du film de Marrakech.

Question: Quelle actrice êtes-vous ? Femme, féminine, féministe ?

Réponse: Je suis féministe, de plus en plus. Le féminisme est une réaction normale aux injustices de tous les jours quand on est femme, dans le monde arabe surtout mais partout dans le monde aussi.

J'ai 25 ans de carrière derrière moi, j'ai 40 ans aujourd'hui et j'ai plus envie de parler de choses engagées (...) Je suis femme, oui, très fière de ma condition, je suis femme tunisienne et les femmes tunisiennes ont un passé, une histoire de liberté et d'engagement féministe, j'en suis fière et je le revendique mais je ne suis pas une militante.

Q: Pourquoi jouer une femme adultère dans "Noura rêve" de Hinde Boujemaa (présenté en séance spéciale au festival de Marrakech) ?

R: Faire des films dans lesquels on ne juge pas la femme même si elle fait des choses qui --dans une société patriarcale-- peuvent choquer, ça m'intéresse énormément.

Généralement, la femme dans le cinéma arabe est soit "la fiancée de", "la femme de", "la victime de". Il y a très peu de rôle féminin où j'ai le temps et l'espace de parler de ce qui se passe dans la tête d'une femme dans le Maghreb ou dans le monde arabe aujourd'hui.

Une femme adultère ébranle les fondements de la société patriarcale (...) la réaction de la société, la bigoterie, peut être incroyable quand il s'agit de la différence entre une femme adultère ou d'un homme adultère.

Q: Jouer ce rôle vous met-il en danger ?

R: Un danger pour ma carrière, pas un danger physique. On est très habitué au manichéisme dans le monde arabe en général. Et comme je suis une image de célébrité dans le monde arabe via ce que je fais au Caire, ça pourrait ou ça aurait pu mettre en danger mes plans de carrière parce que c'est un rôle qui peut être jugé par une grande fraction de la société comme (celui d'une) femme immorale ou une femme qui n'est pas digne d'être représentée au cinéma.

Q: Quelle est votre intention d'actrice ?

R: Je trouve que le monde arabe est en besoin de vérité, partout, et ça passe aussi par le cinéma et par les personnages qu'on porte à l'écran. On se juge mutuellement tout le temps, le manque d'empathie est un manque de tolérance et le manque de tolérance c'est la peur de l'autre, la peur de l'autre, c'est la violence... c'est un cercle vicieux dont on ne sort pas.

Le monde est d'un machisme ordinaire incroyable, que ce soit en orient ou en occident, ce monde est fait par des hommes et pour les hommes.

Q: Pourquoi soutenir #EnaZeda, la version tunisienne de #metoo ?

R: Il est temps que les langues se délient. En Tunisie elles se délient, en Egypte beaucoup moins, mais quand elles se délient, c'est en général une seule langue et les attaques sont tellement virulentes qu'on n'a pas envie de reparler une deuxième fois... 

On oublie le bourreau et on s'attaque à la victime, c'est très dur pour la victime de savoir qu'elle va être aussi la victime de hordes sur les réseaux sociaux qui lui diront "c'est de ta faute".

Q: Vous ne tournez plus de scènes considérées comme "osées". Pourquoi ?

R: Je ne vois pas pourquoi je serai la Jeanne d'Arc en train de me défendre et de défendre toutes les femmes qui veulent avoir une certaine liberté ou en tous cas la liberté d'oser alors que personne ne m'aide, que personne ne me soutient (...) et que c'est une cause perdue pour moi, c'est trop dur à assumer... 

On vous applaudit dans les coulisses si vous bravez la société, mais par contre dans la sphère publique, personne ne vous soutient (...) Sans solidarité, cela ne sert à rien c'est une cause perdue.

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