Culture
Quand les montagnes chanteront… Par Samir Belahsen
Nguyen Phan Que Mai – Au Vietnam, la destruction est massive, les Américains ne font pas dans la dentelle ni dans le détail, mais la vie s’obstine dans la capitale.
« Plus je lisais, plus les guerres me terrifiaient. Les guerres ont le pouvoir de transformer en monstres des peuples élégants et cultivés. »
Nguyen Phan Que Mai
" Depuis le début, je haïssais les Américains et leurs alliés. Je les haïssais à cause des bombes qu'ils larguaient sur notre peuple, à cause des civils innocents qu'ils tuaient. Mais à partir de ce moment-là, c'est la guerre que j'ai haïe."
Nguyen Phan Que Mai
On entend par littérature vietnamienne, celle venant du Viêt Nam et/ou écrite au départ en vietnamien. Les auteurs vietnamiens écrivaient en chinois quand il n'y avait pas encore d'écriture vietnamienne. Un système de caractère a dû être créé. Aujourd’hui, le vietnamien s'écrit en un alphabet proche de l'alphabet latin mais avec des signes diacritiques.
Dans mon refuge littéraire, j’accueille Nguyen Phan Que qui me propose un voyage durant un siècle d’histoire vietnamienne, à travers son roman « Pour que chantent les montagnes ».
On est successivement ému, transporté, sidéré, révolté, tiraillé. Sur un plan technique la double temporalité est plutôt bien maitrisée, elle donne du rythme au récit. On suit, en parallèle, deux périodes distinctes. D’abord les années 1960-70 avec la Guerre du Viêtnam avec la petite Huong mais aussi avec Diêu Lan, la grand-mère, l’histoire de sa jeunesse jusqu’au moment où elle rejoint le récit de sa petite-fille.
On y découvre leurs petites histoires, leur vie mais aussi la gravité de l’impact de la guerre et ses conséquences et les épreuves qu’elles affrontent avec résilience, courage et amour.
On finit par nous attacher aux deux héroïnes et surtout par admirer ce lien puissant qui les unit. Parfois, on retrouve nos histoires, des épreuves que nos proches ont pu vivre ou sont en train de vivre. On s’y retrouve, on s’y reconnait.
Touchant et instructif
Nguyen Phan Que Mai nous embarque dans l’histoire de son Vietnam. Elle parvient à faire de son lecteur le témoin des atrocités des guerres qui ont miné le pays au cours du siècle dernier.
C’est aussi une histoire de femmes, fortes et résilientes. Les femmes y sont actrices de leur vie, actrices de La vie. C’est ce qui donne au Roman son aspect touchant et même attachant en restant efficace.
Un hymne à la résilience des femmes, un hymne à la résilience tut court.
Huong et sa grand-mère Diêu Lan regardent Hà Nôi brûler sous le feu des bombardiers américains.
La guerre qui a déjà emmené sa famille dans les forêts du Sud, vient de faire son entrée collatérale dans sa vie. La grand-mère a six enfants qui ont été éparpillés au cours d'une fuite pleine de suspense, de douleurs et de drames.
La destruction est massive, les Américains ne font pas dans la dentelle ni dans le détail, mais la vie s’obstine dans la capitale.
Des petites fumées douces s'élèvent, résilientes, le soir, des abris, les rires des enfants résonnaient, ils résonnent encore.
C’est ainsi qu’on plonge dans les histoires du Viêtnam de l’invasion japonaise, à l’occupation française et sa substitution par les Américains après la débâcle de Diên Biên Phu.
En suivant une famille dans la tourmente et surtout des femmes d’un courage incroyable, c’est un siècle de l’Histoire du Vietnam qu’on traverse.
Une fois la guerre finie, on découvre avec la grand-mère que les sombres souvenirs peuvent déchirer sa famille comme les souffrances déchirent la patrie depuis des décennies. La guerre laisse toujours des traces sur les corps et sur les âmes.
Que l’on soit vainqueur ou vaincu…
Ne pas oublier
Le roman nous rappelle les malheurs, les déchirures, les drames subis par un peuple victime d'un bain de sang qui a duré vingt ans.
On parle de deux à trois millions de morts, des millions d'infirmes, de traumatisés et d'exilés. Des millions de familles déchirées.
Et dire que le monde savait…, sait et saura.