« Cinéma, mon amour !“ de Driss Chouika - LE FESTIVAL NATIONAL DU FILM, UN CONCEPT A REVOIR

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« A l’instar de ce qui se fait un peu partout dans le monde -les Oscars américains, les césars français, les Goyas espagnols, les Magritte belges…-, il est temps de suivre cette voie par la création des Atlas du Cinéma Marocain.

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Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika : Rapports Professionnels/Films

« Il n’y a pas de différence entre le Cinéma et la Vie. Le cinéma c’est la vie, et la vie c’est le cinéma ». Jean-Luc Godard.

HISTORIQUE

Depuis sa création en 1982 par le Centre Cinématographique Marocain, en concertation avec les professionnels, le Festival National du Film a répondu au concept  d’itinérance. Ainsi il a été itinérant de sa première édition qui a eu lieu à Rabat du 09 au 16 octobre 1982 à sa huitième édition orgnisée à Tanger du 02 au 10 décembre 2005. Depuis lors il a été sédentarisé à Tanger jusqu’à sa 21ème édition qui a eu lieu du 28 février au 07 mars 2020. Au cours de son itinérance il a eu lieu successivement à Rabat, Casablanca (du 15 au 22 décembre 1984), Meknes (du 26 0ctobre au 03 novembre 1991), Tanger (du 02 au 09 décembre 1995), Casablanca (une deuxième fois du 14 au 21 novembre 1998), Marrakech (du 27 janvier au 03 février 2001), Oujda (du 07 au 15 juin 2003), puis Tanger à nouveau  où il a élu domicile jusqu’à ce jour.

Le FNF, organisé par le CCM en collaboration avec les organismes professionnels, a été d’une périodicité variable jusqu’à sa 11ème édition de 2010, à partir de laquelle il est devenu annuel, la production nationale de films étant alors en constante augmentation, atteignant en 2012 un record de 23 longs métrages et une soixantaine de courts métrages. Jusqu’à la 15ème édition de 2014, il n’y avait pas de sélection pour la compétition des longs métrages. La compétition concernait uniquement les courts métrages (CM) dont le nombre ne devait pas dépasser celui des longs métrages (LM). Ainsi chaque séance faisait précéder la projection de chaque LM par celle d’un CM. C’est la 16ème édition de 2015 qui allait connaître deux changements majeurs : le règlement a subitement exclu toute participation des organismes professionnels à l’organisation du festival, devenant la responsabilité exclusive de la direction du CCM, et l’introduction d’une sélection limitant la compétition officielle à un maximum de 15 LM et 15 CM.

Un budget d’une moyenne de six millions de dhs est alloué au FNF depuis 2013, dont 5.580.000 dhs servent à couvrir les frais de séjour, de restauration, de déplacements..., des invités ainsi que les divers frais annexes, soit 93 % du budget, et seulement 420.000 dhs récompensent l’ensemble des films primés, soit 07 % du budget global !  

DU FESTIVAL A LA NUIT DU CINEMA

Je me rappelle que lors de l’une des éditions, feu Noureddine Sail avait instauré la bénéfique et productive tradition des soirées-débats et autres séances de minuit depuis 2010 (au FNF comme au Festival de Khouribga), un groupe de professionnels avait suggéré qu’il était plus rationnel, plus bénéfique et plus productif pour le cinéma national de transformer le FNF en une Nuit du Cinéma, à l’instar de La Nuit des Césars (France), Goya (Espagne) et autres Magritte (Belgique)... Car cela permettrait de rationnaliser les dépenses du bugget alloué à l’événement et de créer des conditions plus encourageantes et plus propices au développement du cinéma national. Il suffit juste d’inverser les emplois du budget : en allouer 10 ou 15% aux frais d’organisation et 90 ou 85% aux récompenses des meilleures oeuvres et prestations créatives des professionnels, au lieu d’en dépenser 93 % pour le séjour, la restauration et les soirées festives des 450/500 invités du festival, dont une partie n’ont pas de rapport direct avec les métiers du cinéma ! Les festivités partent en fumée après la clôture du festival et n’ont aucun impact sur le développement du secteur ; alors que les récompenses des diverses créations et créateurs participent directement à l’évolution de la production cinématographique nationale en assurant la continuité du travail des professionnels, en contribuant ainsi à l’enrichissement de la cinématographie nationale par le montage de nouveaux projets.

Malgré nos arguments rationnels, faisant remarquer que l’aspect rencontres est assuré par la multiplication des festivals indépendants qui poussent comme des champignons un peu partout dans notre pays, la direction du CCM et la majorité des professionnels n’ont pas été convaicus par ce choix, pourtant d’une rationalité avérée. Ils ont continué à défendre la primauté de l’aspect rencontres, même si cela n’a pas d’impact réel sur l’évolution du cinéma national. Pourvu qu’on puisse passer chaque année de bons moments autour du cinéma, semblaient affirmer les adeptes de ce concept !

Voici d’ailleurs la description de la proposition que le groupe avait fait à la direction du CCM et un ensemble de partenaires potentiels :

« A l’instar de ce qui se fait un peu partout dans le monde -les Oscars américains, les césars français, les Goyas espagnols, les Magritte belges…-, il est temps de suivre cette voie par la création des Atlas du Cinéma Marocain.

L’objectif principal étant d’instituer un événement annuel qui focalise les attentions et condense les efforts de promotion du Cinéma National en mettant en valeur les meilleures contributions artistiques dans la création des films marocains de l’année, et les récompenser par des prix encourageants. Cela va du scénario à la réalisation, en passant par l’interprétation, la photo, le son, les décors, les costumes, le maquillage, les effets spéciaux… 

L’opération comprend la constitution d’un comité d’organisation, un comité de nomination paritaire constitué de professionnels, critiques, journalistes et cinéphiles représentant toutes les régions du pays et toutes les spécialités (une centaine de personnes pour commencer), choisis selon des critères de formation, de culture, d’intégrité, d’indépendance et de représentativité démocratiques et transparentes. Leur mission est de visionner chaque film national qui sort en salles et le noter selon une grille préétablie. A la fin de l’année, un jury de coordination et de validation regroupe les notations du comité national pour classer les films et les catégories de création par ordre de mérite, pour aboutir à une liste de 3 à 5 nominations par catégorie. Le jury choisira, à l’issue d’un débat final, selon des critères précis, un gagnant par catégorie auquel sera attribué l’Atlas.

Le comité d’organisation décidera, selon les conditions financières, de la valeur des Atlas attribués.

Un appel à propositions sera lancé auprès des créateurs pour choisir un trophée ».

Aussi, j’invite l’ensemble des “professionnels de la profession“ à un débat ouvert à propos de la nécessité de dépasser le vieux concept du Festival National du Film, par ailleurs imposé par l’évolution du cinéma de par le monde : nous sommes l’un des derniers pays, si ce n’est pas le dernier, à opter pour ce concept éculé, et penser sérieusement à le remplacer par ce concept plus moderne et plus rationnel de La Nuit du Cinéma. Chez nous cela peut bien porter le nom de LA NUIT DES ATLAS du cinéma marocain. Cela sonne bien et respecte l’un des symboles historiques de notre identité culturelle multiple. Ceci dit, on peut bien passer par une période transitoire graduelle, en revenant notamment, comme l’avait proposé la Chambre Nationale des Producteurs de Films (CNPF) en 2018, à l’itinérance du FNF par le biais d’un appel à candidature ouvert à deux ou plusieurs villes sur la base d’un cahier de charges précis.

Cela demande du temps et du travail, bien entendu. Il faut créer et instituer les instances et infrastructures techniques, humaines et réglementaires adéquates ; réinstaurer la pratique d’une gestion participative du secteur en collaboration avec l’ensemble des organismes professionnels ; et surtout ne pas oublier la célèbre et géniale parole de J-L. Godard : “Il n’y a pas de différence entre le Cinéma et la Vie. Le cinéma c’est la vie, et la vie c’est le cinéma“. Voilà. Tout est dit. A bon entendeur salut !

Aujourd’hui, les choses sont de plus en plus claires, et la situation du cinéma national se dégrade à vue d’oeil. La profession a besoin de renouveau et le secteur exige une refonte réglementaire et humaine de l’ensemble de ses structures. Il en va de l’avenir de notre cinématographie nationale.